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Rencontre avec Philippe Vilain, écrivain

le 3 janvier 2012
 

Rencontre avec Philippe Vilain, écrivain, ancien étudiant de la Sorbonne Nouvelle. Il a été lauréat du Prix de la Nouvelle en 1996. Il vient de publier "Pas son genre", bientôt adapté au cinéma...

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Philippe Vilain, vous avez été lauréat du Prix de la Nouvelle en 1996, quels souvenirs conservez-vous de cette expérience ?

Il s'agissait de ma première publication littéraire et donc de mon premier prix. Je l'ai accueilli avec un grand plaisir, comme une marque de confiance qui m'était accordée. Pour moi qui souhaitais devenir écrivain, cette publication me familiarisait avec l'idée que publier n'était pas impossible, que c'était là un rêve accessible et que, même si, évidemment, l'on n'écrit pas pour obtenir de la reconnaissance, l'obtenir de jurés qualifiés comme le sont ceux de ce prix reste valorisant.

 

Quel a été votre parcours à la Sorbonne Nouvelle ?

Après des études de lettres à l'université de Rouen, j'ai effectué un DEA et une thèse sous la direction de Marc Dambre. J'ai consacré ma thèse à un écrivain contemporain. Je souhaitais travailler sur l'œuvre d'un « écrivain vivant », étudier une œuvre en mouvement, au risque d'être contredit par l'auteur lui-même ; à l'époque, au milieu des années 90, travailler sur un auteur vivant n'était pas une chose forcément bien vue et, surtout, n'était pas répandue comme aujourd'hui. Les études consacrées à l'extrême contemporain se sont multipliées au cours de la dernière décennie, mais avant, nombre d'universitaires contestaient cette démarche. C'était une des raisons pour lesquelles j'avais choisi d'étudier à l'université Paris 3 qui me semblait en avance, plus aventurière : ainsi je me souviens que des écrivains venaient parler dans le cadre des séminaires de DEA. Là encore, la venue de l'écrivain à l'université s'est banalisée, mais en 1995, c'était rare. Cela donnait lieu à des rencontres intéressantes. La littérature s'incarnait, et devenait, en quelque sorte, accessible. Cette époque est importante pour moi. Si, d'ordinaire, les études doctorales sont une fin, le couronnement du troisième et dernier cycle universitaire, mes études doctorales ont constitué le début d'un cycle, au contraire, parce que je pouvais enfin me faire plaisir en choisissant mon objet d'étude et poser le ciment de ce qui nourrirait à la fois ma réflexion sur la littérature (notamment, le fictionnement de soi dans l'écriture) et ma propre entreprise littéraire.

Comment êtes-vous devenu écrivain ?

Vers l'âge de 16 ans, j'ai commencé à écrire, puis, vers 19 ans, j'ai écrit un roman qui s'intitulait Les murs sans fenêtre, pour lequel je conserve une certaine tendresse, parce qu'il racontait déjà, à la première personne, une histoire d'amour et qu'il contenait déjà en germes, dans son esthétique même (une écriture d'analyse), tout ce que j'écris aujourd'hui. Il me semble parfois que je n'ai fait qu'écrire le même texte, que mes romans sont des variations et des déclinaisons de celui-là. C'est à la fin des années 80 que le désir de devenir écrivain s'est révélé. C'est étonnant, mais je ne me voyais rien faire d'autre. Je savais que je ferais écrivain, que cela serait écrivain ou rien. Dernièrement, un ami m'a rappelé que je lui avais dit cela. Il y avait quelque chose de fou dans ce désir-là, parce que le milieu défavorisé dans lequel je vivais ne m'encourageait pas dans cette voie. Tous mes autres camarades avaient des désirs plus réalistes. Je ne saurais dire pourquoi cela se présentait à moi comme une évidence : écrivain, je serai écrivain. C'est pour devenir écrivain que j'ai fait des études de lettres, seulement pour ça. Elle m'ont beaucoup apporté, m'ont non seulement nourri de lectures mais m'ont aidé à me structurer et à élaborer des raisonnements. Je dois sans doute à mes études mon écriture rationnelle.

Avez-vous déjà enseigné ?

Non, je n'ai jamais souhaité enseigner. J'ai obtenu un doctorat de lettres mais je n'ai jamais souhaité enseigner. Il faut la vocation pour cela, je ne l'ai pas. Je vous l'ai dit, mon seul désir était de devenir écrivain, je l'ai voulu et compris assez tôt pour ne pas désirer exercer une autre activité. Franchement, je ne sais pas ce que j'aurais fait si je n'avais pas écrit, je veux dire, si je n'étais pas devenu écrivain. Peut-être la vie m'aurait-elle tout de même contrainte à enseigner, je ne sais pas. On ne peut pas refaire l'histoire. Il y a cinq ans, néanmoins, j'ai eu une expérience d'enseignement qui m'a beaucoup apporté. Le Centre Culturel Français de Turin m'avait proposé de réaliser un atelier d'écriture dans les lycées français de Turin et du Piémont. Je conserve de cette expérience un beau souvenir et je comprends maintenant le plaisir qu'un professeur peut avoir à transmettre son savoir. C'est une expérience que j'ai poursuivie à l'IUFM de Montpellier - l'atelier d'écriture faisait partie d'un module : là encore, l'expérience m'a plu. J'ai constaté que l'écriture fascine les jeunes, que nombre d'entre eux désire écrire, a des choses à dire, que certains ne manquent pas de talent et qu'il suffirait de peu de choses, de les aiguiller, de les soutenir, de les accompagner pour que l'écriture finisse, en retour, par les accompagner toute leur vie. Transmettre la pratique de l'écriture est important. Une nouvelle expérience pourrait être intéressante.

Quelle est votre actualité ?

En 2011, j'ai publié un roman, Pas son genre, une histoire d'amour entre un professeur de philosophie affecté dans une ville du nord de la France et une coiffeuse. Je voulais écrire sur la différence sociale en amour, sur ce que j'appelle le « racisme des sentiments », en mettant en scène des personnages que tout oppose socialement et culturellement, et, par là, démontrer qu'il n'est pas aisé de tomber amoureux hors de son milieu et que la notion de coup de foudre ne résiste pas au poids des conventions de classe. Que l'amour, finalement, et malheureusement, j'allais dire, n'est peut-être qu'une construction sociale.

Ce roman, Pas son genre, est en train d'être adapté au cinéma par le réalisateur Lucas Belvaux. J'en suis très heureux. C'est une belle aventure. Je suis impatient et curieux de voir portés à l'écran, le monde et les personnages que j'ai imaginés.

Par ailleurs, je fais le critique de cinéma et de littérature pour le magazine Transfuge, dirigé par Vincent Jaury.

Que lisez-vous actuellement ?

Je viens de lire relire le Marin de Gibraltar de Marguerite Duras, édité en Pléiade à la fin 2011 (sous la direction de Gilles Philippe, directeur du département Littérature et Linguistique Françaises et Latines - dont la préface est remarquable). C'est un roman - les cent premières pages surtout - qui ne me lasse pas, parce qu'il décrit prodigieusement les mécanismes de l'illusion et de la désillusion amoureuses. Je reste attaché à l'œuvre de Marguerite Duras, à laquelle j'ai consacré deux essais : Dans le séjour des corps (Editions de la Transparence, 2009) et Dit-il (Cécile Defaut éditions, 2011).

Avez-vous un conseil à donner aux étudiants de la Sorbonne Nouvelle ?

Essayer de vivre sa passion et se donner les moyens de la vivre.


Type :
Portrait
Contact :
Brigitte CHOTEL
Lieu(x) :
 
Partenaires :
 

mise à jour le 23 janvier 2018


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