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Vie étudiante, UFR LLCSE
le 25 octobre 2016
Le 5 octobre dernier, Giovanni a reçu le 1er prix de l'édition 2016 du Prix de la Nouvelle avec "Réseau(x), ou les souvenirs".
Je viens de Naples, en Italie. J’ai fait mes études en lettres modernes à l’Université “Federico II” de Naples, en suivant un parcours en littérature comparée en licence et ensuite, en littérature française pour le master 2. Mon sujet d’étude a été le roman surréaliste et c’est à cette époque là, en 2011, que j’ai passé quatre mois à la Sorbonne Nouvelle en suivant le programme Erasmus dans le but de réaliser des recherches pour mon mémoire. Le mémoire qui m'a conduit à réaliser une analyse autour de la façon dont la ville – Paris - est un élément formel et pas uniquement thématique du roman surréaliste a marqué à la fois ma théorie de la littérature, soit comme lecteur/critique soit comme apprenti/écrivain. De retour en Italie j’ai poursuivi cette recherche en élaborant un projet de thèse qui envisageait de parcourir les constantes formelles du surréalisme et du réalisme magique et du "real maravilloso" des littératures hispano-américaines. Mais, suite à une grosse déception due à l’impossibilité d’obtenir un contrat doctoral, j’ai pris la décision de quitter l’Italie et de recommencer à zéro ailleurs, en France. Je prends donc un aller-simple pour Paris en avril 2013 avec le peu d’argent que j'ai de côté et une fois arrivé, je me hâte de trouver un boulot qui puisse me permettre de démarrer ma nouvelle vie en France. Après un mois, je suis embauché comme barman à l’Indiana Café à coté de la Bnf, et c'est ainsi que, le matin, je me retrouve à faire le même chemin que celui que j’aurais pu faire si j’avais eu un contrat doctoral, mais en laissant dans mon dos les grands bâtiments de la Bnf et en mettant mon t-shirt noir de barman. Cette expérience a été une vraie plongée dans une vie enfin détachée des tours d’ivoire de l’académie et elle a marqué profondément mon rapport à la littérature et l’acte d’écrire. J’ai travaillé dans le bar et j’ai appris le français et par la suite, pendant l’été, j’ai eu un poste d’assistant de langue italienne en Isère, pour travailler dans une ville qui s’appelait Saint-Maurice l’Exil. Et ainsi, après cinq mois durant lesquels la vie commençait à s'enraciner, je vis de nouveau un déracinement et un nouvel exil. L’expérience en tant qu’assistant de langue a été une prise de conscience déterminante, celle de vouloir investir toutes mes forces dans le but de devenir professeur de langue italienne en France. En septembre 2014, je rentre à Paris. Je suis embauché alors comme assistant d’éducation dans le 93 dans un collège qui s’appelle ‘Jean Vigo’, comme un des mes réalisateurs préférés. Travailler dans une Rep + consolide encore plus mon envie d’être professeur d’italien. Je réalise un film documentaire sur les élèves du collège avec deux collègues, Yann Berlier et Lola Cambourieu. On appelle le film « 9.3. Zéro de conduite » en hommage à Jean Vigo. Pendant cette période, je reprends l'écriture. J’écris pour la première fois un texte en français, le texte autobiographique qui accompagne le dossier de presse du documentaire. Le texte déborde et il devient un récit appelé : « Je n’ai jamais appris le français ». En septembre 2015, je m’inscris au Master Meef Italien à la Sorbonne Nouvelle pour préparer le Capes et je commence la rédaction d’un recueil de nouvelles où confluent toutes les réflexions littéraires que j’avais élaborées à partir de mon mémoire et de mon projet de thèse inachevé. En avril, je vois le thème du Prix de la Nouvelle, « réseau(x) » et j’y participe parce qu’il s'avère totalement en résonance avec l’écriture que je menais. En juillet, j’ai les résultats du Capes : je suis admis. En septembre 2016, je fais ma première rentrée en tant que professeur d’italien, enfin.
Je travaille sur un recueil de nouvelles depuis une année. Le thème de cette édition, « réseau(x) » s’inscrivait parfaitement dans ma démarche. Cette nouvelle sera la nouvelle finale du recueil, celle qui donnera la clef des autres nouvelles du recueil pour la mise en place d’un certain enjeu entre autobiographie et fiction. Avec cette nouvelle, je voulais faire un récit où le(s) thème, le réseau(x), structurait la forme de la nouvelle. Cette nouvelle est la mise en place d’un système, d’un réseau de souvenirs d’un autofiction, la mienne. Ce réseau de souvenirs est donné avec un complexe système de notes de bas de pages qui fragmentent sans cesse le récit principal et qui oblige le lecteur à lire le texte comme un hypertexte. Je voulais aussi récréer l’expérience de lecture dominante de notre société, la lecture d’un texte qu’on peut lire sur Internet et au milieu de tous les réseaux sociales ; une expérience de lecture fragmentée où ce que Seymour Chatman appelle les « satellites » d’un récit deviennent plus important que le récit principal. Le récit principal de ma nouvelle est conçu comme la pointe d’un iceberg, ce que d’habitude l'on donne au lecteur. Le récit dans les notes de bas de pages, d’ailleurs, représente le vécu. Il y a les noms, les dates, les notes de mes carnets. Ce récit c’est le ‘carton’, le paratexte qui deviendra un texte. Un titre écarté de cette nouvelle était « Palimpsestes, ou les souvenirs ». Donc, dans le récit submergé je suis l’invitation d’André Breton à faire un récit où il y a les noms. En reprenant l’épigraphe de la nouvelle, le récit qui se déroule dans les notes de bas de pages, est un récit « battant comme une porte » et qui donne la clef du récit principal.
Je fais mon année de stage comme professeur certifié d’italien au sein du Master Meef 2 alternant à la Sorbonne Nouvelle et à l’Espe de Paris.
Les souvenirs en tant qu'étudiant étranger qui faisait son Erasmus et écrivait son mémoire sur le roman surréaliste dans la BU. Le souvenir en tant que travailleur qui venait à la BU, plongé dans la mélancolie d’une saison qui s’était achevée. Les souvenirs en tant qu'étudiant qui préparait le Capes et qui se retrouve à fréquenter à nouveau les salles des cours et la BU mais comme un voyageur dans le passé. Et puis, tous les cafés pris avec les amis. Et les éclats de beauté au milieu des escaliers de la BU, en fumant une clope, de toutes les belles passantes dont je suis tombé amoureux mille fois et parfois rencontrées.
Dans ma chambre j’ai affiché une photo prise dans les locaux de la Sorbonne pendant mai ’68. Il y a des amoureux allongés sur une banc qui se tiennent dans les bras. Derrière eux, sur le mur, il y a un tag : Plutôt la vie. C’est un détournement d’un magnifique poème d’André Breton. Plutôt la vie, plutôt la vie, plutôt la vie. Voilà mon invitation, plutôt que mon conseil.
mise à jour le 25 octobre 2016