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Full ou Limited ? La « qualité » de l'animation à la télévision, entre économie et esthétique

du 6 novembre 2014 au 7 novembre 2014

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Colloque international


Organisation :
Chantal Duchet et Barbara Laborde
EA 185 - Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel (IRCAV) / LABEX ICCA

Présentation :

Dès les débuts de l’industrialisation du dessin animé dans les années 1910, les producteurs ont tenté de limiter au maximum le nombre de dessins par seconde pour des raisons économiques. Mais à partir des années 1950, la recherche d’un moindre coût pour faire face à la baisse des budgets générée par le développement des programmes télévisés a amené un usage vite dominant de l'animation limitée. La télévision française n’a pas échappé au mouvement, et un outil comme l'animographe, qui a servi à produire les Shadoks à la fin des années 1960, a été développé spécifiquement pour répondre à la baisse des budgets. Le développement de l'animation japonaise, puis des coproductions avec le Japon dans les années 1970 à 1990, a perpétué l’usage d’une animation “limitée”, même si la perception de cette limitation n'est pas identique au Japon et en Occident. Avec l’arrivée du numérique d’autres choix d’équilibre entre qualité et coût apparaissent : définition de l’image, niveau de qualité du rendu, complexité des formes, animation par image clefs ou par capture de mouvements, automatisation des réutilisations, …La question de la réduction des budgets induite par l’usage de l’animation limitée sera donc au cœur du colloque.

Outre la dimension économique, les conséquences esthétiques de l’emploi de l’animation limitée sont importantes. En effet, afin de gagner en productivité il s’est agi pour les dessinateurs de limiter la complexité non seulement des mouvements, mais aussi des éléments visuels, avec par exemple l’emploi d’aplats colorés aux dépends d’une esthétique plus “réaliste” typique du cinéma de Walt Disney. Le cas des films de la UPA (United Productions of America), vite repris à la télévision par Hanna-Barbera Productions, est emblématique d’une production conciliant coupes budgétaires et simplification formelle dans un refus de l’esthétique disneyenne. Aujourd’hui encore, des réalisateurs comme Isao Takahata ou Bill Plympton, qui travaillent d’ailleurs à la fois pour le cinéma et la télévision (séries animées ou publicités), créent en employant volontairement une technique d'animation limitée. Dans les programmes télévisés contemporains, l’emploi d’une animation “limitée” se fait parfois pour rappeler une esthétique des années 1950 ou 1960.

Le colloque invite donc à interroger spécifiquement les relations entre l’animation limitée et la télévision. On constate en France des lacunes en termes de réflexions scientifiques sur la question des rapports entre télévision et animation, alors même que la place de la France dans le domaine de la production d’animation télévisée est devenue centrale au niveau mondial depuis les années 1990. Ce colloque a donc pour ambition d’aborder un corpus extrêmement spécifique, envisagé dans une perspective internationale mais depuis la France, dont il s’agira également de cerner le positionnement spécifique quant aux rapports entre animation et télévision, dans le contexte mondial du marché de l’audiovisuel alors même que se dessinent de nouveaux contextes de réception et de diffusion.  

Le colloque devra donc proposer une approche transversale de l’histoire de l’animation à la télévision en France, dont la « limited animation » sera le point d’ancrage. Il s’inscrira dans une perspective diachronique, obligatoire pour comprendre les enjeux économiques mais aussi les pratiques contemporaines et la réception. Dans cette perspective, nous souhaitons proposer des points de convergence avec les États-Unis ou le Japon, pour traiter la question des impacts économiques et esthétiques, et éclairer la production française au regard des productions internationales.        

À cet égard, nous souhaitons inviter trois chercheurs étrangers spécialistes du champ, afin qu’ils puissent apporter leur éclairage sur cette question, en faisant une communication plus longue que les autres participants, en qualité de “keynote speakers”. À ce jour, nous sommes en pourparlers avec Thomas Lamarre (Associate Professor, Art History and Communication Studies, McGill University), Jason Mittell (Professor of American studies and film and media culture, Middlebury College) et Jonathan Gray (Professor of Media and Cultural Studies, University of Winsconsin). 

Pour appréhender cette histoire de l’animation télévisée, les propositions de communication pourront interroger plus particulièrement les points suivants (liste non exhaustive) : 

1/ Questions terminologiques :

Pourront être étudiés :
- les éléments qui caractérisent l’animation limitée : la réutilisation, les cycles, mais aussi l’influence des codes graphiques de la bande dessinée ; l’analyse des différences entre l’animation limitée américaine (UPA, Hanna-Barbera, pour ne citer que les plus connus) et l’animation limitée japonaise, récemment remises en perspective avec le concept de « selective animation » de Gan Sheuo Hui (Université de Singapour) ; 
- la connotation péjorative associée à l’animation « limitée », afin de confronter les différentes acceptions de la « limited animation ». La question de la qualité telle que nous l’envisageons doit amener à étudier les prises de position des différents acteurs de l’industrie télévisée, et en creux de ceux de l’industrie cinématographique (certains sont parfois des deux côtés), sur l’abaissement du nombre de dessins par seconde et les autres critères liés au numérique ; 

2 / Perspective d’histoire des techniques :

Comment et pourquoi la télévision a-t-elle permis la création ou le développement d’autres dispositifs techniques que ceux du cinéma : l’animatographe, le dessinoscope, etc. ? Pourront être proposées une histoire de ces dispositifs, ou d’un dispositif en particulier. Nous incitons les chercheurs ayant connaissance de ce type de dispositifs techniques créés hors de la France à soumettre une proposition (la Hongrie et la République Tchèque ont par exemple beaucoup innové en travaillant la pâte à modeler pour la télévision). Quelles traces reste-t-il de ces techniques, et comment informent-elles l’histoire de l’animation télévisée selon les pays ? Comment expérimentation et production se sont-elles conciliées (on pense au Service de la Recherche de l’ORTF, mais pas uniquement), pour quels objets culturels ? 

3 / Perspective historique :

On pourra invoquer le cinéma pour revenir à la télévision : si les films UPA s’inscrivent dans le mouvement d’art moderne de l’époque, avec une esthétique parfois proche de l’abstraction, la télévision récupérera le principe des décors simplifiés, des aplats de couleur et des mouvements limités des personnages, pour toutes ses premières séries animées. Des communications pourront dessiner les contours d’une histoire de ces va-et-vient entre les deux esthétiques, full et limited, mais aussi interroger les influences mutuelles entre cinéma et télévision, et les passages, parfois nécessaires, d’une industrie à l’autre (pensons par exemple au cas de la société Les Gémeaux qui connaît la faillite dans le cinéma mais se reconvertit dans la publicité avec La Comète, sans Paul Grimault qui refuse de se plier à la publicité). 

4 / Approche liée à la réception et à la diffusion :

Se posent aussi les questions de réception, de diffusion et de programmation, et de cycles « innovation-reproduction-saturation » que l’on retrouve dans de nombreux dispositifs télévisuels. On pourra notamment s’interroger sur:
- La réception critique de l’animation limitée, notamment à travers la presse spécialisée.
- Les processus d’intégration de l’animation japonaise à la télévision française.
- Une analyse des publics (étude de réception), ainsi que les normes ou assignations culturelles dont sont porteurs ces programmes. Le lien animation limitée/public juvénile pourra être interrogé
- Les usages de l’animation limitée dans un cadre transmédial (mangas adaptés pour la télévision, bande dessinée numérique comme ce que propose Arte.fr, etc…) 

5 / Approche esthétique sur des objets contemporains :

Puisqu’il existe déjà un certain nombre de travaux sur l’animation de l’âge d’or hollywoodien et sur le cartoon moderne, nous invitons les chercheurs à proposer des communications ayant comme objet des œuvres contemporaines. Qu’en est-il des séries télévisées animées actuelles, influencées par les deux esthétiques, full et limited ? Quelle est l’influence de l’animation limitée sur les séries actuelles ; quels sont les jeux, les appropriations, les hommages, les clins d’œil, les références qui sont faits, et qui ne sont plus des enjeux économiques mais esthétiques (glissement de l’un à l’autre) ou tout simplement liés à des habitus au sens de Pierre Bourdieu et à des savoirs - faire? 

6 / Approche économique et industrielle :

- Comment les pratiques industrielles peuvent-elles influencer le contenu et quelles sont les conséquences sur les œuvres ? (pourront être abordés : la question de la censure, du remontage, mais aussi des questions spécifiquement télévisuelles : choix de la case-horaire, mise en concurrence des programmes, public cible, lectures horizontales et verticales du positionnement des productions en animation limitée dans les grilles de programmes).
- Qui a la main ? Producteurs, diffuseurs ? Qui est à l’initiative des programmes ?
- On pourra étudier l’environnement compétitif et la circulation des productions de l’industrie française dans le monde. Qui vend quoi, à qui, et selon quelles clauses ?
- Quel est le processus de sélection des programmes par les chaînes ?
- Sur la délocalisation de certaines étapes de production comme l’animation : quelles sont les raisons économiques, les influences/conséquences sur l’esthétique des séries ?
- On pourra aussi s’interroger sur la question des remakes de séries classiques (Félix, Calimero, Maya l’abeille,…), importants en France, et à l’international, à l’heure actuelle.

Consulter le site du colloque.


Type :
Colloque / Journée d'étude
Lieu(x) :
Amphithéâtre du Monde Anglophone de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
5, rue de l’École de Médecine 75006 Paris

mise à jour le 20 mai 2019


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