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Vie des personnels
le 4 janvier 2023
Maîtresse de conférences de Littérature générale et comparée à la Sorbonne Nouvelle, titulaire de la Chaire Croisée en Humanités avec l'Université de Montréal.
Quel est votre parcours universitaire ?
J’ai intégré l’E.N.S de la rue d’Ulm en 1992 (spécialité « Lettres Modernes »), après trois années de classes préparatoires littéraires au lycée Fénelon. En première année d’École, je me suis inscrite à la fois en Maîtrise de Lettres et en L3 d’Anglais à la Sorbonne (les E.N.S. ne délivraient pas à l’époque leurs propres diplômes). J’avais pris goût à l’interdisciplinarité et souhaitais garder une ouverture maximale dans mes recherches : c’est pourquoi, dès la Maîtrise, j’ai opté pour la littérature comparée. Dès ce moment-là aussi, j’ai choisi de travailler sur le XVIIIe siècle français et anglais. J’ai enchaîné avec un DEA (ancêtre du M2), puis une thèse de doctorat en littérature comparée, sous la co-direction d’Yves Chevrel et Jean Dagen : « Le roman parodique au XVIIIe siècle en Angleterre et en France, de Marivaux à Jane Austen », que j’ai soutenue en 2000. La réalisation de ma thèse a été facilitée par le contrat doctoral que j’avais obtenu en 1997 à l’université de Lille, où j’ai aussi pu commencer à enseigner la LGC en L1 et L2, pendant 3 ans.
J’ai eu un premier poste de MCF à l’université de Poitiers en 2002, puis j’ai obtenu ma mutation à la Sorbonne Nouvelle en 2007. Depuis le début de ma carrière, je m’efforce d’exercer de manière équilibrée les trois tâches de l’enseignant-chercheur : l’enseignement (de la L1 au M1, et parfois l’agrégation), la recherche, qui se déploie actuellement pour moi sur trois axes complémentaires, et les responsabilités collectives (j’ai notamment dirigé le département de LGC pendant ces 4 dernières années).
Vous êtes titulaire de la Chaire Croisée en Humanités, pouvez-vous nous la présenter ?
J’ai une relation personnelle très forte avec le Québec et la ville de Montréal en particulier : j’y ai passé une année universitaire juste après avoir obtenu mon agrégation de Lettres, en 1994-1995 ; c’est là (à l’université McGill) que j’ai donné mes premiers cours de littérature ! Depuis lors, je suis en contact régulier avec de nombreux universitaires que j’ai connus à cette époque ou ultérieurement, via mes relations avec la SATOR (Société d’Analyse de la Topique Romanesque), que j’ai découverte en 2004. En 2006, cette association internationale organisait son colloque annuel à Montréal : c’est à cette occasion que j’ai rencontré Ugo Dionne, qui est professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l’Université de Montréal.
Depuis le milieu des années 1980, la SATOR répertorie et étudie les topoi narratifs ; c’est une pionnière de ce que l’on appelle aujourd’hui les humanités numériques.
Un topos narratif est une configuration narrative récurrente, ou mini-scénario récurrent (par exemple, « Abandonner_enfant », étudié par Madeleine Jeay dans un récent article en ligne : https://sator.hypotheses.org/999) : on le retrouve dans différentes œuvres, de différentes époques et différentes cultures (l’enjeu est d’en interpréter les échos et transformations), d’où l’importance d’avoir un répertoire de topoi consultable, mais aussi modifiable et modulable à mesure que les chercheurs et chercheuses trouvent de nouvelles occurrences d’un topos ou souhaitent proposer de nouveaux topoi.
Avec mon mandat de directrice de département qui touchait à sa fin, lorsque j’ai vu paraître l’appel pour la Chaire Croisée en Humanités entre notre université et l’UdM, j’ai immédiatement été tentée de déposer une candidature : Ugo Dionne s’est dit partant et nous avons donc envoyé notre projet.
La SATOR (dont je suis présidente depuis 2016) est depuis environ 2 ans en train d’essayer de recréer une base de topoi, car la précédente, Satorbase, créée dans les années 2000 à l’université McMaster au Canada, puis hébergée à McGill, est malheureusement devenue inaccessible… Heureusement, l’association a pu récupérer les données brutes de la base : il reste à les rendre à nouveau accessibles et modifiables en ligne, pour la communauté internationale des chercheurs et chercheuses.
C’est ce projet qui est au cœur de la Chaire Croisée, dont Ugo Dionne et moi-même sommes titulaires depuis le printemps 2022 et jusqu’à l’été 2024 : nous en avons effectué une présentation, à la suite du bilan de l’équipe sortante (Isabelle Collombat et Hélène Buzelin sur les traductions d’éditions), le 22 novembre dernier, au lendemain du Focus Québec dans notre université.
Vous aimez rire ?
Oui, beaucoup ! Si je passe une journée sans rire ou sourire, seule ou accompagnée, c’est que je suis malade (ce qui m’arrive assez rarement). Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi de faire ma thèse de doctorat sur la parodie : je ne me voyais pas consacrer des années à travailler sur un sujet grave. La littérature comique est extrêmement riche et variée, donc je ne manque pas de textes à étudier ! C’est le 2e pan de mes recherches, et une part importante de mon enseignement.
En 2017, avec quatre collègues enthousiastes, nous avons créé une association de chercheurs et chercheuses en humour : nous souhaitions rendre visible et fédérer une nouvelle génération représentative des Humour Studies en France (après l’association CoRHum et sa revue Humoresques, qui avaient été très actives environ de 1985 à 2015). Le Réseau Interdisciplinaire de Recherches sur l’Humour (RIRH), c’est son nom, est né du désir de faire exister en France ce champ, en dialogue régulier avec les réseaux internationaux existants, où dominent les pays anglophones. En guise de prolégomènes à la création de l’association, un grand colloque avait été organisée par Nelly Quemener (qui était alors MCF dans notre université) à Beaubourg en 2016 : j’avais participé à une table-ronde avec des humoristes alors émergents, animée par une autre future co-fondatrice du RIRH. Il en existe une captation en ligne : je pense que le plaisir de la discussion et l’ambiance hilare un peu folle sont bien perceptibles.
RIRH a organisé des journées d’études dans les années qui ont suivi sa fondation (« Les scènes de l’humour » à Bordeaux ; « Les langues de l’humour » à Dijon) : on y a retrouvé le mélange de bonne humeur et de sérieux scientifique qui fait la particularité de ce champ d’étude. Puis, dès que le Covid l’a permis, nous avons enfin pu organiser ce qui était conçu dès le départ comme le point d’aboutissement de cette première période d’activités : un grand colloque international sur « Les publics de l’humour », à la Sorbonne Nouvelle (campus Condorcet), les 24-25 novembre 2022. Nous avons été très flattés que Jamil Dakhlia accepte d’en assurer le discours d’ouverture.
Dans ce champ aussi, le Québec n’est jamais loin : nous étions plusieurs fondateurs du RIRH à participer au congrès de l’International Society for Humor Studies (ISHS) à Montréal à l’été 2017. Ce fut l’occasion de rencontrer nos collègues de l’association locale, plus ancienne, l’Observatoire de l’Humour (OH). Il a été tiré un ouvrage collectif regroupant des articles issus des interventions littéraires et francophones du congrès : Etudes littéraires et Humour Studies. Vers une humoristique francophone, que j’ai co-dirigé avec Bernard Andrès, de l’UQÀM, et qui est paru aux PSN en 2021. Par ailleurs, la conférence plénière d’ouverture de notre colloque de novembre a été assurée par une chercheuse de l’OH, Christelle Paré.
Comme on l’a vu pendant ce récent colloque, beaucoup des recherches menées dans ce champ portent sur des enjeux et des corpus contemporains (les humoristes des XXe et XXIe siècles, le stand up, l’humour dans les situations de communication, les jeux vidéo,…). Pour ma part, je continue à creuser mes propres domaines de recherche, en pratiquant plutôt une « humoristique » (je suis assez fière de ce néologisme, expliqué dans le livre cité) historique : l’histoire même du mot « humour » en anglais et dans les autres langues ; les manifestations relativement anciennes de l’humour (dans les différents sens du mot, qu’il faut toujours préciser) ; la réception et la traduction de telle ou telle œuvre « humoristique » (ou comique) dans d’autres langues et à d’autres époques…
Mes œuvres favorites – mes étudiant.es le savent ! – sont Don Quichotte de Cervantès et Tristram Shandy de Sterne. On n’a jamais fini d’en faire le tour ; ce sont des mines, notamment pour la littérature comparée.
Vous parliez de trois axes complémentaires de vos recherches actuelles : nous avons abordé la topique narrative et l’humoristique ; quelle est la troisième ?
Il s’agit de l’histoire des traductions. Je pensais avoir un peu tourné cette page après la parution d’un très gros travail collectif en 2014 (Histoire des traductions en langue française. XVIIe-XVIIIe siècles, chez Verdier, volume co-dirigé avec Yves Chevrel et Annie Cointre), mais j’ai été sollicitée récemment par des collègues européens pour participer à des colloques ou des publications, et me suis rendu compte que ce sujet continue à être passionnant pour moi et que j’ai encore des choses à dire sur le sujet.
J’ai obtenu au printemps dernier une chaire d’excellence de l’agence de la recherche allemande (DFG) –« Mercator Fellowship » – dans le cadre d’un projet de recherche sur les « cultures de la traduction » aux XVIIe et XVIIIe siècles : la chaire prévoit un séjour de 1 à 3 mois sur place ; je serai chercheuse invitée à Germersheim, université de traduction intégrée à l’université de Mayence, au printemps 2023 (après la fin des cours à la Sorbonne Nouvelle). Les collègues qui vont m’accueillir parlent parfaitement français et je donnerai mes conférences en anglais, mais je ne voulais pas séjourner durablement dans un pays sans en maîtriser au moins un peu la langue. Or je n’ai jamais étudié l’allemand… Au 1er semestre, j’ai donc suivi quelques cours d’allemand débutant (niveau A1) comme auditrice libre, avec des étudiant.es qui pourraient être les miens. On pourrait croire que cela m’a rajeunie, mais en fait, pas vraiment ! J’admire comme on peut apprendre vite à 20 ans !... Disons que c’est un processus un peu plus long pour moi !... Je ne suis pas près de lire Goethe dans le texte, mais au moins, je pourrai articuler quelques mots et saisir des bribes de conversations auprès de mes hôtes au printemps prochain.
Un mot pour les futur.es étudiant.es de la Sorbonne Nouvelle ?
Je vais prêcher pour ma paroisse : venez découvrir la LGC à la Sorbonne Nouvelle, en licence ou en master ! Vous y trouverez le plus gros département relevant exclusivement de cette discipline, qui permet à la fois le renforcement des fondamentaux (connaissances et méthodes) de toute formation littéraire, mais aussi des ouvertures culturelles dans de multiples directions, du fait des nombreuses spécialités de ses enseignant.es-chercheur.es. Rendez-vous aux JPO !
mise à jour le 4 octobre 2023