En écho aux Lettres de la religieuse portugaise du XVIIème siècle, Les Nouvelles Lettres Portugaises, écrites à six mains par Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa et publiées en 1972, constituent un pamphlet contre l’idéologie en vigueur pendant la période appelée « Etat Nouveau » qui a précédé au Portugal le coup d’état du 25 avril 1974 visant à rétablir la démocratie. Les « trois Marie » y dénoncent, entre autres, la guerre coloniale, le système judiciaire, l’émigration, la violence, la condition des femmes.
L’actualité du livre reste entière puisqu’il est lu aujourd’hui par la critique à la lumière des théories féministes les plus récentes ou les plus émergentes (queer). Il repousse les limites du genre littéraire entre récit, poésie et roman épistolaire. Ce refus des frontières normatives a également des incidences sociologiques, historiques et politiques. Cette œuvre passe-frontières se définit avant tout par l’excès, comme l’a compris Maria de Lurdes Pintassilgo dans sa préface à la première édition, et c’est bien dans ce sens que le colloque propose de travailler ses généalogies et ses générations. Au-delà de l’intertexte revendiqué des Lettres de la Religieuse Portugaise, un réseau de filiations reste à trouver : de Sapho au romantisme et à la littérature féminine de la première moitié du XXème siècle, en passant, entre autres, par les chansons d’amis, la littérature libertine et la littérature conventuelle.
Les généalogies se révèlent être des vecteurs de réinterprétations fondatrices de la part d’une génération d’écrivaines occidentales. Cet effet de génération pose les bases imaginaires, esthétiques, philosophiques et géopolitiques qui permettront des engendrements multiples dans la postérité de l’œuvre. Nous constatons en effet que, au-delà de la production littéraire des trois auteures qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui, Les Nouvelles Lettres Portugaises sont paradigmatiques pour les générations actuelles et futures d’écrivains, de dramaturges, de poètes et d’artistes plasticiens. Ainsi, tous les modes de réception de l’œuvre pourront être envisagés.