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L'objet monde au Moyen Âge : clôtures et mise en ordre dans les productions littéraires, iconographiques et architecturales

le 10 février 2020

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Organisation :
 
Mathieu Beaud (LaMOP, Université Paris 1), Luce Carteron (CERAM, Université Paris 3), Kristina Mitalaïte (LEM, CNRS) et Enimie Rouquette (CERAM, Université Paris 3)
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Argumentaire :

Le monde médiéval (mundus), création divine, ordonnée et parfaite, se suffit du principe divin qui en règle le fonctionnement. Cette perfection du monde, inséparable de sa clôture et de son intégrité, semble aussi avoir été pensée comme principe de la création humaine.

Partant de réflexions sur le haut Moyen Âge, l’objectif de cette journée d’étude sera de suivre la pertinence, la survivance et peut-être l’effacement et le remplacement de ce schéma de pensée sur toute la période médiévale.

La pensée carolingienne présente de nombreux indices d’une analogie entre création divine et création humaine. Émerge ainsi la notion de clôture dans le monastère, qui va de pair avec la réflexion menée sur l’idéal monastique : en témoigne la généralisation de la Règle de saint Benoît et l’importance progressive qu’accorde le monachisme au cloître, mot dérivé de claudere. Si la clôture sépare le moine du siècle, elle le place par ailleurs dans un monde per se dont la totalité et l’harmonie sont symbolisées par la forme du bâti et l’espace que crée cette dernière, ordonné, réglé et tourné vers la louange de Dieu. Elle délimite un monde clos et autonome, image du monde paradisiaque : dans la clôture réside une totalité, la clôture s’extrayant ainsi du concept de frontière.

La clôture semble dès lors être une notion fructueuse pour interroger d’autres domaines de la production et de la pensée médiévales. La période carolingienne, là encore, offre à ce sujet une réflexion probante sur l’image, son statut et son fonctionnement. Le De Laudibus Sanctae Crucis de Raban Maur agence par exemple pour la première fois écriture, graphie et visuel en un seul dispositif qui engage le lecteur/regardeur à une contemplation, une méditation, une intellection potentiellement infinies et pourtant fondées sur les éléments que contient une même page. On peut également penser à Théodulf d’Orléans lorsqu’il décrit un arbre encyclopédique inscrit dans un cercle (Dümmler, poème XLVI). En somme, l’objet monde, produit de la création humaine, ordonne et est également ordonné selon le principe de l’harmonie divine, érigée en principe de la création humaine par son application aux arts libéraux (géométrie, arithmétique et musique) et potentiellement applicable à tous les domaines.

La clôture semble donc engendrer du sens à partir des éléments qu’elle contient par un processus heuristique continu de méditation, constatation peut-être commune à nombre de productions intellectuelles, bien au-delà de la séquence carolingienne. En ce moment même, la BnF propose l’exposition « Le monde en sphères » présentant près de deux mille cinq cents ans de pensée du monde sous forme de globe ou de disque, dans laquelle nombre d’objets médiévaux ont trouvé leur place. La volonté de connaître le monde se manifeste par ailleurs par le développement de l’encyclopédisme, effort pour reconstituer la totalité du monde en un classement ordonné, ou encore des diagrammes et des mappae mundi qui enclosent le monde à une échelle abordable pour l’œil et la raison humaine. De la même manière, l’observation de la révolution du temps, à savoir la constitution d’un cycle par la répétition – s’exprimant jusque dans la réflexion sur le calendrier qui concentre, dans l’ordre des jours et des mois de l’année solaire, les fêtes chrétiennes, ainsi que les cycles liturgiques et astronomiques –, ne participerait-elle pas de cette volonté d’enclore le monde ?

La clôture apparaît donc comme un processus dynamique qui, en recréant le monde à l’échelle d’un objet en une mise en ordre significative, en donne une version cohérente. La variété de nature de ces objets rend sensible la possibilité de mettre en place, à leur échelle et avec leurs propres lois, une version du monde dont chacun livrerait une herméneutique cosmique. Ainsi, architectures, façades, enluminures et textes littéraires, jardins, proposent un macrocosme à échelle humaine prenant sens dans cette clôture. La complémentarité des savoirs qu’ils mobilisent et concernent semble converger vers un système de pensée commun aussi bien à l’acquisition de la connaissance qu’à son expression.

Nous avons choisi le terme « objet » pour regrouper l’ensemble des productions médiévales pouvant être lues, vues et déchiffrées. Cette journée d’étude visera à vérifier l’hypothèse que la clôture est une condition de recréation du monde à l’échelle de cet objet. Pour étendre ces questionnements observables dans le monde carolingien aux époques postérieures, aussi bien qu’en vue d’observer leurs prolongements, enrichissements ou transformations, nous souhaitons que soient interrogés différents types d’objets médiévaux rarement confrontés : le texte, dans sa matérialité ou non, l’image dans ses différents lieux – manuscrits liturgiques, façades, carmina figurata, fresques, ou autres – mais aussi jardins, formes architecturales, etc. L’ordre et la clôture comptent-ils parmi les moteurs de la création d’objets médiévaux soit dans leur valeur d’artefact, soit dans leur structure rhétorique au sens large, soit dans leur intention discursive ?

La journée demandera aux personnes participantes de présenter un objet particulier, d’en exposer l’analyse approfondie d’après les pistes présentées dans l’argumentaire et les questions ci-dessous et de proposer des outils théoriques propres à chaque type de document ou à chaque discipline. La journée se conclura par une table ronde durant laquelle l’ensemble des participants et les personnes présentes pourront poursuivre et approfondir les discussions.

  • Ces pistes se révèlent-elles valides pour tout type d’objet médiéval ou, justement, existe-t-il des typologies ou des hiérarchies ?
  • Selon quelles modalités la clôture interagit-elle avec les éléments qu’elle rassemble pour produire du sens ? Est-elle le seul principe de mise en ordre de ces éléments ?
  • L’évolution de l’organisation de la connaissance (notamment par le biais de l’encyclopédisme) a-t-elle modifié les principes de production ou de création de l’objet ?
  • Comment ces principes agissent-ils sur l’action intellectuelle, méditative ou spirituelle de qui perçoit l’objet ?
  • Y-a-t-il une transversalité dans le vocabulaire employé (« voir », « déchiffrer », « lire », « identifier », « interpréter »…) pour désigner l’opération d’intellection qui se déploie au sein de la clôture ?
  • Le mot claustrum peut désigner la virginité mariale et l’enclos maternel : à quel point ce terme, qui est aussi christologique, participe-t-il de la réflexion sur le corps et sa place dans le monde ?
  • Dans quelles mesures la contrainte exercée par la clôture, ou par la règle qui s’exerce dans le lieu enclos, se charge-t-elle d’une connotation négative ? Claustrum réunit en effet les contraires dans son champ sémantique. Il peut ainsi définir la clôture du monastère mais aussi la prison, la délimitation de l’espace intime tout comme l’enclos de l’enfer : cette ambivalence sémantique détermine-t-elle les réflexions sur l’objet-monde ?

crédit photographique : British Library, Add MS 47682, fol. 2 r

 

Type :
Colloque / Journée d'étude
Lieu(x) :
Maison de la Recherche
de l'Université Sorbonne Nouvelle
4 rue des Irlandais
Paris 75005

mise à jour le 27 janvier 2020


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