photographe ? Si l’on connaît l’homme de mots, héraut du naturalisme en littérature, dont les romans cristallisent d’exceptionnelles qualités d’observation et d’analyse, on connaît moins bien l’homme d’images qui, entre 1894 et 1902, année de sa mort, pratiqua avec l’enthousiasme d’un néophyte et le sérieux d’un expérimentateur, l’art de la photographie.
En 2017, plus de 2000 négatifs sur plaques de verre, œuvres originales de Zola, qui étaient jusqu’alors conservés par sa descendance, furent proposés en vente publique. Leur acquisition par la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, et la restauration de 500 d’entre eux, permirent de relancer l’étude de ce corpus photographique, en partie inédit, désormais numérisé et accessible sur Internet (
pop.culture.gouv.fr, base « Mémoire »).
Conçue par le Centre Zola de l’ITEM et la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, cette exposition, située dans les locaux de la Maison de la recherche de la Sorbonne Nouvelle, présente une vingtaine de photographies – tirages modernes réalisés d’après les négatifs originaux – dont la cohérence réside dans l’éclairage privilégié proposé au public : tenter de comprendre ce que Zola appelait lui-même, à propos de sa vision d’artiste, « le mécanisme de mon œil. »
Dans une interview, en 1900, il déclare : « A mon avis, vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose à fond si vous n’en avez pas pris une photographie révélant un tas de détails qui, autrement, ne pourraient même pas être discernés. » Ces détails, l’œil de Zola ne se contente pas de les enregistrer : il les
trie, les organise, les met en perspective, les relie. À Médan, auprès de son épouse Alexandrine et de ses amis, à Verneuil où il retrouve Jeanne et ses enfants, à Paris, entre les pavillons de l’Exposition de 1900, à Londres où il est forcé de s’exiler à la suite de son courageux engagement en faveur de Dreyfus, Zola pointe l’objectif de son appareil avec un sens du cadrage, de la composition, des rimes et rythmes plastiques, des équilibres ou déséquilibres savants qui est une marque de sa sensibilité d’artiste. Transgressant les codes esthétiques de son époque par des décentrages audacieux, des scènes simultanéistes inattendues, des surplombs panoramiques vertigineux, et privilégiant l’énergie sur l’inertie, cette recherche formelle n’est pas gratuite, elle est au service d’une quête d’expressivité, de poésie, qui s’incarne aussi bien dans l’art du portrait, que dans une méditation, nourrie de symboles, sur la finitude humaine.
À travers un parcours illustrant les thèmes de prédilection de sa production photographique, cette exposition veut ainsi mettre en évidence que Zola, homme d’images, est bien davantage qu’un amateur passionné et un collecteur d’instantanés : dans ses photos les plus abouties, qui dérogent aux stéréotypes de son temps, s’affirment un style personnel, une personnalité d’artiste.
Centre Zola (ITEM – CNRS/ENS) et Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
Crédit photographique : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, diff. RMN-GP, fonds Zola