Le soufisme créa très vite son propre code de conduite idéale, un savoir-vivre spécifique se rattachant aux enseignements du Coran et à l’exemple du Prophète. L’adab soufi correspondait à la nécessité pour les soufis de discipliner leur âme, de codifier les rapports entre maître et disciple et de créer des règles pour la vie en communauté, qui aboutira finalement au développement d’institutions. Ces normes concernent aussi bien la vie de prière que les plus petits détails de la vie matérielle.On ne peut aborder la question sans faire l'économie d'une réflexion sur des notions proches, telles que la muruwwa, la futuwwa et les a?laq – eux-mêmes façonnés par l’héritage grec. Réfléchir sur l’adab soufi, c’est aussi réfléchir sur l’éthique de l’Islam, présente dans le chiisme comme dans le sunnisme.
Toute une littérature spécifique d’adab soufi s’est développée de longue date, avec ses auteurs majeurs d’époque médiévale: chapitres de manuels de soufisme et traités indépendants. Cette littérature d’adab soufi a connu plusieurs étapes avec la rédaction des premiers manuels de soufisme au Xe siècle, le développement des confréries à partir des XIIe et XIIIe siècles, le succès du soufisme à l’époque mamelouke et dans l’Empire Ottoman, la massification de ce qu’on a appelé le « néo-soufisme » au XVIIIe siècle, l’influence du réformisme musulman aux XIXe et XXe siècles. Nous proposons d’aborder l’adab soufi dans une dimension à la fois thématique et diachronique pour dégager les différents aspects de ce type de littérature et s’efforcer de reconstituer une histoire de l’adab soufi dans les mondes arabe, turco-iranien et indien