Il est un fait que les algorithmes pénètrent chaque aspect de notre société. Le but de cette journée d’étude est d’examiner notre société algorithmique non pas (ou du moins pas seulement) de manière synchronique, mais plutôt de manière diachronique. Par ce terme, nous entendons deux choses :

(1) Tout d’abord, nous pensons que les algorithmes ne sont que la partie visible (à vrai dire, de plus en plus invisible) de l’iceberg d’une société du calcul et de la prévision qui a été préparée tout au long du Vingtième siècle

(2) Deuxièmement, nous pensons que les algorithmes ne sont pas seulement efficaces d’un point de vue matériel.

Il existe en effet une force symbolique des algorithmes. L’imaginaire est en fait une force instituante de la société. Et pourtant, comme le disait Castoriadis, la technique est souvent source d’hétéronomie. Aujourd’hui, les études critiques sur les algorithmes affirment qu’il existe un pouvoir symbolique exercé par les algorithmes, dans la mesure où ils promeuvent certaines valeurs et formes d’objectivité calculatrice. En somme, le problème se situe non seulement au niveau de la prospective (c.-à-d., la possibilité de la prévision et de la planification), mais aussi au niveau de la perspective (c.-à-d., de la représentation conséquente que les humains ont d’eux-mêmes et de leur relation avec le monde). Par exemple, il est évident que des solutions algorithmiques à la crise climatique, bien que matériellement efficaces, ne mettraient pas forcément en question le rapport prédateur que nous avons eu avec l’environnement depuis au moins un siècle. En d’autres termes, une réflexion critique et culturelle autour de la société algorithmique comme celle que nous voulons entamer dans cette journée ne peut pas se résoudre dans la proposition de quelques solutions techniques, par exemple en termes d’« éthique by design ». Il faut aller jusqu’à mettre en question ses implications d’ordre symbolique et anthropologique.

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