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du 15 novembre 2023 au 17 novembre 2023
Colloque organisé par Alexandre Gefen (CNRS-Université Paris Sorbonne Nouvelle), Carine Klein Peschanski (CNRS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Programme 13-novembre), Caroline D. Laurent (The American University of Paris), Denis Peschanski (CNRS, programme 13-novembre) et Russell Williams (AUP)
Présentation :
« L’écriture croise la justice, et parfois coïncide avec elle » (Yannick Haenel, Notre solitude)
Si la réaction littéraire des USA aux attentats terroristes du 11 septembre a été amplement analysée, faisant des attaques un jalon fondamental dans l’histoire culturelle américaine contemporaine, il semble tout aussi essentiel de considérer la manière dont la société française a pu ressaisir, par des récits (témoignages ou œuvres de fiction), les attentats de 2015. De Mathieu Riboulet à Emmanuel Carrère, de Karine Tuil à Philippe Lançon, de Yasmina Khadra à Adrien Genoudet, de Yannick Haenel à Virginie Despentes, les attentats sont racontés, évoqués, transposés, métaphorisés, analysés de multiples manières. Du procès des attentats islamistes de 2015 au programme de recherche transdisciplinaire 13-Novembre, des centaines de témoignages sont aussi recueillis qui racontent l’expérience résolument individuelle de l’événement traumatique. Ces recueils de témoignages s’inscrivent dans une autre généalogie, celle qui a donné une place singulière à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah en particulier, des archives Fortunoff (Yale) à la fondation Spielberg (University of South California) mais qui trouve aussi un modèle, entre histoire et littérature, dans Témoins de Norton Cru au lendemain de la Première Guerre mondiale. Dans tous les cas ces mots, ces discours, ces écrits participent à la construction d’une mémoire individuelle et d’une mémoire collective à la fois évolutives et en interaction.
Comment la culture, la cible même des attentats, a pu, par le prisme du récit – photographies, témoignages, documentaires, romans, bandes dessinées, films et séries -, servir à mettre en scène l’horreur, l’incompréhension, mais aussi l’après-coup et le désir de faire sens ? Dans quelle temporalité se sont écrit ces textes, se sont produites ces images ? Quelles catégories conceptuelles et critiques faut-il mobiliser pour les comprendre ? Quels moyens littéraires ou au contraire délibérément non littéraires sont-ils déployés ? Tout comme le 11 septembre aux États-Unis, les attentats de 2015 marquent-ils une scansion de l’histoire littéraire ? À quel moment et sous quelles conditions le recours à la fiction est-il devenu possible ? Que nous disent-ils du rapport de nos sociétés à la fiction et au témoignage ? Que fait donc le récit en effet dans le contrecoup, le sillage d’attentats aussi déchirants que le 7 janvier et le 13 novembre 2015, attaques terroristes dont nous avons suivi les procès historiques en France ? Comment se dit la mémoire des témoins, s’ajuste celle des survivants ? À quelles questions éthiques sont exposés les survivants prenant la parole ? Des réparations sont-elles à attendre de la mise-en-mots, de la mise-en-dessins ? Quels récits des survivants et des procès ont-ils été produits ? Dans quelle autre généalogie s’inscrivent l’écoute et le recueil de la parole du témoin, et comment ? Quelles mémoires les attentats de 2015 ont-ils ravivées ? Qu’en est-il, d’ailleurs, de l’évolution de ces modes mémoriels, en particulier lorsque certains attentats terroristes n’y trouvent pas la même place (ainsi de celui de Nice le 14 juillet 2016 dont s’ouvre le procès) ? Comment et pourquoi, pour un même attentat, les mémoires se concentrent sur un lieu au détriment des autres - ainsi du Bataclan le 13 novembre 2015, au point que, souvent, on parle des « attentats du Bataclan », oubliant le Stade-de-France et les terrasses ? Quelle place tiennent les procès dans la construction de la mémoire collective ?
Pays meurtris au XXIe siècle par des attentats terroristes, les États-Unis et la France présentent des parallèles, mais aussi des divergences dans leurs réactions au traumatisme de ce qu’on peut considérer comme des événements-monde : une comparaison peut-elle être engagée ? Comment s’explique, par exemple, le contraste si frappant entre l’absence de procès dans les suites du 11 septembre aux États-Unis et la centralité de la procédure policière et judiciaire dans la suite des attentats de 2015 en France, et quelles en sont les conséquences sur l’écriture littéraire, sur la place donnée à la parole du témoin et sur les réactions de la société ?
mise à jour le 8 novembre 2023