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TACHE 1

La collecte proprement dite du corpus est précédée d'une phase de réflexion visant une meilleure compréhension du contexte et du matériau à collecter. Cette étape est déjà entamée depuis début 2009. La constitution du corpus se fait sur la base d'hypothèses de travail selon des critères bien définis (homogénéité, pertinence, contrastivité). Cette réflexion constitue le premier moment de cette tâche : il s'agit de faire des enquêtes de terrain pendant un mois environ, afin d'améliorer la compréhension des pratiques d'écriture des travailleurs sociaux, des étapes de travail constituant l'activité de rédaction, mais aussi afin de faire un travail didactique auprès des travailleurs sociaux, leur présenter le projet et la méthodologie de recueil du corpus (pour les travailleurs sociaux qui ne participent pas encore au recueil du corpus). La première réunion de travail avec les professionnels au sujet des pratiques d'écriture a eu lieu en juin 2009. Une autre réunion est prévue pour le mois de mars 2010.

La question du paradoxe de l'observateur se pose dans ce contexte. Comme les scripteurs sont directement impliqués dans le processus de recueil du corpus, parce qu'il leur est demandé d'enregistrer les différentes versions de leurs rapports ou parce qu'ils rédigent leur texte directement sur un logiciel comme Inputlog, le risque existe que cette implication fausse le rapport entre observation et réalité (Labov 1973), en modifiant par exemple la démarche d'écriture et le rapport au texte. Deux éléments interviennent ici : le support/médium et le contexte « artificiel » d'observation qui éloignerait la pratique de son contexte naturel de réalisation. Si le problème ne semble pas être soluble dans sa globalité, un certain nombre d'éléments nous permet d'affirmer que les données resteraient intéressantes pour l'analyse et ne seraient pas soumises à une déformation préjudiciable. Premièrement, comme cela a pu être noté par les chercheurs travaillant sur l'oral, les locuteurs « oublient » relativement vite la présence du médium (appareil d'enregistrement, par exemple). Deuxièmement, les pratiques d'enregistrement et de rédaction sur logiciel ne constituent pas des démarches très éloignées des gestes habituels et les adaptations récentes (passer de l'écriture manuscrite à l'écriture par ordinateur constitue peut-être un saut plus important et marquant en termes de pratiques). Troisièmement, les travailleurs sociaux ont l'habitude de soumettre leurs écrits à l'évaluation de leurs pairs en réunion de travail et s'adressent à un destinataire multiple (juges, famille, pairs, chef de service...). Enfin, nous sommes conscients du fait que le point de vue du chercheur détermine le choix du corpus et la définition de l'objet de recherche (voir Mouchon 1985, Gadet 2003) : il serait naïf de considérer que l'on a accès à des données pures qu'il suffit d'analyser de la manière la plus objective possible ; nous prendrons donc en compte cet écueil aussi bien lors de la collecte du corpus que lors de l'analyse des données.

La nature du corpus (travail social) nous impose une charte éthique stricte. Ainsi, nous avons signé une convention de partenariat comprenant une clause de confidentialité : les écrits seront anonymisés de façon à éliminer toute identification possible de personnes faisant l'objet de signalement. Seront donc supprimées et remplacées toutes informations relatives au patronyme, à la fratrie, au lieu de résidence, au lieu de scolarité et aux institutions fréquentées et à l'identité du scripteur (voir tâche 2). Les travailleurs sociaux bénéficient d'une présentation détaillée du projet5 avant de s'engager dans la collaboration et de procéder à l'enregistrement de leurs propres écrits qu'ils nous cèdent à la fin du processus de rédaction. Nous nous sommes également engagés à fournir à nos partenaires un rapport des résultats de la recherche avant toute diffusion.

Nous procéderons à la constitution de 2 sous-corpus :
Un sous-corpus 1 constitué des versions successives (10-20 versions) des rapports éducatifs. Il s'agit de documents produits sur un traitement de texte habituel. Ces versions sont enregistrées périodiquement sur les postes des travailleurs sociaux en suivant la numérotation n+1. Les versions rédigées après la réunion d'équipe le précisent dans le nom du fichier, tout en conservant la numérotation habituelle : <rapport-Dubois-4-discussion.doc>. Il en est de même pour la version revue par le chef de service. Le recueil de brouillons demande parfois beaucoup de temps, le temps de rédaction d'un rapport de signalement ou d'une enquête pouvant être long (plusieurs mois). Les premières livraisons de ce sous-corpus arriveront par lots de 10 et sont attendues pour fin février et fin avril 2010.

Ce sous-corpus, limité en volume (5 à 10 dossiers complets), compte tenu de la lourdeur de la procédure de recueil, permettra de décrire les pratiques de rédaction des travailleurs sociaux (s'agit-il d'une écriture cumulative en longueur, basée sur des rajouts à la file, ou d'une écriture en boule de neige, basée sur l'enrichissement d'une trame préalable, étant donné que les éducateurs disposent d'une trame minimale caractérisant la structure d'un rapport éducatif.

Un sous-corpus 2 constitué de brouillons successifs dont les modifications seront enregistrées par un logiciel comme InputLog (Anvers) et suivis jusqu'au texte « stabilisé », c'est-à-dire le texte « publié ou offert à publication, autrement dit, offert au public, autrement dit encore, sorti de l'intimité du geste continué d'écriture » (Fenoglio 2007 : 9). Un essai sera effectué auprès de quelques travailleurs sociaux s'offrant à expérimenter l'outil ; un premier essai devrait être programmé lors de la prochaine réunion avec les travailleurs sociaux, en mars 2010. Nous comptons ensuite pouvoir recueillir par cette méthode un petit corpus exploratoire qui sera analysé dans le cadre de la tâche 4. Cette opération demandera des efforts supplémentaires de la part des travailleurs sociaux (un changement de leur cadre habituel d'écriture et des manipulations supplémentaires pour enregistrer et utiliser leurs écrits) et c'est du concours de ces derniers que dépend son succès. Nous avons cependant obtenu un accord de principe de quelques-uns d'entre eux. En cas d'échec, nous pouvons faire appel à d'autres travailleurs sociaux ou services, ce qui risquerait d'allonger le calendrier de cette tâche et de reporter celui de la tâche 4.

Mesures préalables au recueil du corpus et participation des travailleurs sociaux :
Le domaine et le corpus que nous abordons sont sensibles. Par ailleurs, nous porterons notre attention sur une pratique langagière demandant un grand investissement personnel et souvent perçue comme intime : l'écriture. Le recueil d'un tel corpus serait probablement impossible en l'absence du lien de confiance - toujours fragile - que nous avons pu établir avec les travailleurs sociaux du service partenaire au cours de plusieurs années de collaboration. En prenant le temps de discuter avec les services, en insistant sur les procédures d'anonymisation et sur l'utilisation du corpus à des fins de recherche exclusivement, on trouve un terrain d'entente sur lequel on peut développer nos projets, dans le respect du travail de nos partenaires.
Ouverture possible en vue de la tâche 8 : des contacts ont été pris pour recueillir un corpus exploratoire de brouillons de signalement produits dans les établissements scolaires, par des scripteurs qui ne sont pas soumis au même encadrement institutionnel que les travailleurs sociaux.

Livrables : deux sous-corpus.

mise à jour le 6 octobre 2011


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