Atelier de poésie - 2015
Le poème -Arbre
Faguiba Kanté
Fragment de Sylve,
demeureras-tu pendant un Kâli Yuga cet apparaissant semblable à une succession sans frein de ligaments, branches ? L'espérance est Hoja, Le brun de Brumaire se profile dans l'étant ... N' est-ce pas déjà une Élégie ?
Encore un peu ! Véhicule l'excessif d'une proto-Babel. Un peu Un.
Cet Instant ou événement d'une insipide tragédie lorsque l'universel fut destitué par la langueur du singulier.
Ton orgueil me fait sourire.
Bien que l'encaustique ne soit à portée du visible, Soit ce toujours été, le chandelier hérétique affrontant le Klein-ciel, germain du lapis-lazuli.
Reste de nouveau ici. Alma, Amla ou Platane, Pourquoi devoir les écouter ? La seule évocation du fait de pouvoir déterminer ton errance-âge à l'aide des circonvolutions que tes écorces-aplats lorsque tu es érigé estompent indéfiniment , ne ferait qu'ostraciser une Joie qui n'a été galvanisée.
"Encore une entité substituable ! " Ce dont la paupière est le hangar, en acier rouillé, le cri à chaque fois éperdument.
Ceux qui n'ont l'origine des pulsations sont en réjouissance inutilement.
Pourtant tu n'est pas seulement le maillon d'une res publica, pourtant tu n'es pas fiancé à l'insignifiance. La Faïence ou la finance clairement obnubilantes sont concubines de leurs écrins à pupilles : Que le "ce n'est que" se meurt dans un vomissement délicat ! Car sans toi, l'hémoglobine n'est plus moyen de transport, cet aqueduc de Volupté tombe en désuétude, stérile frétille. Oxy... Approvisionnerais -tu uniquement de nos organes qui s'immolent ?
Réponse-Néant . L' idem doit être décerné à nos prétendues Anima.
Tu es une Fluorescence de la maternité par ton ombre dans l'ébène du pétrolifère, malgré ton anonymat.
Substituant des Éons de fraicheur-enfance à
L'Irresponsabilité ou" irrespirabilité " des présents qui gondolent
Melia Azedarach.
Ton nom sonne comme les clochettes suspendues à chaque extrémité des plus fines de tes branches. L’éclat de tes fruits transperce la morosité du temps.
Un tronc à deux troncs qui s’enroule sur lui-même tout en se repoussant naturellement - digne des métamorphoses que tu inspires.
Ancré dans le sol,
tu plonges abruptement tel un toboggan,
comme enivré par l'odeur fraîche et humide de la terre,
socle de ton immense emprise sur tes frères.
Tes racines creusant un chemin vers la source rampent sous ton tronc majestueux.
Tes branches se fuient comme engagées dans une lutte endiablée et tes doigts crochus assurent ta sécurité repoussant tout corps étranger à ton microcosme.
Ô toi maître et hôte de la forêt, tu as bien pâle figure par ce froid polaire.
Voilà que survient le printemps et ta métamorphose est grandiose.
Ta ramure n'est plus dévêtue et orne avec orgueil son nouveau feuillage,
symbole de sa puissance et de son très grand âge.
Chartreuse au soleil tu redeviens vert-jaune dans l'ombre comme épuisé d'avoir auparavant brillé de mille feux.
Fièrement dressé, mon tronc craquelé d'un marron boisé,
Supporte le poids de mes branches entrecroisées,
Affublées en ses extrémités de milliers d'aiguilles
qui griffent, piquent, bien que semblables à des brindilles.
Mur d'acier, ce pelage vert me protège des carnassiers
Laissant seulement filtrer, quelques rayons nourricier,
Ou je cache en mon sein, maintes pommes de pins
remplies de précieux pépins, qui en font saliver plus d'un.
Dans un jardin, à l’écart, légèrement isolé,
Se dresse un arbre si jeune, et pourtant si fatigué.
Le trachycarpus fortunei
N’est pas fortuné.
Ni en chance, ni en trésors.
Il n’a même pas d’yeux pour pleurer.
Et s’il est vrai qu’il ressemble à une trachée,
Ce qui, en soit, n’est pas très flatteur,
Celle-ci reste comme carpe, muette, sans respirer.
De son pays natal, l’Asie, il fut enlevé,
Pour être dans un autre lieu replanté.
C’est une contrée froide, hostile, brutale,
Où la loi du plus fort l'emporte sur toute autre loi,
Et où les géants feuillus s’accaparent le soleil.
Ce palmier n’est pas un grand brûlé.
Bien heureusement, sinon adieu le palmier !
Mais c’est un torturé, martyr, éternel écorché.
On lui vole le chanvre supposé
Le protéger du froid,
On en fait des cordes, des vêtements ici-bas.
Malgré tout droit comme un « P », palmier fier et rebelle,
Il est comme une goutte de sang dans une mer d’émeraude.
Son afro le démarque, le transformant aussitôt
En une touche d’exotisme peuplant cet étrange zoo.
Des sols limono-sableux de la Chine
on m'a planté au Jardin botanique
mais c'est bon, car bien que la sécheresse
ne m'ait jamais empêché de pousser
jusqu'à plus qu'une quinzaine de mètres,
mes racines et radicelles aiment aussi
la pluie et l'humidité de Paris.
Mes feuilles caduques, ovales et dentées
asymétriques à leur base pétiolée,
sont toutes tombées (on est en Février..)
laissant dénudées mes branches tordues
et leurs milliers et milliers des rameaux
où se perchent grelottant des corbeaux
(peut-être qu'ils aiment mon bois raboteux
l'écorce parsemée de crêtes liégeuses
nœuds, écailles, et beaucoup d'autres choses.)
Il faut attendre Avril pour que mes fleurs,
s'organisant en petites glomérules,
ouvrent d'un vert clair leurs cinq pétales
aux hyménoptères pollinisateurs,
et puis encore l'Automne pour que les drupes
à la peau subtile, la pulpe charnue,
soient ainsi mûres que leur noyau se dit :
« Voilà ! Un neuf Micocoulier d'Asie.»
En un point de rencontre intense nait,
Des troncs aux branches, l’arbre multiple
Olivier sensuel, d’argent les feuilles caressent
Et danse l’Olea et vacille dans le vent
JOURNAL D'UN ARBRE
(Aleks Larivière)
Cette fois, c'est la bonne. Je souffre tant et trop depuis si longtemps que je sens enfin venir l'heure dernière. Je ne verrai sûrement plus une autre reverdie... je le sais, je ne passerai pas l'hiver. Hommes stupides, vous avez anéanti ce monde, violenté les saisons, vous m'avez déraciné et exilé de mon tendre Japon. À moi ! On m'a lentement assassiné ! À moi ! On me refuse à mes propres racines ! Votre terre est aussi pauvre que le sont vos cœurs secs comme l'est maintenant l'écorce de mon tronc. Rien ne palpite plus, le passage des bêtes, la proximité de leurs pelages... tout m'a été volé. Ma course est maintenant suspendue. Je meurs de n'être que végétal... Vous avez clôturé ma liberté, vous avez osé circonscrire mon immensité. Cette fois, c'est la bonne, c'est sûr! Je meurs, et je meurs depuis tant d'années que le repos éternel me semble dû. Qu'enfin vous cessiez de profaner ma quiétude du bruit de vos voitures, des lumières aveuglantes de vos maudites Babylones. Tout pue ici... Tout m'abime et me désole. Me voici sur le point de nourrir le sol de ma putréfaction. Je fus Lespedezza Bicolor... je serai bientôt humus. Bicolore... je ne suis que grisaille, caméléon de vos cités immondes. Laissez-moi partir. J'appelle la mort de tous mes vœux. Adieux mes chers voisins de jardins. Adieux mes beaux souvenirs. Adieux odieux exil. Je pars fier et soulagé. Je m'en vais dormir dans l'éternel été.
- Semblant ressembler aux autres
Tout en s'en distinguant étrangement
Le tronc , les feuilles surveillant ses apôtres
D'un jardin nouveau, où n'a plus vraiment sa place son corps viellissant ...
Cognassier (Cydonia Oblonga)
(Flavien Bellec)
Tronc épais, démultiplié.
Bien caché, ombragé.
Gardien de troupeau.
Tendres robustes corbeaux.
S'ennuie ferme dans sa cachette.
Fascine les guetteurs.
Sombre.
Mystérieux.
Reflet des Yeux.
Amas et monticules.
Terreaux greffés.
Ecorce fracassée.
Bourgeons minuscules.
Tend vers le verdâtre.
Accueillant sorcier.
Boules noires fanées.
Pourriture malade.
Fait rencontrer la sorcière.
Là.
Discret.
Dans le coin gauche.
Attire les Naïfs.
Abimé et Déviant.
La main d'un mort.
Porteur de malédictions.
Portrait d'un arbre : Calycanthus fertilis
(Ladji Samba Keita)
Tel un sapin de noël auquel l'hiver somnolant aurait enlevé toute humanité en le dépossédant de ses feuilles. Telle une mère portant son petit sur son dos, sur ses grosses branches s'épanouissent des branches plus fines. La sécheresse de l'hiver qui s'en va laisse percer l'explosion d'odeurs de ce début de printemps vivifiant.
De ses troncs enfouis dans le sol s'élèvent des branches qui vrillent dans tous les sens. Ses branches qui se dressent puis retombent inspirent une grande légèreté, aspirent chacune à respirer l'air céleste à pleine gorgée. Véritable pyramide inversée où chaque branche se débat avec charme pour se faire une place au soleil qui lui est indispensable.
A mesure où on tutoie ses cimes, ses branches s'amincissent et la dispute cordiale du début laisse place à une chaleureuse communion. Le calycanthus s'adapte à tous les sols, sa prestance naturelle n'y est pas étrangère. Canthus ou la roue en latin résonne comme une évocation tacite de l'allure rayonnante de la fleur rouge carmin qui se dresse majestueusement sur ses branches en ce début de printemps.
Le calycanthus se complait néanmoins plus aisément au soleil et à l'abri du vent, sa fertilité enjolivée de gaité s'expose sous nos yeux ébahis à l'abri des caprices de la nature qu'elle magnifie tant.
Marie Fabry, Second poème au Bambou noir, atelier du 13 avril 2015
C'était un peu avant l'ensevelissement :
Lors de notre jeunesse,
Ma laideur était éclatante,
Mon amour,
Quand les autres étaient sphynges.
A présent que le temps les a rendues immondes,
Je me sens leur égale,
Et tu peux bien m'aimer sans honte.
Lui offrant ses reflets, j'embellis le soleil.
Mais jamais son absence n'est une souffrance pour moi.
Caprifoliaceae
Marie Romsée
Y’en a qui bourgeonnent badigeonnent bourgeonnent
Teignant le ciel de leur désirés verts
Moi le mien se fait discret de frêles bourgeons
Commencent tout juste à pointer leur nez
Le soleil est bleu, le ciel brille
Tu pousses tu pousses tu pousses tu pousses
Tu pousses tu pousses
encore encore encore
Tu as gardé quelques fruits de l’hiver
Pour te parer de souvenirs
Ces boules, ces kinder surprises
Où tu gardes enfermé une ribambelle
De paroles, de cris, de ces enfants qui jouaient
Devant toi,
Ces ptits vieux qui se sont assis sur un banc
A tes côtés
De ceux qui ont un instant
Ou deux instants
Contemplé tes branches feutrées
Ceux aussi qui t’ont nié
Dédaigné
Ceux qui sont passés
Sans te prendre,
Tu pousses, tu pousses sans cesse
Comme cette bande son qui se déroule
Sans cesse dans ces petites boules
Gardant en souvenir
Même le frémissement du vent à 9h56
Le 11 octobre au matin.
Descriptif scientifique
Feuilles vertes bien portantes
Branches sèches et lisses
Niveau pluviométrique correct
Verdeur ajustée
Solidité de la feuille
Arbre bien garni
Eclairage 65% côté est principalement
Eclaircissement non nécessaire à faire à l’automne
Taille non effectuée
Branches mortes à supprimer
Ombrage satisfaisant
Trouées de clarté, attention aux intolérances lumineuses
Revêtement au sol confortable peu humide
Frétillement des branches rythme cadencé
S’accélérant par bouffées avec le vent
Ambiance sonore 0/10
Des enfants crient. Un grillon ou je ne sais
Quoi chante ou siffle non-stop
Rien de ce jardin virgilien
Où on attend le vent, la flûte qui fera
Retentir l’air bucolique
Stelles funéraires à tes pieds
Annoncées par ces bordures circulaires
Tu es resté un peu morbide
Malgré la douce espérance de ton pelage
Verdâtre
Ocre et sade
Jade de jasmin
Nous retrouvâmes alors l’ombreur de la douceur
De ces après-midi passés chez moi sous
Cet arbre à éplucher des marguerites et
Faire des soupes de feuilles
Les enfants campagnards que nous étions
Et resterons.
J’ai alors déplanté cet arbre pour
Le rapporter chez moi
Là d’où il venait
Là où il demeurerait
En pensées et en ombres
Certainement le plus beau.
Pinus Nigra
(Arthur Foucaud)
La tête je n'ai plus, j'ai été étêté
Privilège des nobles, garanti par ma lignée.
Ébranlé par le vent, pourtant je domine
Ces enfants de Lilliput, anorexiques, miskines.
Au centre du jardin, conifère splendide,
Je suis maître des miens, mais pourtant un Atride.
Là où malgré lui Midas faisait l'or,
Jussieu l'apprit, mes aiguilles donnent la mort.
Ce sont les Kères, qui viennent récolter leur tribut,
Courbées comme des cimeterres, me voilant la vue;
Mon écorce est entaillée, cicatrices indélébiles,
De pauvres plantes frêles tapissent mes pieds,
Minces morceaux de prêles, devant moi agenouillés.
Un patriarche oublié, au cœur de la ville.
mise à jour le 30 juin 2017