JOURNÉE D'ÉTUDE : "LA LANGUE DE SHAKESPEARE"

 

"Les figures de l'impossible dans Antoine et Cléopâtre"

François LAROQUE

 

Introduction

 

De même qu'en traduction il existe des "intraduisibles", la rhétorique comporte ses "impossibilia", ses figures de l'impossible, souvent ramenées, pour ce qui est d'Antoine et Cléopâtre aux tropes relativement classiques et fréquents que sont le superlatif, l'hyperbole, le paradoxe ou l'oxymore. En réalité, une pièce aussi fuyante et indéfinissable que celle-ci et marquée d'entrée par la métaphore de la crue, du débordement ("O'erflows the measure", I.1.2), va bien au-delà des figures du style asiatique ou égyptien dont parle David Bevington dans son introduction (pp. 38-39) après Rosalie Colie et bien d'autres. Ma thèse ici sera de montrer que ces figures qui prolifèrent dans la pièce se placent d'emblée sous le sceau de l'impossible, excédant toute représentation et posant l'espace-temps de l'Égypte en termes de multiplicité, de contradiction permanente et d'indéfinissable. Nous serions bien là déjà dans le cadre d'un esprit de finesse aux méandres compliqués, profondément opposé à l'esprit de calcul, de mesure et de géométrie qui sévit à Rome, et définissant peut-être déjà les contours de ce qui ressemblerait à une géométrie "non euclidienne".
L'Égypte et Cléopâtre, qui en incarne "l'infinie variété", présentent en effet un certain nombre de plis spécifiques, de méandres et de sinuosités qui suscitent la perplexité autant que l'émerveillement (voir l'adjectif "rare" employé à plusieurs reprises par Agrippa) et qui, semble-t-il, appartiennent simultanément à l'économie du désir et à la logique du rêve.
J'ai choisi d'examiner successivement dix-huit facettes ou figures au gré de citations choisies au fil du texte qui montrent qu'il n'est pratiquement pas de scène dans la pièce qui n'offre sa ou ses figures de l'impossible. La langue de Shakespeare atteint ici les limites de l'expressionnisme, elle explore et exploite sa manièra propre, ses artifices déployés sous forme de trompe d'oeil, d'apories ou d'énigmes. Comme dans le soubassement de la Chapelle Saint-Brice à la cathédrale d'Orvieto en Ombrie , célèbre pour ses fresques (1499-1504) de Fra Angelico et de son continuateur maniériste, Luca Signorelli, où l'on voit un personnage apparemment très intrigué sortir de l'oculus où il est normalement confiné pour contempler les grotesques qui pullulent littéralement tout autour de lui dans un enchevêtrement qui défie la logique et même le simple bon sens (voir reproduction couleur), Antoine et Cléopâtre fait sortir le personnage de son cadre habituel pour jeter un défi à ses sens et à son entendement.
Pareil décentrement, qui revient à doter l'image d'une dynamique propre et à introduire un espace intermédiaire entre le spectacle et le spectateur donne un rôle clé et quasi-central à ces commentateurs, à ces "go-between", à ces intermédiaires, figures de messagers ou de Sprecher maniéristes. La multiplication des points de vue et les effets de décentrement ou d'excentrement fait en effet de cette uvre une manière d'anamorphose vivante, une sorte de contradiction en acte, dont les pôles de tension sont par ailleurs bien connus et analysés par la critique (jeu d'oppositions entre Rome et l'Egypte, entre devoir et vertu, action et plaisir, tragédie et comédie etc etc...).
Je ne m'attacherai donc ici qu'au façonnage, au tressage proprement linguistique de ces réseaux de sens en forme de plis ou de noeuds que j'appelle les "figures de l'impossible" pour montrer qu'ils aboutissent à créer un espace vertigineux, en apesanteur en quelque sore, et qui jette un défi non seulement à la logique mais aussi aux lois de la pesanteur et de l'équilibre.

Conclusion

Les différentes figures esquissées à l'aide des citations que j'ai choisi de mobilier (la liste n'est pas exhaustive, on pourrait aisément en ajouter d'autres exemples) pour conduire mon analyse des "figures de l'impossible", dessinent, me semble-t-il, un paysage insolite, dont les contours pourraient à bon droit passer pour "hypnotiques" et déjà "surréalistes". Il s'agit d'une série d'anamorphoses linguistiques qui procèdent par un effacement de la limite entre les pôles contraires du style :

coeur=soufflet/éventail
général=bouffon, pantin ridicule
échauffement = rafraîchissement description=non description
vérité=mensonge présent=futur mort/mourir=jouir, jouer la comédie, vivre
départ=retour abandonner=retrouver trahison=fidélité profonde
présence=absence femme=homme et vice versa
vieillard=enfant et réciproquement (le mot "boy", employé tour à tour pour César, Antoine et Cléopâtre, figure une sorte de degré zéro de l'être, une zone dangereuse où l'on regresse et où l'identité se dissout dans une forme de non-être irresponsable).
plein=vide
ordure=or
Narcisse=laideur Mars=Gorgone
Didon et Énée=prototypes de l'amour réuni dans la mort

Nous sommes plongés dans un monde inchoatif, dans un "non finito" maniériste, où le défaut, le manque, le chaotique même servent de marque paradoxale de l'achèvement, voire de la perfection. "She did make defect perfection/And, breathless, power breathe forth" (II.2.241-42), dit Enobarbus d'une Cléopâtre à bout de souffle et qui réussit malgré tout à enchanter ses auditeurs.
Faire de la platitude l'expression du relief ou de la bassesse l'instrument de la grandeur ne relève pas simplement d'une utilisation habile de l'art de la perspective et du trompe l'oeil. En appliquant aux personnages et aux choses une échelle inverse, le dramaturge oblige le spectateur comme le lecteur à repenser le monde comme il va et à le regarder sous un jour inédit, à partir d'un angle de vision peu habituel, excentré voire excentrique, constamment à la limite de l'impossible.
Dans cet art shakespearien du déséquilibre, l'érotisme n'est plus une simple perspective comique susceptible d'amoindrir ou de réduire la perspective historique ou tragique, mais il offre au contraire un prisme compliqué, dont la fonction est aussi bien hypermétrope ou astygmate. Les formes s'allongent, s'élargissent ou se grandissent pour prendre des proportions inhabituelles. Le spectateur est comme affecté d'un strabisme constitutif et il ne s'agit ici ni de mystique ni de sublime mais plutôt d'une éducation du regard qui se trouve souent pris au piège de jeux d'optique compliqués, un peu comme sur les toiles du Parmesan ou du Greco qui pratiquent tous deux l'élongation des formes et des visages (voir La Madonne au long cou par exemple). Dans son jeu sur les "figures de l'impossible", Shakespeare pose la coincidentia oppositorum non pas comme l'opération ultime et le point culminant d'une longue initiation vers ce qui pourrait être soit la sagesse soit une forme de révélation transcendentale, mais comme un principe d'écriture, la base d'une esthétique de la déformation.
Ces impossibilia shakespeariens dans Antoine et Cléopâtre évoquent à mes yeux le déséquilibre burlesque des grotesques tour à tour ou simultanément zoo-, phyto- ou anthropomorphes, avec par exemple ces éléphants à longues pattes en forme de stylets ou de roseaux et qui défient les lois de la pesanteur. Ils s'agit ici d'une pesanteur légère ou plutôt d'une forme d'apesanteur, d'un monde flottant du caprice et de l'onirisme, que l'artiste a haussé à la hauteur d'un nouveau jeu de règles esthétiques. Je citerai sur ce point l'analyse de Philippe Morel car elle me paraît constituer sur le plan visuel et esthétique l'équivalent des phénomènes linguistiques que j'ai essayé de décrire :

Accentuant simultanément et de manière antithétique la lourdeur et l'aspect massif des entablements et des frontons, et la fragilité des colonnettes parfois muées en rinceaux ou en fils, on cherche à opposer, au sein d'une structure architecturale au montage apparemment logique, la pesanteur suggérée de l'élément porté à l'improbable consistance et stabilité de l'élément porteur [] Dans l'un des compartiments à fond ocre jaune [de Cesare Baglione], une structure massive prend appui sur la tête de deux figures masculines dont la partie inférieure se prolonge en un rinceau qui finit par reposer sur les ailes d'une figure féminine. L'exiguïté des points d'appui, les courbures et la minceur des fibres végétales, la fragilité des ailes, toutes ces nuances du dessin contredisent la logique d'un montage censé répondre aux lois de la pesanteur. Ailleurs un entablement massif et démultiplié, couronné d'une petite coupole, semble porter sur quatre fils tendus verticalement liés à des tentures ou des figures phytomorphes sans base ni soutien. Plus loin deux sphinges conduites par d'habiles acrobates semblent engagées dans un exercice d'équilibre digne d'un cirque avec une coupole en suspension au-dessus de leur nez...De toutes les combinaisons mises au point à San Secondo, la plus originale résulte d'un édifice avec une triple arcature et un épais soubassement, qui repose sur des hybrides mi-femmes, mi-oiseaux, en vol et face à face : au contraste entre la charge et son support vient s'ajouter celui du caractère éphémère de ces vols opposés.
La distribution des points d'appui, la continuité discrète mais insistante des liens et des contacts y compris à travers des fils, des fibres et des volutes, ces échaffaudages fictifs attentivement élaborés, mettent en scène l'idée de pesanteur et de stabilité. Et cette feinte vraisemblance initiale, cette concession superficielle à l'imitation et à l'illusion, sont la condition du paradoxe dont le ressort tient au constat ultérieur du leurre et de la contradiction (Les grotesques, Flammarion, Paris, 1997, pp. 107-108).

En somme, on est dans l'au-delà du rêve, comme dit Cléopâtre, dans un monde dont la multiplicité proliférante crée le sentiment d'un équilibre aussi merveilleux que précaire et qui paraît excéder les capacités créatrices de la Nature :

It's past the size of dreaming. Nature wants stuff
To vie strange forms with fancy...

L'impossible serait donc la réponse apportée à l'incertitude et au manque et serait donc à lire comme l'autre nom du Désir...


CITATIONS

 

1. I.1. 6-10

Philo His captain's heart,
Which in the scuffles of great fights hath burst
The buckles of his breast, reneges all temper
And is become the bellows and the fan
To cool a gipsy's lust.

 

 

2. I.1.14-17:

Cleopatra If it be love indeed, tell me how much.

Antony There's beggary in the love that can be reckoned.

Cleopatra I'll set a bourn how far to be beloved.

Antony Then must thou needs find out new heaven, new earth.

 

3. I.1.38-45

Antony The nobleness of life
Is to do thus, when such a mutual pair
And such a twain can do't - in which I bind,
On pain of punishment, the world to weet
We stand up peerless.

Cleopatra Excellent falsehood!
Why did he marry Fulvia, and not love her?
I'll seem the fool I am not. Antony
Will be himself.

 

4. I.1. 58-63

Demetrius Is Caesar with Antonius prized so slight?

Philo Sir, sometimes when he is not Antony
He comes too short of that great property
Which still should go with Antony.

Demetrius I am full sorry
That he approves the common liar, who
Thus speaks of him at Rome; but I will hope
Of better deeds tomorrow. Rest you happy!

6. I.2.25-29

Charmian Good now, some excellent fortune! Let me be married to three kings in a forenoon and widow them all. Let me have a child at fifty, to whom Herod of Jewry may do homage. Find me to marry me with Octavius Caesar, and companion me with my mistress.

 

7. I.2.121-25

Antony The present pleasure,
By revolution lowering, does become
The opposite of itself. She's good, being gone;
The hand could pluck her back that shoved her on.
I must from this enchanting queen break off.

 

 

8. I.2.134-150

Enobarbus Under a compelling occasion, let women die. It were pity to cast them away for nothing, though between them and a great cause they should be esteemed nothing. Cleopatra, catching but the least noise of this, dies instantly; I have seen her die twenty times upon far poorer moment. I do think there is mettle in death, which commits some loving act upon her, she hath such a celerity in dying.

Antony She is cunning past man's thought.

Enobarbus Alack, sir, no, her passions are made of nothing but the finest part of pure love. We cannot call her winds and waters sighs and tears; they are greater storms and tempests than almanacs can report. This cannot be cunning in her; if it be, she makes a shower of rain as well as Jove.

Antony Would I had never seen her!

Enobarbus O sir, you had then left unseen a wonderful piece of work, which not to have been blest withal would have discredited your travel.

 

9. I.3.33-106

Cleopatra When you sued staying,
Then was the time for words. No going then.
Eternity was in our lips and eyes,
Bliss in our brows' bent; none our parts so poor
But was a race of heaven. They are so still,
Or thou, the greatest soldier of the world,
Art turned the greatest liar.

Antony How now, lady?

Cleopatra I would I had thy inches. Thou shouldst know
There were a heart in Egypt.

Antony Hear me, queen:
The strong necessity of time commands
Our services awhile, but my full heart
Remains in use with you...
[] Let us go. Come;
Our separation so abides and flies
That thou, residing here, goes yet with me,
And I, hence fleeting, here remain with thee.
Away!

 

10. I.4.3-33

Caesar From Alexandria
This is the news: he fishes, drinks, and wastes
The lamps of night in revel; is not more manlike
Than Cleopatra, nor the queen of Ptolemy
More womanly than he []
[] You shall find there
A man who is the abstract of all faults
That all men follow.

Lepidus I must not think there are
Evils enough to darken all his goodness.
His faults in him seem as the spots of heaven,
More fiery by night's blackness, hereditary
Rather than purchased, what he cannot change
Than what he chooses.

Caesar You are too indulgent []
[] yet must Antony
No way excuse his foils when we do bear
So great weight in his lightness. If he filled
His vacancy with his voluptuousness,
Full surfeits and the dryness of his bones
Call on him for't. But to confound such time
That drums him from his sport and speaks as loud
As his own state and ours, 'tis to be chid
As we rate boys who, being mature in knowledge,
Pawn their experience to their present pleasure
And so rebel to judgement.

 

 

11. II.2.201-250

Enobarbus The barge she sat in, like a burnished throne
Burned on the water
Purple the sails, and so perfumed that
The winds were lovesick with them. The oars were silver,
Which to the tune of flutes kept stroke, and made
The water which they beat to follow faster,
As amorous of their strokes. For her own person,
It beggared all description: she did lie
In her pavilion -cloth of gold, of tissue -
O'erpicturing that Venus where we see
The fancy outwork nature. On each side her
Stood pretty dimpled boys, like smiling Cupids,
With divers-coloured fans, whose wind did seem
To glow the delicate cheeks which they did cool,
And what they undid did.

Agrippa O, rare for Antony!

[] From the barge
A strange invisible perfume hits the sense
Of the adjacent wharfs. The city cast
Her people out upon her; and Antony,
Enthroned i'th'market-place, did sit alone,
Whistling to th'air, which, but for vacancy,
Had gone to gaze on Cleopatra too,
And made a gap in nature []

Agrippa Rare Egyptian!

Enobarbus [] Our courteous Antony,
[] goes to the feast,
And for his ordinary pays his heart
For what his eyes ate only []

Maecenas Now Antony must leave her utterly.

Enobarbus Never. He will not.
Age cannot wither her, nor custom stale
Her infinite variety. Other women cloy
The appetites they feed, but she makes hungry
Where most she satisfies. For vilest things
Become themselves in her, that the holy priests
Bless her when she is riggish...

 

12. II.5.85-99

Cleopatra

Enter the MESSENGER again

Come hither, sir.
Though it be honest, it is never good
To bring bad news. Give to a gracious message
An host of tongues, but let ill tidings tell
Themselves when they are felt []

Messenger Should I lie, madam?

Cleopatra O, I would thou didst,
So half my Egyt were submerged and made
A cistern for scaled snakes! Go, get thee hence.
Hadst thou Narcissus in thy face, to me
Thou wouldst appear most ugly [...]
Let him for ever go! - Let him not, Charmian.
Though he be painted one way like a Gorgon,
The other way's a Mars.

 

13. II.7.38-41

Lepidus What manner o'thing is your crocodile?

Antony It is shaped, sir, like itself, and it is as broad as it hath breadth. It is just so high as it is, and moves with its own organs. It lives by that which nourisheth it, and the elements once out of it, it transmigrates.

Lepidus What colour is it of ?

Antony Of it own colour too.

Lepidus 'Tis a strange serpent.

 

14. III.1.21-27

Ventidius Who does i'th'wars more than his captain can
Becomes his captain's captain; and ambition,
The soldier's virtue, rather makes choice of loss
That gain which darkens him.
I could do more to do Antonius good,
But 'twould offend him, and in his offence
Should my performance perish.

 

15. IV.6.3140

Enobarbus I am alone the villain of the earth,
And feel I am so most. O, Antony,
Thou mine of bounty, how wouldst thou have paid
My better service when my turpitude
Thou dost so crown with gold! This blows my heart.
If swift thought break it not, a swifter mean
Shall outstrike thought; but thought will do't, I feel.
I fight against thee? No, I will go seek
Some ditch wherein to die. The foul'st best fits
My latter part of life.

 

 

16. IV.14.38-78

Antony The sevenfold shield of Ajax cannot keep
The battery from my heart. O, cleave, my sides!
Heart, once be stronger than thy continent;
Crack thy frail case! []
I will o'ertake thee, Cleopatra, and
Weep for my pardon. So it must be, for now
All length is torture; since the torch is out,
Lie down and stray no farther. Now all labour
Mars what it does; yea, very force entangles
Itself with strength. Seal then, and all is done.
Eros! - I come, my queen. - Eros! - Stay for me.
Where souls do couch on flowers, we'll hand in hand,
And with our sprightly port make the ghosts gaze.
Dido and her Aeneas shall want troops,
And all the haunt be ours. - Come, Eros, Eros! []
Come, then, for with a wound I must be cured.

 

 

17. IV.15.34-42

Cleopatra Here's sport indeed! How heavy weighs my lord!
Our strength is all gone into heaviness,
That makes the weight. Had I great Juno's power,
The strong-winged Mercury should fetch thee up
And set thee by Jove's side. Yet come a little;
Wishers were ever fools. O, come, come, come!

They heave Antony aloft to Cleopatra

And welcome, welcome! Die when thou hast lived;
Quicken with kissing. Had my lips that power,
Thus would I wear them out.

[She kisses him]

All A heavy sight!

 

 

18. V.2.78-99

Cleopatra His legs bestrid the ocean; his reared arm
Crested the world; his voice was propertied
As all the tunèd spheres, and that to friends;
But when he meant to quail and shake the orb,
He was as rattling thunder. For his bounty,
There was no winter in't; an autumn 'twas
That grew the more by reaping. His delights
Were dolphin-like; they showed his back above
The element they lived in. In his livery
Walked crowns and crownets; realms and islands were
As plates dropped from his pocket.

Dolabella Cleopatra -

Cleopatra Think you there was or might be such a man
As this I dreamt of?

Dolabella Gentle madam, no.

Cleopatra You lie up to the hearing of the gods.
But if there be nor ever were one such,
It's past the size of dreaming. Nature wants stuff
To vie strange forms with fancy; yet t'imagine
An Antony were Nature's piece 'gainst fancy,
Condemning shadows quite.

Dolabella Hear me, good madam:
Your loss is as yourself, great; and you bear it
As answering to the weight.

© François LAROQUE
Professeur Sorbonne Nouvelle Paris III