Accueil >> Vie de campus >> Vie du personnel >> Portraits du personnel

Vie des personnels

Rencontre avec Maud Pérez-Simon, Maîtresse de conférences en littérature médiévale, spécialiste du lien texte-image

le 22 mars 2023
 

Membre junior de l'Institut Universitaire de France, Maud Pérez-Simon consacre ses recherches à l'étude des plafonds peints dans les demeures privées au Moyen Âge et c'est passionnant !

-3470889448217382873.jpg

Pouvez-vous vous présenter ? 


Je m’appelle Maud Pérez-Simon, je suis Maîtresse de conférences à la Sorbonne Nouvelle en littérature médiévale, je suis spécialiste du lien texte-image. J’ai d’abord étudié les manuscrits médiévaux et je travaille maintenant sur un sujet plus étonnant, les plafonds peints dans les demeures privées au Moyen Âge.

Vous êtes actuellement membre junior de l'IUF, qu’est-ce que l’IUF ?

L’Institut Universitaire de France a vocation à soutenir les projets de recherche des enseignants-chercheurs pendant cinq ans. Être nommée à l’IUF est prestigieux, et, plus concrètement, cela permet d’avoir un budget et du temps pour conduire des recherches approfondies. Chaque année sont nommés 110 nouveaux membres. 2% des enseignants-chercheurs en France bénéficient ou ont bénéficié de l’IUF dans leur carrière.

Sur quels domaines portent vos recherches ?

Les projets choisis à l’IUF ont souvent une dimension transversale et européenne. C’est le cas de mon projet, qui ne rentre pas dans les cadres habituels, et que je n’aurais pas pu mener aussi facilement sans la reconnaissance que m’a offerte l’IUF. Je travaille sur les charpentes peintes des demeures privées au Moyen Âge, du XIIIe au XVe siècle, à l’époque où l’image fait son entrée dans les maisons. Plus spécifiquement, je m’intéresse aux sujets littéraires que les nobles et les élites urbaines émergentes souhaitaient mettre chez eux pour montrer leur culture : il peut s’agir de héros de romans chevaleresques, de fables d’Ésope, ou de figures d’auteurs comme Ovide. De façon plus surprenante, on trouve aussi des sujets scabreux et scatologiques, plus proches des fabliaux. C’est donc un sujet à la frontière de la littérature, de l’histoire et de l’histoire de l’art, mais aussi de l’anthropologie et de la sociologie. Je travaille en collaboration avec des scientifiques qui ont des compétences précieuses : datation du bois, analyse des pigments, photographie infrarouge et reconstitution 3D. C’est passionnant car j’apprends beaucoup.

Mais qu’est-ce qu’un plafond peint ?

Les images que j’étudie sont peintes sur des tablettes de bois placées verticalement entre les solives des plafonds. Un seul plafond peut en rassembler 200. J’ai visité récemment un palais près de Brescia en Italie qui comporte encore onze plafonds peints, soit presque 2000 images dans un seul lieu. Le nombre de sujets iconographiques à étudier est considérable et il s’agit d’un corpus en grande partie inédit. Beaucoup de ces plafonds ont été redécouverts récemment lors de travaux chez des particuliers ou de rénovation des centres urbains. Il faut donc considérer que j’étudie des images qui, pour certaines, n’ont pas été vues depuis 500 ans. C’est aussi un exemple rare et inédit d’œuvre picturale médiévale à sujet profane in situ, c’est-à-dire encore dans les maisons, alors que la plupart de l’art médiéval peint que l’on connaît aujourd’hui est à sujet religieux et dans les musées. Il s’agit d’une occasion inédite de mieux comprendre la pensée des hommes et des femmes du Moyen Âge et d’approcher leur quotidien.

Comment constituez-vous votre corpus de recherche ?

Pour le rassembler, j’ai voyagé en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Suisse. Mes recherches ont été entravées, comme pour beaucoup de personnes, par la covid. Heureusement, je travaille avec une association rassemblant les chercheurs européens sur les plafonds peints (la RCPPM ), au sein de laquelle règne un vrai esprit de collaboration et une grande entraide, ce qui n’est pas toujours le cas dans la recherche, où beaucoup cherchent l’exclusivité. J’ai ainsi pu bénéficier de nombreuses photographies prises par mes collègues. Les plafonds se trouvent en effet pour la plupart chez des particuliers, qui n’ouvrent pas toujours facilement leurs portes, certains plafonds ont aussi été détruits, ou démontés et vendus par pièces à des particuliers. Toute documentation prise par les collègues est donc précieuse. À mon tour, je les fais profiter des photos que j’ai pu prendre grâce à ma bourse de l’IUF.

Ensuite, je mène pour chaque plafond un véritable travail d’enquête sur le contexte de création (les propriétaires des maisons, la vie politique et économique dans chaque ville à une époque donnée) et pour chaque image une étude comparative avec par exemple des images peintes sur des assiettes, des coffres, des petites cuillères… de la même époque, pour formuler des hypothèses d’interprétation.

Comment diffusez-vous vos recherches auprès d’un public de non-spécialistes ?

Il est important de faire connaître mes recherches, non seulement parce que je bénéficie de l’argent public pour les mener et qu’il est normal de diffuser les fruits de mon travail, mais aussi parce que c’est un enjeu important pour le patrimoine. Plus le public et les instances culturelles régionales auront connaissance de l’existence de plafonds peints, plus ils seront susceptibles de les repérer et de les identifier lors de campagnes de travaux chez eux, chez des amis ou dans l’espace public. Une meilleure sensibilisation peut aussi leur donner envie de sauver ces témoignages précieux d’une autre époque. C’est en effet un patrimoine qui ne fait pas encore, ou très rarement, l’objet d’un classement par les monuments historiques, il est donc très vulnérable.

Pour faire connaître mes recherches, j’ai fait une exposition à la Maison de la recherche de l’Université Sorbonne Nouvelle au printemps 2020 [lien www.univ-paris3.fr/exposition-plafonds-peints--603861.kjsp). J’ai aussi participé à un concours de courts métrages de la ville de Paris dans le cadre du Festival Paris Science [lien https://pariscience.fr/symbiose-edition-2020/). Et je commence, en partenariat avec la RCCPM, la Société d’Archéologie préventive Hadès et la Région Occitanie une série de webdocumentaires dont le premier vient tout juste de sortir.  Le premier webdocumentaire est à découvrir ici

En lien avec la RCPPM, je collabore à une carte interactive qui permet à tout un chacun de voir où se trouvent les plafonds peints du Moyen Âge en Europe. Elle est alimentée régulièrement par des collègues de tous les pays.

Quand je fais des séjours de recherche, je partage mes découvertes sur les réseaux sociaux et je suis suivie par de plus en plus de personnes, qui découvrent le sujet et se passionnent pour les images parfois mystérieuses que je repère. Celles-ci donnent lieu à des débats parfois enflammés.

Enfin, j’essaie de faire en sorte qu’une partie toujours plus importante de mes publications soit disponible en ligne gratuitement comme par exemple ce livre dont j’ai coordonné la publication avec Monique Bourin et Georges Puchal aux Éditions de la Sorbonne : https://books.openedition.org/psorbonne/86674, qui offre un aperçu des recherches sur les plafonds dans le bassin méditerranéen. Cela reste très compliqué en raison de questions de droits d’images, qui varient en fonction des lieux, des pays et de la bonne volonté des propriétaires. Il y a là aussi un vaste chantier législatif que nous avons commencé à mener avec la RCPPM. 

Avez-vous des conseils à donner aux jeunes chercheur.e.s ? 

Quand j’ai souhaité travailler pour ma thèse de doctorat sur un sujet texte-image, on a cherché à m’en décourager parce que c’était un sujet trop transversal et donc peu susceptible d’ouvrir vers un poste à la fin de mon doctorat. Pourtant, au moment où je l’ai terminé, la thématique texte-image faisait partie des attentes en termes d’enseignement car nous vivons désormais dans un monde de l’image. Et quand j’ai commencé à m’intéresser aux plafonds peints, nombreux sont ceux qui ont trouvé le sujet étrange, voire rébarbatif. Au fil des années, le sujet gagne en légitimité dans les instances académiques mais aussi auprès du grand public. Je conseille donc aux jeunes chercheur.e.s de choisir d’abord un sujet qui les enthousiasme. Soyez interdisciplinaires et n’hésitez pas à partager vos recherches et vos découvertes. C’est dans la discussion que naissent les idées.

  📷 Examen d'éléments de plafonds peints du XVème siècle sauvés in-extremis pour la Mairie d'Albi d'une vente aux enchères, Musée Toulouse Lautrec (Albi) Photo Lannie Rollis. 

 

Suivez Maud Pérez-Simon sur les réseaux sociaux :

 


Type :
Portrait du personnel, Portrait
Contact :
Lieu(x) :
 
Partenaires :
 

mise à jour le 31 janvier 2024


Â