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Rencontre avec Atiq Rahimi, ancien doctorant de la Sorbonne Nouvelle à l'occasion de la sortie de son film Syngué sabour

le 1 mars 2013

Ancien doctorant de l'IRCAV, Atiq Rahimi a obtenu le Prix Goncourt en 2008 pour son livre Syngué sabour. Il vient de l'adapter au cinéma.

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Atiq Rahimi, pourriez-vous présenter votre parcours à la Sorbonne Nouvelle ?

Quand j’étais étudiant à l’université de Rouen, j’ai préparé mon mémoire de maîtrise de sémiologie du cinéma sous la direction de Nicole de Mourgue. Elle m’a un jour présenté à Christian Metz qui tenait à la Sorbonne Nouvelle un séminaire absolument passionnant sur le point de vue au cinéma. Chaque semaine, j’ai donc fait le voyage de Rouen à Paris pour y assister.

Plus tard, j’ai été fasciné par un article de Roger Odin, alors directeur du l'IRCAV de Paris 3. Cet article parlait de l’entrée du spectateur dans la fiction et l’analyse se basait sur le début d’Une partie de campagne, de Jean Renoir. Intrigué, j’ai alors voulu étudier la façon dont le spectateur sort de la fiction, et j’ai écrit mon mémoire de DEA sur « La fin dans les films », dirigé à la fois par Nicole de Mourgue à Rouen et Roger Odin à la Sorbonne Nouvelle. Puis en 1990, je me suis inscrit en doctorat à la Sorbonne et j’ai commencé une thèse intitulée : « Le dernier énoncé filmique ». Dirigé par Odin, j’y ai travaillé pendant trois ans mais, alors que j’avais rendu ma première version, j’apprends la mort de mon frère, en Afghanistan, et abandonne mon travail. Ainsi, contrairement à ce que l’on raconte, je n’ai jamais soutenu ma thèse, je suis toujours doctorant !

Vous avez obtenu le prix Goncourt en 2008, pour le livre Syngué sabour que vous venez de porter à l'écran, comment vous est venu le désir d'écrire ?

L’écriture en soi est un désir !

J’ai écrit mon premier roman, Terre et cendres, en 1996 (publié en 2000 aux Éditions P.O.L), l’année où les Talibans ont pris le pouvoir à Kaboul et l’année de mon premier enfant. Jusqu’à ces événements, l’Afghanistan n’était qu’un souvenir aux recoins de ma mémoire, traumatisée par l’assassinat de mon frère, six ans auparavant. Durant deux ans, la famille m’avait caché le drame. J’ai donc fait mon deuil plus tard, dans la solitude de l’exil, m’interrogeant sur le silence de ma famille, sur ce qui les contrariait à me parler de la mort de mon frère. J’ai ainsi entamé un dialogue intime et silencieux avec mes proches. Je leur ai écrit Terre et cendres, un espace de deuil où la mort pense et travaille. Écrire en persan, ma langue maternelle, était alors le seul moyen pour compatir à la souffrance de mon pays. Un texte intime, donc, empreint de nostalgie. Loin de moi l’idée de le publier ; mais, un jour, ce fut fait. Et je suis alors devenu écrivain, un être « embarqué » dans l’Histoire. Je n’avais d’autre choix qu’entreprendre ce voyage au pays des merveilles du verbe, et, pour paraphraser R. Tagore, d’explorer, découvrir et partager ce qui était de meilleur en moi : écrire en haine de la guerre.

Votre film Syngué sabour vient de sortir sur les écrans, comment devient-on réalisateur de son propre roman ?

Pour mes deux adaptations, Terre et cendres et Syngué sabour, ce sont des personnes de mon entourage qui m’ont demandé de réaliser un film. J’ai d'abord toujours résisté, car je ne souhaite pas me répéter. Mais ce qui m’a finalement poussé à accepter ces défis, c’est l’amour que je porte à mes personnages, l’envie de leur donner une autre vie, une autre chance, et un visage. Il faut alors trouver dans l’œuvre littéraire une dimension cinématographique, aussi bien sur le plan narratif que sur le fond des choses. Je confie toujours le scénario à quelqu’un d’autre, comme Jean-Claude Carrière pour Syngué sabour, afin de prendre mes distances et de donner un autre angle à l’histoire. D’ailleurs, je trouve que mes films sont plus optimistes que les livres, moins mélancoliques.

Quelques mots sur votre film ?

C‘est un film de silence et de chuchotements. Il met en scène la parole comme acte, la parole d’une femme qui se révèle à elle-même auprès du corps de son mari, dans une chambre qui n’est pas un huis-clos. Cette chambre est ouverte, elle accueille aussi bien les confessions de la femme que le silence de l’homme, aussi bien les cris des enfants que la barbarie de la guerre à l’extérieur. Trois maîtres de cinéma m’ont guidé : I. Bergman (Cris et chuchotements), Wan Kar Wai (La main), R. Rossellini (L’Allemagne année zéro, Rome ville ouverte).

Quels souvenirs conservez-vous de vos années d'études ?

La vie étudiante est une vie magnifique. J’ai été particulièrement marqué par les séminaires de Christian Metz à la Sorbonne Nouvelle. J’avais aussi une véritable « boulimie cinématographique » : je pouvais regarder trois à cinq films par jour !

Avez-vous un conseil à donner aux étudiants ?

Comme le dit R. Tagore : « Nous sommes là pour explorer, découvrir et partager ce qu’il y a de mieux en nous. Chacun possède un trésor. »


Type :
Portrait
Contact :
Sous-Direction de la Communication

mise à jour le 3 juin 2013


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