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La question de la performance langagière, fondamentale en linguistique, reste relativement peu abordée en dehors de la psycholinguistique ou, plus articulièrement, de la psycholinguistique expérimentale ; cependant, des approches de la production de textes par des locuteurs réels en situation de production « naturelle » ont pu être proposées par la génétique textuelle en ouvrant ainsi à de nouveaux questionnements linguistiques autour de la production écrite (voir Grésillon & Lebrave 2008), concernant notamment les types d'opérations langagières convoquées dans le processus d'écriture. Les travaux de génétique ont porté jusqu'à présent sur des productions littéraires (brouillons d'écrivains : Grésillon et al. 1991, Oriol-Boyer dir. 2003, etc.) et scolaires (brouillons d'élèves : Fabre 1990, Doquet 2004, etc.) en fournissant un nombre important de données2. Mais les types de corpus abordés restent somme toute assez restreints et les genres étudiés laissent en suspens une série de problématiques sociolinguistiques et pragma-discursives. Ainsi, l'environnement de la tâche d'écriture, tel qu'il est défini dans le modèle de Hayes & Flower (1980), et son impact sur la mise en texte et le contrôle, soulève la question des contraintes de production (Plane et al. à paraître) et de la contextualisation. Dans le cadre de ce projet, on se donnera pour champ d'observation les brouillons de travailleurs sociaux dans le cadre du signalement d'enfants en danger. Les écrits de signalement, qui visent à évaluer, selon les termes du code pénal, le danger ou le risque de danger couru par un enfant, produisent une intrusion du social dans l'intime des relations familiales, évaluées à l'aune des normes sociales en vigueur. Notre démarche se situe donc à l'interface entre pratiques langagières et pratiques sociales, en attachant une attention toute particulière à la représentation discursive d'une réalité sociale et à sa visée éthique et politique, dans cette double perspective qui allie une
pragmatique langagière et une pragmatique sociale (Cislaru et al. à paraître). L'objectif du projet est de proposer une description du processus d'écriture dans le cadre du travail social en s'interrogeant sur les diverses contraintes qui déterminent ce processus.
Décortiquer le processus d'écriture dans une situation de travail du point de vue de
l'analyse de discours permet, d'une part, d'accumuler et d'exploiter de nouvelles données quant au fonctionnement du langage en situation de travail (Borzeix & Fraenkel 2001, Boutet 2008, Filliettaz 2004, Filliettaz & Bronckart 2005, Alamargot et al. 2005, etc.) et, d'autre part, d'envisager des développements didactiques dans la lignée de ceux qui ont été proposés par la génétique des brouillons d'élèves (Fabre, Doquet) et de ceux qui préoccupent des organismes comme le National Writing Project (Etats-Unis), avec une application au français spécialisé (Cislaru et al. 2007, Cislaru et al. 2009) et au français sur objectifs spécifiques (FOS, Mourlhon-Dallies 2008).
Nous travaillons avec plusieurs partenaires du champ social de l'enfance en danger :
SAFE, Service Médiation familiale de Caen, Cellule « Signalement » du Conseil général du Calvados, SIS de Caen, Service d'Investigation et d'Orientation éducative de Pontoise (Val d'Oise), Aide sociale à l'Enfance du Conseil des Hauts-de-Seine, Antony. Nous avons signé une convention de partenariat avec le SAFE de Caen. L'originalité du projet est d'associer étroitement les professionnels du champ social à la recherche.
Le projet ECRITURES est donc susceptible de répondre à des demandes sociales formulées par plusieurs instances :
Les résultats de ce travail pourront intéresser la linguistique textuelle, la psycholinguistique, la sociolinguistique, etc., d'autant plus que le corpus recueilli pourra être traité par d'autres méthodes que celles que nous utiliserons. De même, sont envisagés des échanges interdisciplinaires avec la littérature, l'informatique et les sciences cognitives.
mise à jour le 6 octobre 2011