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Plurilinguisme ou translanguaging ? Implications sociales et politiques en didactique des langues et des cultures
le 4 octobre 2024
Le plurilinguisme est à la fois un fait social et une notion politique et scientifique en didactique des langues et des cultures et en sociolinguistique. En effet, le plurilinguisme désigne les pratiques linguistiques d’êtres humains capables d’utiliser plusieurs langues, registres de langues, ou variétés linguistiques (Juillard, 2007), et une politique linguistique européenne, visant à promouvoir la pluralité des langues sur le continent (Nelde, 2004). Un premier paradoxe apparaît : pourquoi promouvoir un fait social alors qu’il existe déjà ? C’est qu’on peut constater un écart entre la réalité sociolinguistique des pratiques à échelle humaine et les usages politiques des langues. Pour prendre le cas de la France, la construction d’un imaginaire national (Anderson, 2002) au 19e siècle vise à ériger un État-Nation. Un Etat-Nation est une notion juridique visant à lier un fonctionnement administratif à une définition identitaire. C’est-à-dire qu’un type de gouvernement et d’institutions correspond à une population supposée appartenir à un même groupe identitaire sur un territoire délimité (Rosanvallon, 1990). La consolidation de l’Etat-Nation français au cours du 19e siècle s’est accompagnée de débats sur l’importance de la langue française et sur la mise en place d’un français de l’école chargé d’unifier linguistiquement le territoire (Balibar, 1985). Le 19e siècle correspond donc à l’essor d’une idéologie monolingue, visant à imposer le paradigme “une langue = une nation”. On peut donc conclure que, du moins pour la France, si le plurilinguisme est une réalité très commune dans la vie des locuteur.rices, la politique linguistique officielle est à tradition idéologique monolingue.
Quelles sont les implications de ce paradoxe ? Le plurilinguisme est à la fois une réalité individuelle des locuteurs.rices et une valeur à défendre. Les travaux du Conseil de l’Europe, menés avec les didacticiens (pour la France Daniel Coste, Danièle Moore et Geneviève Zarate) ont abouti à des textes outillant les enseignant.es de langue sur les questions plurilingues. En parallèle, le développement de la sociodidactique, notamment à Grenoble, suite aux travaux menés par Louis Dabène, conduit à l'identification et la création des techniques pour exposer les enfants à la variété des langues du monde (1994).
Le développement du concept de plurilinguisme est donc antérieur à celui de translanguaging et principalement centré sur l’Europe.
Les travaux sur le translanguaging, qui ont leur origine au Pays de Galles pour désigner les pratiques mixes gallois/anglais (trawsieithu), s’inscrivent principalement dans la sphère anglophone et visent à comprendre ce qui se passe dans la tête des locuteurs qui disposent de plusieurs langues dans leur répertoire langagier. Ces travaux reposent sur les dernières avancées de l’imagerie médicale qui ont permis aux neurolinguistes d’étudier le cerveau des locuteurs.rices plurilingues. Ce courant est divisé en deux camps, reposant sur deux lectures possibles, mais antinomique des résultats de la recherche en neurolinguistique. D’une part des chercheurs comme Jim Cummins (2019) ou Fred Genessee (2022) estiment que les langues ont une réalité neurobiologique séparée, ils en concluent que les langues ont donc bien une
réalité biologique différente pour les locuteurs.rices. Cette position ressemble aux hypothèses du plurilinguisme en cela que leurs auteurs.rices ne questionnent pas la réalité neurolinguistique de l’existence de langues différentes. D’autre part, des chercheurs tels que Ofelia Garcia ou Li Wei, postulent quant à eux que les langues n’existent pas, mais que le passage d’une langue à l’autre est vécu comme une continuité au sein d’un répertoire langagier. Cette position ressemble aux hypothèses du plurilinguisme en cela que le concept pose à la fois la notion de répertoire langagier, mais avance la notion de compétence partielle en langue. Au sein de ce deuxième courant, Li Wei, Directeur de l’Institute of Education de l’University College London, a élaboré des techniques visant à tirer parti des répertoires langagiers des apprenant.es afin d’en faire un moteur pour l’enseignement-apprentissage des langues.
L’objectif de cette journée d’études est double. Il s’agit d’une part de comprendre et discuter le paradigme sociolinguistique dans lequel s’inscrivent les propositions de Li Wei. L’enjeu est d’autre part de proposer aux enseignants-chercheurs du DILTEC et de Clesthia et aux étudiants des Masters DDL et SDL un espace de création et d’analyse croisées d’activités inspirées par les techniques d’enseignement-apprentissage développées par Li Wei et transposables à une diversité de contextes sociolinguistiques.
- Type :
- Colloque / Journée d'étude
- Lieu(x) :
- Nation
mise à jour le 12 juillet 2024