S’il y a un « art » de gouverner, celui de « bien » gouverner fait penser, depuis toujours, et, semble-t-il, dans toutes les civilisations.Dans la tradition européenne, cette pensée a, depuis Aristote et Platon (la « cité idéale »), originé une tradition comparatiste encore inépuisée. A partir d’une lecture toujours singulière de l’histoire et du monde, toute une littérature s’est mise en quête du « bon gouvernement », comparant les mécanismes, les principes et leurs résultats supposés. Dans cette quête, l’art n’a pas été en reste, à l’image de la fresque d’Ambrogio Lorenzetti réalisée à Sienne au XIVè siècle intitulée Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement, dont l’étude continue de nourrir l’imaginaire politique contemporain, jusqu’à être considérée comme une véritable pierre de Rosette pour lire les systèmes politiques. Mais l’histoire livre des circonstances et des pratiques nouvelles, déplaçant souvent les interrogations et les préoccupations des hommes. A cet égard, du questionnement traditionnel sur le rapport entre démocratie et Représentation, qui implique de s’interroger sur les meilleurs mécanismes de délégation du pouvoir, le monde contemporain exigerait qu’on s’arrête sur la réalité et la qualité de l’exercice du pouvoir par les gouvernants, ainsi que l’expose l’historien du politique Pierre Rosanvallon, auteur d’un ouvrage sur Le bon gouvernement. L’affirmation faite par le Président de la République française le 4 octobre 2023 à l’occasion du 65 ème anniversaire de la Constitution de 1958, selon laquelle celle-ci « clôt la quête d’un bon gouvernement », paraît donc en réel décalage avec les aspirations contemporaines : partout la recherche et la volonté d’expériences politiques nouvelles se poursuit, sans limites spatiales ni temporelles, intégrant ou contestant les transformations territoriales, politiques, économiques et culturelles de notre époque.

Centre Intégration et Coopération dans l’Espace Européen Ce bouillonnement invite encore à se demander de quoi le « bon gouvernement » est le nom aujourd’hui. De nature intrinsèquement normative, l’idée de « bon gouvernement » pose la question du « bon » ou du « bien » pour la communauté politique, à partir d’une matrice principielle et d’une grille de lecture du monde déterminantes pour la réflexion. Mais il existe bien des matrices et des grilles de lecture. De l’auto-gouvernement local au gouvernement européen, en passant par la souveraineté populaire, il y a une distance à la fois idéologique et expérimentale. Des exigences liées à la gouvernance d’entreprise aux principes de « communs », il y a des aspirations anthropologiques distinctes. La diversité des pensées, des aspirations et des expériences fragilise l’idée de « bon gouvernement ». Ce qui peut être une nécessité pour les uns est un obstacle pour les autres, à l’instar du rôle du droit. Ce à quoi les uns aspirent, l’efficacité comme critère de la décision par exemple, est mortifère pour les autres. D’ailleurs, l’idée même de « gouvernement » serait en partie obsolète, la communauté contemporaine lui préférant souvent le terme de « gouvernance », ce qui est un changement d’orientation important. Comme objet d’analyse cette fois, l’idée de « bon gouvernement » est donc celle qui git tout à la fois dans les expériences et dans les récits, dont le repérage peut être utile pour décrypter ce que font et ce que veulent les hommes, ce qu’ils sont et ce qu’ils deviennent. Quels sont les critères proposés pour le « bon gouvernement », à quelle échelle et dans quel(s) but(s) ? De quoi le « bon gouvernement » doit-il tenir compte, quels sont ses horizons ? Quelle forme doit-il emprunter et par quels moyens ? Le colloque Penser le « bon gouvernement » au XXIè siècle se présente avant tout comme un état des lieux des représentations du politique, pour le présent et pour l’avenir, entre analyse critique, réalisme et utopie.