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Mastications ligneuses

Atelier de poésie - 2015


Après écoute de L'Enregistré (POL, 2014) de Christophe Tarkos


Possibilité d'une pensée d'arbre...
Sarah Intili

Discrète forme, miséreuse..une ligne qui troue la bulle d'air....pensée épaisse, encombrante...la parole glisse, crisse, frotte.... heurte un lambeau pendant du tronc, la parole se déchire.....la pensée monte...les branches attaquent les mots qui se rassemblent et la pensée s'effondre......il faut recommencer....partir du tronc.....trop de trous....pièges qui aspirent, qui vomissent un liquide épais....repartir à nouveau....la pensée doit se hisser à la hauteur.....à la hauteur de......la pensée s'est effondrée.....recommencer encore.....la fatigue pèse sur ma tête, elle ratatine mon corps....trébuche le mot de l'arbre, plein de résidus.....Plein de flaques de mots....les mots plein la bouche....l'arbre se noie, englué de mots épais....des trous...de l'air entre dedans....des échos dégoulinent....trébucher.....recommencer.....tronc....trous...trace....traître....trêve impossible...recommencer.. ...revoir l'arbre.


Mastication
Mélissa Bertrand

On arrive en troupeau comme ça et on se met face à ces grandes allées de terre blanche puis on se lance, on sait pas trop où ni pourquoi mais on y va. Chacun prend un arbre, y a les rapides qui veulent prendre le premier qui passe, être pragmatiques , puis y a ceux qui prennent leur temps pour trouver leur arbre-sœur et puis y a moi, un peu entre les deux, qui n'y crois pas trop et qui finit par en prendre un, un peu par hasard, en me disant que je lui trouverai bien quelque chose, que j'inventerai une histoire à ses branches et qu'on en sera quitte. Alors je le regarde et lui, il me regarde pas vraiment mais il reste planté là comme ça dans le sol sans bouger, il prend la pose ou il se repose, je sais pas. Alors je cherche ce qui va pas chez lui et je vois un renfoncement noir et ça y est, je sais à quoi me raccrocher parmi ces branches. Quatre vers, ça va aller vite j'me dis, j'aime bien écrire vite et pas trop réfléchir, les vers ça rampe pas longtemps alors autant essayer d'être pragmapoétique. Puis il faut le dire : il pleut et il fait froid et ma feuille elle prend l'eau et j'ai les mais gelées alors autant se bouger, il va bien finir par me souffler un quatrain ce pauvre arbre avec son renfoncement noir.


Marie Fabry

Alors y avait beaucoup de vent donc c'était pas facile de se concentrer sur ce qu'on voyait, la feuille qu'on tenait pour écrire dessus arrêtait pas de bouger dans la main donc fallait se concentrer pour la tenir bien fort et on se gelait les doigts rien qu'à tenir la feuille, donc on avait pas spécialement des jolis mots bizarres en tête quoi. Moi j'avais envie d'un chocolat chaud en fait, et pas de lever les yeux pour voir les branches et me prendre de la petite pluie sur les lunettes au passage ; parce que je sais qu'après pour nettoyer les lunettes, j'ai pas le bon pull qui laisse pas de traces, donc je vais voir tout le reste en flou du sale des lunettes si je lève la tête pour voir les branches, donc là plutôt je regarde les racines pour être sure d'avoir les lunettes propres quoi, mais après les racines c'est pas... dans l'arbre c'est pas ce qu'il y a de plus... enfin quand on voit l'arbre ; quand on y pense c'est super intéressant, mais sinon ça ressemble pas à grand chose.


Armonie Jamet

Fragrance boisée mais totalement dénudée, Arbre aux mille et un pied sans jamais bouger, le froid se glisse dans mon blouson, je grelotte, frissonne alors je me décide je vais me mettre à l'abri, tu me fixes, moi j'avance sans te jeter un œil mais je le sens ce regard pesant puis-Je te regard de loin comme si dans ma tête je te disais et toi là-bas ton pas froid car sans tes feuilles tu ne peux te couvrir ta mousse te couvre à peine tu veux ma veste, la blague je pense parler à un arbre, je deviendrai folle non je suis juste en plein rêve éveillé; À lala toi grand arbre majestueux complètement sans feuilles j'en ris sans le vouloir car tu représentes bien la misère de cette monte toute le monte passer devant toi sans jamais te porter un regard sans jamais se retourner où te prêter une attention particulière toi l'arbre là-bas tu me fais penser à cet homme dans le métro que personne né regard. Voilà c'est tout fragrance boisée mais totalement dénudé point retour à la ligne.


Marie Romsée

 

Tu te froisses là……..la feuille

La feuille de la cime……..de l’arbre…………….Je voudrais te……

Déchirer……………….en faire une vulgaire boule de papier

………………………………………………..Mais ô tu me rebutes…………

Toi insatiable feuille………………………la feuille avec ses

Dents…………………..tu sais la feuille de papier qui t’a

Fait maintes fois une cisaille…………………………..ensanglantée

Sur euh……………….les doigts……………………elle te coupe

……………………………………………………….Je coupe court

Ça sert à rien………………..d’écrire……………….entre les feuilles

……………………………….seul le vent parle……………toi tes

Mots ………………………..polluent le vent………………….

Ecoute l’espace d’un instant……………………………………..

La feuille se remplit………………………………..tu sais la feuille qui se

Remplit instantanément sous tes yeux de vide…………

Des rainures pénètrent ses entrailles……………….venant

Irriguer de son flot de sève.

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Salomé Soares


1. L'allée devant nous. Alors euh. Quel arbre je prends. Pas celui-là, celui-là non plus. Tu viens ? Oui alors lequel ? Ah lui! Ah non y a déjà quelqu'un. Bon allons plus loin. Tu viens ? Moi je veux un tout au fond. Oui euh le dernier même de l’allée. Oui le dernier, celui tout au bout. Oui parce que comme ça ce sera le rejeté. Le rejeté oui le rejeté, c’est le début d’une histoire ça. C’est bien. Du sable sur les chaussures. Alors il faudra les brosser. Allez viens. On va tout au fond de l’allée. Oui tu sais je te parlais du rejeté. Oh. Oh et puis non, regarde. Les deux-là ? Oui les deux là, avec le banc au milieu. On dirait que c’est des jumeaux, ça te va ? Ah. Il pleut ! Vite. Vite. Alors oui une photo, comme ça on s’en souviendra de ces deux-là. D’ailleurs, regarde le mien est plus grand que le tien. Ah euh oui regarde. De très peu mais plus grand quand même. Bon euh maintenant euh il commence à pleuvoir encore plus fort. Alors allez vite. Viens. [On va à l’abri. On reviendra plus tard.]

 

2. Allée. Euh. Lequel ? Non. Non. Viens ? Oui. Euh non. Plus loin. Viens ? Au fond. Le dernier. Au bout. Le rejeté. C’est bien. Sable. Chaussures. Viens ! Au fond. Le rejeté. Oh. Oh non. Les deux. Banc. Les deux. Jumeaux. Pluie. Vite. Photo. Souvenir. Plus grand. Le mien. Pluie. Pluie. Euh. Allez. Euh. Vite. Abri.


 

 3. Arbre. Vide. Euh non. Arbre. Banc. Arbre. Vide. Arbre. Euh non. Arbre. Banc. Arbre. Arbre. Arbre. Arbre. Sable. Banc. Arbre. Croisement. Plus loin. Arbre. Banc. Sable. Euh non. Arbre. Vide. Plus loin. Arbre. Banc. Déjà quelqu’un. Plus loin. Encore. Encore. Euh. Encore ! Arbre. Banc. Arbre. Oui. Arbre-banc-arbre. Ceux-là. Eau. Gouttes. Pluie. Zut. Demi-tour. Arbre. Vide. Arbre. Arbre. Arbre. Arbre. Encore. Oui. Là.

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Laura de Lorenzo

 

Et toi, t'es un poète ? C'est chouette d'être poète, tout le monde est un peu poète. Moi, euh, nous, on est poètes, poètes du lundi. Oui, lundi, tous les lundis on a cours d'écriture poétique, prophétique car on transcrit l'avenir des arbres avec des inventions, qui pourraient correspondre à des arbres du futur, ou du jamais, surtout du jamais. Jamais ? Il ne faut jamais le dire, toi aussi tu peux être poète, c'est maintenant ou jamais, et jamais tu ne regretteras. Tu peux venir avec nous au jardin des plantes. Ou plutôt au jardin des arbres. Je dis jardin des arbres parce qu'il n'y avait pas de plantes lorsqu'on y est allés. Pour le moment, les arbres sont endormis, mais tu verras lorsque le printemps sera là et que les fleurs viendront nous montrer leur joli sourire. Parce que oui, les fleurs sont humaines, les arbres sont humains, et vivent en société dans cette utopie nommée nature, ou plutôt nature urbaine, faut pas oublier qu'on se trouve au centre de Paris et sa pollution. Pendant ce temps, on peut aller se balader dans ce microcosme naturel, et regarder les arbres. Tout le monde dit que personne ne regarde ces arbres mais c'est faux, archi-faux. Dans cette urbanisation, l'homme a besoin de se retrouver dans la nature, dans ce jardin, où chaque arbre a sa propre étiquette lue par des milliers de passants. Ben oui que les arbres sont des célébrités ! Et nous en sommes les paparazzi, nous, les poètes ! On peint leur portrait, portrait de vie, portrait de mort, portrait de renaissance.

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MASTICATION

 

Aleks Larivière

Bon... alors déjà, moi, les arbres... Dendrophobie... les arbres, les fleurs, le chant des sources... gnagnagna... pas vraiment mon truc. Mon truc – arrêter de dire « truc ». Donc, pas mon truc, mais bien obligée maintenant que j'y suis. Pas envie d'être là. Mais pas non plus envie d'être ailleurs. Où dans ce cas ? C'est ce que je dis : pas envie. Bref, mal parti puisque Jardin des Plantes. Blocage dès le nom. Blocage, proximité phonétique bocage... Angoisse... Bref, arbres, forme imposée, groupe. Pas envie de m'exprimer en groupe. La forme imposée. Bon, pas vraiment idéale comme journée. Choisir un arbre... Et la pluie qui ne va pas tarder... Pourvu que ça tombe dru ! Qu'on rentre vite ! Trois gouttes et tout le monde pleurniche et court. À l'abri sous un porche... les gens parlent... sortir. Choisir un arbre. Et dire que je ne voulais pas être là... j'ai froid. J'avais oublié qu'on sortait... Choisir un arbre... Ils se ressemblent tous là ! J'aurais dû attraper un rhume... Bof remarque... ils se ressemblent tous. Ils se ressemblent tous. Ils se ress... Eh ! Salut la souche ! Un bout de tronc, un trou qui sert de cendrier aux tocards pré-pubères qui se cachent au jardin pour fumer, une canette de bière vide... Pourquoi on t'a coupé comme ça toi ? Tiens-toi tranquille ! Je voulais pas être là moi non plus... mais je suis là. Bon respirer fort. Dendrophobie, les arbres, les fleurs... Bon allez... un quatrain. Toujours ça de fait. Pas mon truc les arbres. Et puis, en plus, les contraintes...

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Patatarbre

Augustin M.

Attraper un arbre avec des mots…Bon on va pas se mentir, ça aurait été plus facile avec un bulldozer.

Les parenthèses découpent moins bien les racines que les sécateurs. Et mon stylo manque fatalement du vert chlorophylle.

C’est un peu con de vouloir enfourner deux, voir trois mètres d’arbres dans une page de carnet. Bon ok… si on y réfléchit bien le papier vient de l’arbre. Oui mais bon il n’en reste pas moins difficile de faire venir l’arbre dans le papier. De manière générale les feuilles sont au bout des branches et les arbres sont rarement au bout des feuilles.

L’autre problème, c’est que… voyez vous le papier n’absorbe pas grand chose, à part un peu de pluie peut-être et encore… je suis sûr que pour cela il est moins efficace que le sopalin ou même le pq.

Non clairement, l’arbre, est bien trop grand…et puis de toute manière on ne fais pas d’herbier avec des stylos. C’est bien connu.

Après il est toujours possible d’écrire l’arbre. L’A.R.B.R.E !

Voilà ! Je l’ai fait. C’était facile.

Après rendons nous à l’évidence. Le A n’évoque ni l’écorce, ni le tronc, ni la sève qui circule. Pas plus que le « R », le « B »,le deuxième « R » et encore moins le « E » d’ailleurs.

Oh l’arnaque littéraire dans toute sa splendeur ! Je vous ai bien attrapé là ! Par la ou vous êtes le plus sensible ! Je vous ai pris aux mots !

Alala faire croire que l’on écrit le monde, alors que l’on écrit que soi-même.

Ah ba oui, Atelier d’écriture poétique, c’est un peu comme un atelier de menuiserie finalement. Je suis désolé j’ai oublié ma poésie alors je m’acharne sur ce pauvre arbre à la recherche d’un peu de matière comme un menuiser s’acharne à faire avouer la planche.

Réflexion : Il vaut sans doute mieux scier la branche sur laquelle on est assis que l’arbre sur lequel on écrit. En cela les écrivains rejoignent les écologistes.

Préserver le monde pour pouvoir l’écrire…belle pensée. Mais avec ce nuage de pollution il est difficile d’écrire sur autre chose que sur nos larmes…et ce papier qui absorbe si peu…

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Pierre Duda

 

Comment s’écrit un arb’ 

 

Alors… un arbre.

Un arbre, un arb’, un arb’, un arb’… ?

Un arbre moche, un arb’ bizarre…

Un où on peut dire des trucs… et des choses…

…. aidées d’autres trucs et d’autres choses… on peut dire machin aussi pour dire trucs et choses et après… et après ?... et après ça fait une chanson.

Et après…

Lui ! Avec des bosses… Le bossu… En fait non… si ? Non. Il ne me dit rien…

M’inspire du dégoût… que du dégoût et c’est tout du coup… je l’aime pas du coup.

Le petit là ! Oui le petit ! Il est devant la galerie-il est petit, c’est chouette, faut le dire ça !

Chier ! Y pleut !

Un abri… un abri, un abri, un abri… ma feuille est mouillée, un abri, vite !

Là ! Les colonnes !

Les autres y sont déjà c’était mon idée… donc ça m’irrite, mais c’est pas grave ou alors pas trop. C’est un peu grave quand même.

Bon, il y a encore des places sur les marches.

Alors, mon arbre… Il a des trucs sur le haut, des trucs que ma vue voit, mais que je ne connais pas de mot… de mot… une afro de trucs qui n’a pas de mot.

Il est avec d’autres petits arbres. Et eux aussi ont des bouts de bois pour ou… et comme soutien. Des roulettes… des roulettes d’arb’. Des petites roues de vélo d’arbre pour ne pas en voir tomber.

Des infirmes… avec des béquilles hein ? Et un… un genre de ceinture…. comme ça là.

Comme ça quoi… comme lui.

Un arbre comme lui quoi.

 

 

 

 

 

 


 



mise à jour le 30 juin 2017


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