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Marie Sorel, lauréate du prix Louis Forest 2014 de la Chancellerie des Universités de Paris

le 13 janvier 2015

Marie Sorel est lauréate du Prix Louis Forest (Lettres) de la Chancellerie des Universités de Paris pour sa thèse consacrée au jeu dans l’œuvre de Henry de Montherlant.

Marie Sorel
Les prix de la Chancellerie sont décernés chaque année à des étudiants ayant soutenu une thèse au cours de l’année civile précédente dans une université d’Île-de-France ainsi que certains grands établissements parisiens pour l’excellence de leurs travaux de recherche en droit, économie et gestion, médecine, sciences, lettres et sciences humaines et pharmacie.
 
  • Vous avez soutenu votre thèse en décembre dernier à la Sorbonne Nouvelle, parlez-nous de votre travail :

Combinant approche textuelle et approche sociologique, ma thèse, menée à Paris 3 sous la direction d’Alain Schaffner, s’attache à mettre en évidence le rôle du jeu dans l’œuvre (théâtre, romans, essais, carnets, articles et correspondance) et l’image publique d’un écrivain controversé et malheureusement peu lu aujourd’hui, Henry de Montherlant (1895-1972). Sans éluder les sujets délicats (l’attitude de l’écrivain sous l’Occupation, la pédophilie), je souhaitais montrer la part ambivalente du jeu dans l’élaboration de la posture de ce polygraphe et dans la réception de son œuvre, en évitant le double écueil de l’hagiographie et du règlement de comptes. J’ai pu constater que l’ethos aristocratique de l’auteur n’est pas exempt d’ambivalences. En effet, le regard que ce gentilhomme pose sur la corrida, la chasse, l’équitation, les rallyes dansants, le football, la belote ou encore la boxe déjoue parfois les prévisions du lecteur. Le travail de contextualisation que j’ai mené visait non seulement à confronter la vision du jeu de l’auteur à celle d’autres écrivains mais aussi à récuser l’image poussiéreuse d’un Montherlant solitaire et inactuel, en marge de son époque. Les réflexions de l’écrivain sur le culte du corps, la place des loisirs dans notre quotidien et le rôle de modèle que notre société attribue à la compétition sportive n’ont rien perdu de leur actualité et sont le signe que, contrairement à une idée reçue, l’œuvre de Montherlant résonne avec notre sensibilité d’hommes et de femmes du XXIe siècle.
 
  • Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Agrégée de lettres modernes (2005), j’enseigne depuis dix ans dans le secondaire. C’est au cours de ma troisième année d’exercice dans l’académie de Créteil que j’ai décidé d’entreprendre un doctorat de Littérature française à Paris 3. Après avoir été stagiaire au lycée général Georges Clemenceau à Villemomble, titulaire en zone de remplacement au collège Louise Michel à Clichy-sous-Bois et au lycée professionnel Liberté à Romainville, j’ai obtenu en 2008 un poste fixe au collège Joséphine Baker à Saint-Ouen. L’activité d’enseignante, que j’ai exercée dans cet établissement tout au long de ma thèse, et les charges de cours que j’ai assurées à Paris 3 m’ont donc donné l’occasion de rencontrer un public d’horizons et d’âges variés.
Au cours de ces années, j’ai pu constater à quel point l’enseignement et la recherche étaient complémentaires. S’il n’a pas toujours été facile de concilier les deux activités (transports, contraintes d’emplois du temps…), je n’ai pas vécu la thèse comme une démarche ascétique et solitaire. Ce qui m’anime dans mes travaux de recherche et dans ma pratique d’enseignante, c’est un désir de transmission et d’échange. Que l’on soit devant des collégiens, des étudiants ou face à son travail de recherche, il s’agit de capter l’attention de ses destinataires, d’exprimer sa pensée de manière synthétique sans pour autant renoncer à l’exigence de rigueur et de précision. Ces années ont également été l’occasion de travailler en équipe, aussi bien dans le secondaire (projets interdisciplinaires, sorties pédagogiques, partenariats avec des espaces culturels) que dans le supérieur (co-organisation d’une journée d’études avec d’autres doctorants, co-direction d’un projet fédérant des jeunes chercheurs de Paris 3).
Le contraste entre mon domaine de recherche (les loisirs aristocratiques, les codes de la caste nobiliaire) et mon expérience d’enseignante en zone d’éducation prioritaire s’est révélé vraiment stimulant. J’étais quotidiennement amenée à récuser certaines idées reçues, certains clichés plaqués hâtivement sur le milieu nobiliaire et sur les « collèges de banlieues ». En outre, le sujet sur lequel j’ai travaillé – les pratiques ludiques – m’a incitée à exploiter les vertus pédagogiques du jeu dans ma pratique d’enseignante. Le choix même de mon sujet a eu des implications sur ma manière d’envisager le rapport aux apprentissages. Les activités théâtrales, les jeux de rôles, les parcours, les enquêtes, sont des activités ludiques auxquelles je recours de plus en plus souvent pour capter l’attention des élèves, développer leur créativité – et la mienne ! – et les aider à mémoriser les notions vues en cours. Le jeu mérite en effet d’être pris au sérieux. Loin d’être démagogique, il peut être un véritable outil pédagogique, un réservoir d’activités inépuisable.
 
  • Vous venez de recevoir le prix Louis Forest de la Chancellerie en Lettres, qu’est-ce que ce dernier représente pour vous ?

     Je vois dans cette récompense le signe d’une ouverture, d’une reconnaissance de la diversité des profils au sein du monde de la recherche. En effet, je n’ai pas un parcours qu’on pourrait qualifier de « royal » : je ne suis pas normalienne, je n’ai pas été allocataire de recherche et j’ai exercé à plein temps un service d’enseignante dans le secondaire durant ma thèse, ce qui est d’ailleurs le cas de nombreux autres doctorants. Cette récompense me semble donc être un encouragement adressé à tous les étudiants qui se sont lancés dans un travail de thèse : ce sont la pertinence du sujet, la qualité du travail fourni et l’originalité de l’approche qui seront reconnues par les membres du jury et qui primeront sur toute autre considération.
J’estime également que cette haute distinction est une récompense collective : je n’aurais pu obtenir ce prix sans le soutien de mon équipe de recherches l’UMR THALIM (Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité), de mon directeur de recherches Alain Schaffner, de Jeanyves Guérin mais aussi des autres doctorants qui m’ont épaulée du début à la fin de ma thèse. Les ateliers et rencontres organisés par l’association Relisons (Recherche Littérature Sorbonne Nouvelle), créée en 2009 par des jeunes chercheurs de Paris 3, m’ont également permis de ne pas rester isolée et de rencontrer d’autres doctorants. Je ne peux qu’encourager les doctorants à participer à cette association fédérant les jeunes chercheurs en littérature et à prendre part à la vie de l’université (conseil de gestion, conseil de laboratoire).
Le prix de la Chancellerie et la cérémonie à laquelle il a donné lieu sont pour moi loin d’être une simple mondanité. Il s’agit bien de promouvoir la recherche, de lui donner une visibilité, de montrer en quoi les travaux des docteurs s’inscrivent pleinement dans l’actualité. Non, le chercheur n’est pas un rat de bibliothèque coupé du monde ! Je suis persuadée que nos recherches, quelles qu’elles soient, enrichissent notre vision du monde, aiguisent notre curiosité et notre sens critique.
 
  • Quels sont vos projets ?

    À l’issue de ma soutenance en décembre 2014, j’ai eu la chance de pouvoir signer un contrat avec la maison d’édition Honoré Champion, maison dans laquelle sera publiée ma thèse courant 2015. Les semaines qui ont suivi la soutenance ont donc été consacrées à la relecture de mon travail, les remarques et corrections formulées par les membres du jury m’ont à ce sujet été d’une grande aide. Dans la foulée, j’ai également constitué un dossier de candidature à la qualification de maître de conférences et j’ai été qualifiée. Mais je n’ai pas candidaté car les rares postes au mouvement ne correspondaient pas à mon domaine de recherche. Toujours enseignante au collège Joséphine Baker, dans lequel je mène différents projets (tutorat d’enseignants stagiaires, projet d’initiation aux médias), je poursuis les travaux menés avec d’autres doctorants de Paris 3 (le projet innovant « Écrivez-le avec des fleurs » soutenu par le Conseil scientifique de Paris 3), assiste et participe à des colloques afin de prolonger les réflexions menées au cours de ma thèse mais aussi de diversifier mes domaines de recherche.
 

Type :
Distinction / prix, Portrait
Contact :
Sous-Direction de la Communication

mise à jour le 23 janvier 2017


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