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Librairie Palimpseste

La poésie sur les lieux - 2016


Poème de Librairie
Sakina Bahri

Avant même d'entrer, ils m'appellent

Les livres.

Ils sont là, près de nous, à portée de main.

Certains en hauteur, d'autres beaucoup plus loin

Certains manquent, d'autres nous accueillent.

On se sent bien parmi les livres.

On se sent moins seuls.
 

Tout nous rappelle notre solitude,

la vie, les gens, le temps, la foule.

Les livres, eux, ils nous entourent.

Ils m'entourent.
 

Ce sont des êtres qui nous font vivre.

Qui nous font revivre.

Des êtres remplis de vie

Et nous de vide.

Ils nous remplissent.

Nous sommes morts,

ils nous ressuscitent
 

"La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature."

Il y a plus de livres que d'humains dans la librairie.

J'aime cette idée.

Il y a plus de vie alors.
 

Il y a ces livres, inconnus, qui nous interpellent quand même par leurs titres:

Amour Impossible. Christine Angot.

ça ne laisse pas indifférents,

Et si on rendait possible l'impossible?

"J'espère ce qui m'est interdit".

Je crois bien qu'on veut tous ce qu'on ne peut pas avoir.

Tout ce qui est difficile à avoir du moins...
 

Marguerite Duras disait: ''Je n'ai jamais écrit croyant le faire, je n'ai jamais aimé croyant aimer, je n'ai jamais rien fait que d'attendre devant la porte fermée.

Et là je crois en fait que c'est précisément ça la vie...

Je ne suis pas sortie de ma nuit


Palimpseste (poème en prose)
Mathieu Coucaud

La librairie enchantée de toutes sortes d’êtres, êtres fictifs ou narrativisés. Je me sens parmi tous ses bouquins, dans mon élément. De loin je préfère les pages jaunies, c’est l’histoire qui va de main en main jusqu’au prochain lendemain. Etagères, échelles, escaliers… J’aime les mots autant que j’aime mon frère. Il sait quel serait le cadeau d’un anniversaire, Pléiade en guise de camarade. Il y’a davantage de richesse dans les œuvres littéraires que dans n’importe quelle multinationale. Pourtant c’est un monde aveugle qui fait confiance à un système totalitaire et ploutocrate plutôt qu’à Jean Valjean.


Faiza Khemar 

J’ai essayé d’habiter poétiquement le monde,

 J’ai essayé d’ouvrir les portes du Néant


Loin des censier battus


Au pays des sans noms

Mais c’est la fin du monde


Je dirais malgré tout que cette vie fut belle

C’est Toxic alors?


Toute cette papeterie


Un amour impossible,


Au fond, ils savent tout de nous,


Ce que l’argent ne saurait acheter,


La tête à Onfray,


Lire et écrire avec un “e”,


Au commencement était le verbe,


ensuite vient l’orthographe,


“Ah bon.”


Nos enfants sont des poètes,


Par la fenêtre,


Notre vie, disent­ils


Entre les murs, Balzac,


Le harcèlement scolaire,


Dessus, bien lire et aimer lire

Michel Onfray, Cosmos,


Surplombé par De la pauvreté en Esprit,


Moi comme Rafik, “j’aimerais bien aller à l’école des femmes, ça doit être chaud”


Pourquoi les hommes sont capables d’aller sur la lune


Et se perdre dans un parc?


Les questions cons,


Le subjectif de l’objectif,

J’ai essayé d’habiter poétiquement le monde,

Depuis l’invention de l’écriture,


Dis leur qu’ils ne sont que cadavres


Et quand l’image relit le texte,

Carnets, j’ai vidé le mien.


Ilham Duduch

 

Telle une aventurière entrant en terre inconnue,

Tu entres dans ce lieu mystérieux ;

Tu pousses ce portail majestueux d’un air très curieux,

Et te voici à la découverte de ce qui t’était encore méconnu.

 

Le parfum enivrant des livres secoue tes narines.

Tu regardes autour de toi, encore toute confuse.

Tu ignores ce que tu fais là, mais c’est parce que tu n’as pas encore la science infuse.

 

Tu aperçois une petite horloge noire au fond de cette pièce mal éclairée.

Elle affiche midi et quart.

C’est bientôt l’heure de ton départ.

Attention tu n’as pas le temps d’errer !

 

Tu observes attentivement ce qui t’entoure,

Tu t’aperçois qu’au-dessus de chaque étagère est indiqué un sujet d’étude,

Sous lesquels tu peux voir une multitude de livres et ce tout autour.

Pas de danger, aucun ne va te dévorer, tu peux t’en approcher avec quiétude.

 

Cependant tu constates également que sur des tables

Des livres, des journaux, des magazines sont soigneusement disposés

Mais en-dessous de ces mêmes tables juxtaposées,

D’autres manuscrits occupent des cartons, et ce de manière peu appréciable.

 

De longues lampes noires survolent ces planches,

Et les éclairent d’une forte lumière blanche.

 

Enfin, tu aperçois des escaliers sous-terrain,

Et tu demandes où ils mènent.

Tu t’en approches avec gêne :

La profondeur te rappelle celle d’un ravin...

 

Ce noir obscur te fait-il pensé à tes démons internes,

Ceux qui rendent ton visage terne,

Ceux que tu fuis comme la peste,

Et qui te font quitter la Librairie Palimpseste ?

Toi seule en connais la réponse.


La septième fonction du langage
Ludivine Journaux 

Du monde entier au cœur du monde, quelqu’un pourrait Médée ? Dans cette infinité de Description du monde, quel est le mieux L’œuvre ou Le Conte ? Les Mots ou Les Essais ? Quel papier pour Les Cœurs de chien, pour Les Amours Tragiques ? Lequel pour Le Vide et le plein ? Pour L’Espoir ? Pour les Mauvaises pensées ? Tous [C]es Bouts de bois de Dieu attendent là immobiles. Devrais-je m'abandonner à Shaâb ou la nuit pour qu’elle éclaire La nuit de feu ? Faut-il prendre Le chemin des falaises quand on est sur [une] Terre qui penche ? Est-ce qu’avec Le cri de la terreLe présent infini s’arrête ? Deux messieurs sur la plage ne diront Rien de plus sauf elle, la vie.


Librairie Palimpseste
Johanna Spagnoli

 

Etes vous déjà entrés dans une librairie ?

Ne vous méprenez pas.

Quand je dis : entrer dans une librairie,

Je ne dis pas

Entrer dans un magasin qui vend des livres.

Mais découvrir un monde : celui de la pensée.

Tant et tant d'ouvrages que l'on peut toucher,

Que l'on peut feuilleter

Effleurer.

Il y a cependant, je ne saurais dire,

Quelque chose que l'on ne peut saisir

Une sorte de présence-absence

Celle de toutes les voix qui hurlent en silence

Le souvenir des doigts qui ont saigné

A gratter du papier.

 

La littérature est une famille

Chaque nouvelle œuvre est un nouveau frère

Et dans cette fratrie qui fourmille

Tous sont des fils, tous sont des pères.

Drôle de nom alors, que palimpseste

Car on ne peut dire que ce n'est pas l'inceste

Qui est à l'origine de toute création.

Tous ces livres que je vois, sont même filiation

Et du même sang coulé

A gratter du papier.

 

Au cœur de Paris, cinquième arrondissement,

La libraire palimpseste, librairie d'étudiants

C'est ici que nait ma poésie.

Je revois les vestiges de tombeaux engloutis

Jamais morts, jamais vivants.

Un poème de mémoire à toutes ces mains serrées,

Tous ces poings levés, stylos épuisés

À gratter du papier.


La Librairie Palimpseste
Ninon Cantaloube

Tout de suite l’odeur, pénétrante, douce.

« Savez-vous que les livres sentent la muscade ou je ne sais quelle épice exotique ? J’aimais les humer étant enfant », disait Faber. Pour qui cette odeur n’évoque-t-elle pas ses premières lectures, ses premiers classiques, les trouvailles dénichées dans les placards d’une grand-mère.

La curiosité, voilà ce qui définit le mieux les pièces remplies de livres. Sur les tables s’étalent Montesquieu, Diderot, Balzac, Olympe de Gouge, et tant d’autres à découvrir qui tendent les bras pour être pris.

L’un d’eux me lance une citation sur sa couverture : « Ô mon George, ma belle maîtresse ».

Si dans ces lettres George Sand bâtit un temple à l’amour, j’en bâtirai un aux livres. Il aurait l’allure de cette librairie. Emplie d’ouvrages du sol au plafond, dans ce silence recueillit, presque religieux. La douce odeur des feuilles est comme un encens dont la fumée serait les petits caractères qui courent sur les pages et le long des rangées.

Chaque page semble un froissement de pensées qui ne demandent qu’à sortir, chaque couverture semble cacher en son sein un savoir hors du temps à découvrir. Richard de Bury écrivait : « Toutes les choses périssent avec le temps. Toute gloire sombrerait dans l’oubli si Dieu n’avait donné aux mortels pour les aider, le livre ». Ici, dans un même lieu nous sommes à la croisée des âges ; Duras, Maupassant, Racine, Sophocle. Sur une table je vois Le Temps retrouvé. Oui, il est là, entre les pages. On est aussi à la croisée du monde ; Marjane Satrapi, Jack London, Spivak, Cervantès ; des disciplines ; philosophie, théâtre, lettres, langues, anthropologie, cinéma. Moi aussi au cœur de la tempête je voudrais dire « A moi Armem, ma bibliothèque suffisait comme duché ».

Mais au moment de partir, je ne peux pas tout emporter. « Chaque livre, chaque volume que tu vois, a une âme. L’âme de celui qui l’a écrit, et l’âme de ceux qui l’ont lu, ont vécu et rêvé avec lui ». J’ai l’impression que je laisse à chaque fois une part de la mienne entre les lignes que je n’ai qu’entrevues.


De l'impossibilité d'écrire sur la librairie Palimpseste
Charles Mauduit

 

Veux pas parler d'amour, veux pas parler de guerre, veux pas parler de livres.

Ça n'est pas ça, ça ne naît pas de ça. 

C'est pas parler poésie.

Descriptif je sais pas, il n'y a pas inventaire.

Je ne sonderai pas les immenses étagères

Comment éviter de dire ?

 

J'ai pas envie de causer.

Du livre que serait mon cœur, du lieu d'inspiration, d'un lieu d'habitation des poètes et des mots.

Pas parler c'est déjà trop

Y'a tant de lieux communs qu'on a trop gaspillés.

Pas parlé de pages blanches.

Ni Daesh ni Koltes, pas même Gaston Miron

La Poésie sur quoi et sur quoi se pose-t-on ?

Trop d'espaces dans l'espace.

De petits microcosmes en cohabitations.

Compliqué, pas possible.

Il n'en est pas question il n'en est plus question.

Y'a pas de rime en merde.

 

Au bord du lieu, y'a la vitre, nos reflets, comme si on était dedans.

Dedans et extérieur. Extérieur et dedans

Au bord du lieu y'a le titre il y a le Palimpseste

Des écrits en peaux de Jeans

Délavé, empilé, pourquoi écrire dessus ?

J'ai pas encore compris, je n'ai même pas tout lu.

Les lecteurs satellites allant de branche de branche

Ouvre une page et puis deux

Reposent et vont ailleurs

Objet du bien trop vite quand il faut prendre le temps.

C'est tout ce qu'il y a à dire.

 

Si on te dit « Ta gueule » c'est sans doute pas pour rien.

Comment parler de lieux qui veulent que l'on chuchote ?

Les mots, ils se suffisent il faut laisser la place

Étale a poisson mort.

La place des non-dits, de l'écriture immense

Ton cœur est en repos, ton âme est en silence ?

Je te laisserai en paix

T'arracherai la langue

Mastiquerais ton corps, boirais ton sang exsangue

Mais pas parler de toi

Je te consommerai, tu me repousseras.

A force de dégoût je te déglutirais.

Je serai dépeuplé.

Je ne garderai rien

 

Dans le moteur du lieu, y'a le bruit de la mort

Mausolée-Palimpseste

Ce n'est pas l'art vivant.

Ça se fige, ça se grave

C'est des mots déjà morts sous cette encre qui bave.

A chaque coup de stylo mes mots sont déjà morts.

On ne fait pas revivre les mots par les mots.

Chaque page achevée, accouche de mort-nés.

On écrit et ça meurt.

Ça naît et ça re-meurt

L'écriture se fait en combustion instantanée

Instantané réflexe d'un mouvement de recul

Lorsque l'on est trop loin il n'y a plus rien qui naît

Et à trop m'approcher, je tue ce qui se joue

Je ne suiciderai par Leprest une seconde fois.

Non...

Je n'assassinerai que le fictif

Le réel se tue déjà assez tout seul.

Je ne dirai plus rien, je fermerai ma gueule.

Donc laissez-moi ici, collé à la vitrine.

Assez loin pour brailler sans leur causer du tort

C'est le texte sans la plume, le sexe sans la pine

C'est voir un peu en biais, dans la zone du dehors

Je veux écrire au bord.



mise à jour le 30 juin 2017


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