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le 4 octobre 2019
L’argumentation et la démonstration dans les sciences de la vie et de la nature ne s’appuient pas sur les mêmes formats de données que celles qui servent de fondement à la recherche en littérature, en psychanalyse et plus généralement en SHS. Aux big data, aux approches par cohortes d’un côté, répond de l’autre une méthodologie qualitative largement fondée sur des cas uniques. Pour autant, nombre de recherches actuelles montrent qu’il ne s’agit aucunement de méthodologies exclusives. Ainsi, en psychologie une nouvelle génération d’études de cas a vu le jour depuis le début des années 2000, alliant la précision et la complexité propres à décrire des subjectivités à nulle autre pareilles avec des procédures visant à subsumer la multiplicité dense de l’accidentel et de l’aléatoire sous des récurrences et des généralités à même d’être reproduites : « ces descriptions permettent d’introduire des éléments explicatifs du succès ou de l’échec des résultats d’une psychothérapie, comparativement à des cas similaires » (Les Nouveaux modèles de soins, p. 12). Les sciences expérimentales ou technologiques elles-mêmes apparaissent aujourd’hui comme porteuses de spécificité, ainsi qu’en témoigne l’ouvrage récent de Jean-Gabriel Ganascia sur l’intelligence artificielle intitulé Le Mythe de la singularité (2017). En outre, les données probantes (evidence-based data) fournies par la médecine personnalisée ou les learning analytics développés en sciences de l’éducation fournissent non seulement les contours d’une singularité encore jamais atteinte, mais permettent d’anticiper et de prédire avec une rapidité croissante les facteurs de réussite thérapeutiques ou cognitifs adaptés à tel individu en particulier, et à lui seul. Dans un champ donné, le recours à un type de données ne saurait proscrire le recours à l’autre. En outre, dans certaines disciplines, le mode de raisonnement et de pensée semble se situer à l’articulation nécessaire entre l’une et l’autre. L’enjeu épistémologique de ce colloque interdisciplinaire est ainsi de cerner les finalités, les visées et les apports de chacun des deux types de démarches en qualifiant le savoir et la nature des connaissances qui peuvent en résulter. Pour une discipline donnée, comment se définit ce que peut être un cas ? Comment chaque discipline construit-elle ce qu’elle désigne ainsi? Dans un champ de réflexion donné, quels déterminants (quels traits, quelles caractéristiques) permettent de dire « ceci est un cas/ceci n’est pas un cas » et « voici les limites du cas que je traite » ? Ou bien encore : étant donné un ensemble de faits comment parvenir à circonscrire ceux qui constituent un cas ? Rassemblant des chercheurs venus de diverses disciplines des SHS (linguistique, psychanalyse, philosophie, politique, droit, économie, littérature…) mais aussi des sciences du vivant (notamment la génomique) ou de l’ingénieur (informatique), ce colloque, près de quinze ans après le célèbre ouvrage de Passeron et Revel, Penser par cas (2005), suivis à deux années d’intervalle par les numéros que la revue Critical Inquiry a consacrés à ce sujet (On the Case, été et automne 2007), entend reprendre la notion de « cas » à nouveau frais, en se fondant sur une pluralité d’approches méthodologiques.
mise à jour le 17 septembre 2019