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Larmes d'encre

Larmes d'encre

Les regards à terre, les yeux humides. Le silence et le brouillard. Ce jour n'est pas comme les autres. En repoussant les rideaux, je m'aperçois que le temps est peint d'un gris morne, lui qui était d'habitude simplement gris foncé. Le cœur métallique, j'observe au loin les démarches qui sont devenues soudainement lourdes et lentes. Dans ce brouillard de silence, on peut entendre quelques rires, s’effaçant cependant dans la lenteur du temps qui passe, toujours lourd et lent. Le jeune homme au loin, qui d'habitude passait devant chez moi avec une gaieté d'adolescence insouciante, fronce les sourcils sous le tissu de son bonnet noir ; il ne comprend pas. Nous ne comprenons pas. Il regarde autour de lui, le monde est dans l’ébahissement. Soudain, il me voit derrière la vitre de ma fenêtre, et nos larmes coulent ensemble face à ce silence.

Les habits sont noirs. La France est en deuil. En ce début d’année 2015, la liberté a été assassinée.

Puis en me laissant tomber dans mon lit devenu linceul, un souvenir me revient, laissant ainsi apparaître le doux visage de la liberté, au-delà de la brume triste qui m’étouffe. Le souvenir d’une liberté revendiquant son droit de vivre, d’un courage frontalier, un sourire insolent à toute épreuve. Ce visage à des lunettes, mais il a aussi un drôle de visage enfantin. En le regardant de plus près, on y remarque un front haut et fier, toujours prêt à parler. Une expression mêlant savoir et malice. Mais ce visage, c’est aussi le visage de la sécurité. Le visage du don de soi, du bien-être des autres. Ce visage n’a ni place, ni argent. Il incarne simplement le mérite, et l’humanité. Cette bouche, c’est celle de douze Hommes libres, mais c’est aussi celle d’une France libre et fraternelle qui, malgré les cris de désespoir, hurlera demain à leur place.  Un seul mot : espoir.

Noir est ce jour, mais ô combien colorés ont été les jours précédents, et les jours qui suivront. Tendons la main au ciel, prenons un crayon tendu par les cieux et continuons à nous exprimer, à fusiller la feuille blanche, à marteler le silence par un combat acharné pour la liberté de penser. Créons des formes afin de crier au monde, que la vérité et la morale castratrice peuvent aller se faire exploser.

Aujourd’hui, notre colère fait jaillir le sang dans nos veines. Demain, ce sera de l’encre qu’on verra tomber du ciel, en entendant des claquements de mains, là-haut, clamant d’une voix rieuse «  Mission accomplie, camarades ».


mise à jour le 28 avril 2015


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