UE transversales >> UE libres

La Société des platanes

Atelier de poésie - 2015


Giaccometti

Un masque ténu et presque évanescent de cendre grise recouvre sa fureur de vivre
qui s'exprime dans l'éclosion désordonnée des ramifications à la croissance précocement abandonnée.
Et la vieillesse de grandir enfouie dans ses escarres-gouffres qui ressemblent à des nids froids.
Platane chétif, démesurément nu, dont la grimace est trop lourde à porter.

(Sarah Intili)


X

Droit comme un soldat, il s'élève,

Soudain tournant en équerre,

Son pauvre moignon noir à l'air,

Sur son écorce coule encore sa sève.

(Mélissa Bertrand)


Petit platane nommé Pépi

Est frêle. Et ses branches volent au vent.

Il fait des signes à son papi

Vieux platane qui se trouve devant              

(Laura de Lorenzo)


Solveig

Ou est l'envol dans le viol ?

Platane cherche maison avec vue...

Sève survoltée en passe d'explosion zénithale

Le corbeau a ses raisons que la raison ignore.

(Eva de Hargues)


Fier aîné d'une grande lignée de frères,

Au corps tremblant pour les jours prochains.

Courbé vers ses modèles, ses pères,

Désespéré, il nous appelle, enraciné par son destin.

(Flavien Bellec)


Rebelle Terrifié

Seul et terrifié, observé et poursuivi par ses aînés,

Le frêle spécimen fuit le danger résistant à l'assaut d'une bourrasque,

Le chagrin le submerge et fissure peu à peu son masque,

Il ne peut vivre sans frères ni demeurer emprisonné dans cette dangereuse société.

(Kristina Kinn)


Y

Qu'ils s'inquiètent ceux qui marchent alourdis par la singularité 

d'être Quelqu'un : moi, je ne suis qu'un arbre (le troisième des petits platanes à droit de l'allée)

mais les nuages de Paris ne filent jamais dans mes rameaux sans que j'en pétris  

quelque lambeau aux flaques sales des fenêtres de la Galerie de Géologie.

(Valerio Adami)


Et encore des noms, quelque date, échardes de vies que rouille la pluie printanière,

gravées en série régulière, obstinée et monotone, sur ces bancs, et vaine, à l'infini,

Et encore enchanteresses les brises d'avril évoquent à mes branches des feuilles sans mémoire,

de nouveau sans mémoire ma sève coule l'obstination de la vie, et vaine, à l'infini.

(Valério Adami, 2 avril)


Vincent, dans la faiblesse de ta jeunesse, des béquilles te soutiennent

Tu es maugre et frêle et tes fruits ne sont pas encore tous tombés

Entouré de tes frères d'infortune, tu ploies sous les assauts du vent 

Gardien de galerie, d'une droiture exemplaire, tu nargues les bossus

(Pierre Duda)


L'Anticonformiste

L'arbre au moins y ressemblait-il
A ce qu'on désigna alors comme tel
Se vit soudain entouré d'ombres, de volatiles
Créant autour de lui des formes irréelles
Tantôt effrayantes ou bien solaires.

(Nicolas Dupoux)


Nu

A l’ombre de la galerie botanique,
L’arbre de Rodin te regarde d’un air critique.
Pluie, vent, soleil
Rien n’ébranle tes feuilles disparues.

(Floriane Larut)


Alceste la souche

Quel silence aujourd'hui dans cette atroce allée !

J'ai plongé dans la nuit, me voici libéré.

J'ai voulu les connaître et les en ai haïs.

L'enfer les hêtres ! la mort, le Paradis !

(Aleks Larrivière-Flohimont)


En rang

1.

Des jumeaux nous sommes

Alignés dans une allée

le vent dans les feuilles

2.

Pareils à des hommes

Ce liquide coule en nous

Robuste et fragile

(Salomé Soares)


Léo Stique

C'est l'arbre que les joggeurs ne remarquent pas

C'est celui dont on se moque tant il ressemble à un moustique.

Et pourtant, ses branches si fragiles et fines

Aspirent déjà à donner la vie à de tout nouveaux fruits.

(Pauline Beauleux)


Julius

d'un habit verdi tu trônes ici

tu pointes tes branche sur tous tes ennemis 

immense, biscornu qu'importe tu vis 

mystérieux, tu t'imposes sans compromis   

(Armonie Jamet)


Charlie

Je ne sais qui t'a nommé ainsi, arbre au tronc noueux

Ni qui t'a couvert de cicatrices, vieux guerrier de la ville

Ou encore qui t'a donné ce numéro, toi dont le toucher si soyeux

Me fait une impression aussi vive que tes branches croisées dans le 

ciel, au vent véritable île.

(Marine l'Hostis)


On me coupe au carré, reniant ma liberté,

Mes branches sont frustrées, elles veulent continuer à pousser

Pourquoi m'avoir planté en ces lieux étrangers ?

J'aurais été bien mieux dans une immense forêt.

(Ofra Lévy)


A l’ombre de la galerie botanique,
L’arbre de Rodin te regarde d’un air critique.
Pluie, vent, soleil
Rien n’ébranle tes feuilles disparues.  

(Floriane Larut)


Philémon

Crapaud pustuleux, muet, sourd et aveugle,

Philémon se dresse, grondant son petit-fils.

Sa tendresse est trahie par ses branchages osseux

Qui l'entravent à sa compagne, éternel amoureux.

(Bérénice Gruenais)


Tanathos

Sur sa fourche noueuse, nous nous posons,

Emblème phaléristique des tristes moissons.

Haut et sombre, de turgescences bardé,

Un tronc fort pour nos serres, c'est l'arbre des damnés.

(Arthur Foucaud)


les mêmes au printemps

Alors que ses camarades adultes ont sorti leur tenue printanière

Pépi bourgeonne à peine. Il n'a pas fait sa mue. Seules quelques 

feuilles lui poussent sur le menton.

Son papi, grand platane d'en face, ne cesse de lui dire qu'il a bien poussé

"Bientôt tu me dépasseras !" Lui dit-il.

(Laura de Lorenzo)


Je te retrouve et ta peau rafraîchit la mienne : nos deux écrans ne reçoivent pas la chaleur au même rythme.

Je te sens plus nu que moi, tes bras offerts et sages me font me sentir dans ma veste comme dans une prison.

Mais je me trompe : quand je me découvre, tu t'ornes ; tes toutes petites feuilles un jour m'habilleront d'ombre.

Et la fraîcheur un jour ne sera plus le toucher de l'écorce, mais celle de ta seule présence.

(Marie Fabry, Second quatrain au platane, atelier du 13 avril 2015)




mise à jour le 30 juin 2017


Â