Objectifs
À l’instar du « barbare », dont il faut cependant le distinguer, le « sauvage » est le produit d’une construction discursive, essentiellement occidentale, dans le cas de l’Amérique latine. Si, comme le rappelle Leopoldo Zea (Discurso sobre la marginación y la barbarie), c’est le logos qui produit le barbare, l’autre de la culture pour les Grecs, celui qui est hors la loi pour les Romains, ou encore celui qui n’a pas ou pas encore entendu le Verbe pour les chrétiens, le sauvage est caractérisé par son appartenance à un monde, à des formes de penser, de sentir et d’agir radicalement différentes, retranchées, de celles du « civilisé », plus proches de la « nature » (comme s’il existait une humanité échappant à la médiation symbolique…), dans un spectre qui va du « bon sauvage » au cannibale.
Il apparaît cependant que ces catégories sont réversibles, ou tout au moins, que les paradigmes qui régissent les représentations sont susceptibles de multiples déplacements. Nous nous proposons donc d’analyser, au cours du séminaire, les différentes constructions discursives qui, en Amérique latine, président à ces configurations, celles de la « figure » du sauvage autant que les délimitations des « territoires » de la sauvagerie.
L’histoire des discours tenus sur le sauvage et la sauvagerie en Amérique latine est déjà longue. Nous nous attacherons à en examiner quelques modalités telles qu’elles se sont construites à partir du 19ème siècle en particulier. Plusieurs champs peuvent étayer cette démarche, depuis les discours législatifs, administratifs ou étatiques, aux approches ethnologiques ou anthropologiques en pasant par les approches artistiques et littéraires, sans que ces divisions soient étanches, avec de nombreux cas de polygénérisme textuel.