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le 7 mars 2023
Dans une salle de cours comme sur le terrain, les formes de violence - en particulier symboliques -, prises dans les rapports sociaux, les postures politiques ou encore les logiques de pouvoir ne se cantonnent pas uniquement à des perspectives théoriques et analytiques. Que les interlocuteur·ices sur le terrain et/ou les étudiant·e·s en soient acteur·ice·s ou récepteur·ice·s, ces violences prennent, indéniablement, une dimension concrète, qui se noue dans les relations sociales construites autour du travail de recherche ou d’enseignement. Elles prennent forme tant au moment de la production que de la transmission des connaissances. Nous sommes tou·te·s, doctorant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, chercheur·e·s en sciences humaines et sociales, pris·e·s dans ces enjeux multiples L'intention de cette journée est d'interroger et de proposer des réflexions autour de la déontologie dans les différents pans des métiers de la recherche, notamment dans l'enseignement et dans l'enquête. Ces deux axes comportent des enjeux distincts, dont les frontières sont parfois poreuses. Dans cette perspective, l’idée n’est pas de chercher une méthode, mais bien d’ouvrir un espace de dialogue et de partage d’expériences autour de deux facettes des métiers de la recherche.
Axe 1 : Transmettre des savoirs et construire une relation d’enseignement
Les pratiques d’enseignement à l’université sont moins discutées entre membres de la communauté académique que la conduite d’une enquête ethnographique. Pour autant, la diffusion de perspectives théoriques et analytiques, comme celles qui portent sur les rapports sociaux de genre, race et classe, renouvellent des questions axiologiques, autour de l’engagement des chercheur·se·s et de la manière d’enseigner en sciences humaines et sociales. Dans un contexte où les travaux scientifiques sont discutés et considérés comme controversés dans certains champs politiques et médiatiques, comment se positionner sur ce qui peut parfois apparaître comme une ligne de crête entre polémique et politique (Mazouz, Lépinard, 2019) ? En d’autres termes, comment enseigner des sujets qui sont au cœur de débats de société (Fassin, Viveros Vigoya, 2019) ? Si ces interrogations semblent particulièrement saillantes aujourd’hui, elles sont finalement inhérentes à l’exercice complexe qu’est l’explication et l’objectivation de la réalité sociale au sein de laquelle nous sommes toutes et tous pris·e·s (Fassin, 2017; Vassy et Keller, 2008). Comment parler des rapports sociaux et des logiques de domination qui peuvent être le quotidien des étudiant·e·s (Guiraud, Colin, 2019) ? Comment parler de race, de sexe, de classe sans brusquer, sans enfermer ou encore sans réifier des catégories ? Comment, d’une part, mettre en lumière les mécanismes de production et de reproduction de pouvoir et, d’autre part, ne pas construire des places de “victimes” ou de “dominant·e·s” ? En tenant compte de ces débats, comment articuler pédagogie, didactique et éthique ? Comment faire circuler ces savoirs en dehors des frontières académiques ?
Axe 2 : Se positionner dans l'enquête et sur le terrain
Du terrain à la publication des données, le·a chercheur·se se trouve confronté·e à diverses questions déontologiques, comme par exemple celles liées à sa position dans l'espace social, à sa place dans les rapports de pouvoir, ou encore à ses convictions. L'objectif de cette table est d'interroger la manière dont ces questions conditionnent la conduite d'une enquête ethnographique, mais aussi d'en tirer des enseignements sur ce que les relations d'enquête nous disent du terrain et de l'objet en lui-même (Bizeul, 2007).
Nous invitons les participants à interroger comment enquêter quand la violence est prégnante et à faire face aux questionnements moraux que cette violence pose et aux dilemmes éthiques qu’elle sous-tend. Jusqu’où vouloir savoir ? Quand on évolue dans et que l’on explore l’illégalité, il est courant d'avoir accès à des informations délicates, voire sensibles, qui peuvent mettre à mal le contrat tacite de protection du chercheur·se envers ses enquêtés (Laurens, Neyrat, 2010; Weber, 2008). Alors, comment mener un travail empirique sans mettre en danger ses sources? Il est également courant de rencontrer des personnes dont les trajectoires de vie sont marquées par la précarité, la pauvreté ou des événements traumatiques. Dans ce cadre, comment accueillir la parole des personnes en situation de vulnérabilité ? Puisque l’enquête ethnographique se base sur un engagement dans des “relations sociales concrètes” (Ogien, 2001, p.72), comment se positionner entre liens affectifs et risques “d’encliquage” (Olivier de Sardan, 1995) ? Dans la continuité de ces questionnements, comment enquêter avec des personnes opposées à nos propres convictions (Avanza, 2008) ? Comment produire des connaissances sur "l'intolérable" ? Enfin, même si la violence ne constitue pas l’objet de la recherche en soi, elle ne peut pas être occultée et se retrouve bien souvent dans les relations d’enquête. Cela implique de prendre en compte mettre en relief les rapports sociaux de sexe, de classe et de race sur le terrain, ainsi que les formes de violence qui peuvent être subies et/ou produites. Comment protéger ses enquêté·es et leurs données tout en donnant sens aux rendant compte fidèlement des dynamiques observées ? Comment et quoi restituer ? En abordant ces différents sujets, il s’agira alors d’interroger la coproduction de ces rapports de domination en situation d’enquête.
mise à jour le 1 février 2023