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L'UNESCO attribue une chaire à Divina Frau-Meigs

le 23 septembre 2013

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  • Divina Frau-Meigs pouvez-vous vous présenter ?

J’ai une formation très classique au départ, que j’ai enrichie par la suite afin de rester au plus près d’une recherche trans-disciplinaire sur les écrans, mon objet d’intérêt principal. Je suis normalienne de l’ENS Fontenay, agrégée d’anglais, avec pour spécialités d’origine la sociologie des médias anglophones et les modes d’apprentissage par les médias sur les médias. Grace à l’obtention d’une bourse Fulbright puis d’une bourse Lavoisier, j’ai pu faire, respectivement, un master éducation-communication à l’université de Stanford (Palo-Alto) et un master en communication à l’Annenberg School for communication (Université de Pennsylvanie, Philadelphie). J’ai obtenu une thèse de doctorat de l’université Panthéon-Assas, comparant les contenus de dix systèmes télévisés dans le monde et les transferts culturels y attenant. J’ai ensuite fait mon habilitation à diriger des recherches à l’université Sorbonne Nouvelle, sur les sous-cultures des écrans.

A la Sorbonne Nouvelle, je suis la directrice du CREW (EA 4399), groupe de recherche international sur les mondes anglophones, où je coordonne l’axe sur les médias dans la mondialisation. J’ai créé et je dirige le master pro AIGEME (Applications Informatiques : Gestion, Education aux Médias, E-formation), avec une double spécialité, « ingénierie de la formation à distance » et « ingénierie de l’éducation aux médias ». Je pilote le projet ANR TRANSLIT qui travaille sur la notion de trans-littératies (intégrant perspectives documentaires, médiatiques, informatiques et didactiques). J’ai fondé la revue InMedia, accessible sur revues.org, pour publier en anglais les recherches françaises dans le domaine des médias anglophones (en comparaison avec les autres aires culturelles, notamment francophone, hispanophone et arabophone).

  • Quels sont vos objets de recherche ?

Mon objet de recherche principal porte sur les écrans, dans toutes les étapes de la chaîne d’information-communication : leur invention en laboratoire, leur design industriel et social, leurs contenus (à risque tout comme à succès) et leur impact sur les usagers (notamment les jeunes). A partir de cet objet essentiel à notre environnement médiatique ambiant, j’ai développé plusieurs pistes de recherche, toujours avec un sens de leur utilité publique et des retombées en savoirs médians, pour le grand public et le public des professionnels (de l’enseignement, de la documentation, de la jeunesse…) : les réseaux d’acteurs autour des écrans, les modes de (co-)régulation, les contenus et comportements à risque (violence, pornographie, publicité…), les questions de réception et d’usage des technologies de l’information et de la communication (paniques, identité, diversité culturelle, cognition) et au bout de tout cela, l’éducation aux médias (cognition, co-construction, e-learning, apprentissages…). Ces pistes sont la plupart du temps traitées sur le mode de la comparaison internationale, même si je considère que les pays anglophones sont un creuset et un laboratoire d’innovations et d’expériences incontournables dans le domaine.
 

  • Vous venez de vous voir attribuer une chaire par l'Unesco : en quoi consiste-t-elle et qu'est-ce que cela représente pour votre travail de recherche, dans votre quotidien d'enseignant-chercheur ?

Cette chaire est à la fois la reconnaissance d’un parcours de recherche que j’ai systématiquement orienté vers le développement et la solidarité internationale et l’ouverture de tout un domaine de recherche en éducation et en info-communication, le savoir-devenir.   Elle s’intitule « Savoir-devenir à l’ère du développement numérique durable : articuler usages et apprentissages pour maîtriser les cultures de l’information ». Le savoir-devenir s’ajoute aux quatre grands domaines éducatifs existants, à savoir le savoir et le savoir-faire, l’être et le savoir-être. Ces domaines ont été définis au cours du 20ème siècle, pour répondre à une vision de l’école moderniste et centrée sur la transmission et l’instruction. Ils nécessitent d’être enrichis au cours du 21ème siècle, pour répondre à une vision de la pédagogie centrée sur la cognition et la construction des savoirs, autour des apprentissages rendus possibles par les écrans numériques. Le savoir-devenir se caractérise par des activités finalisées et des compétences et habiletés d’un ordre complexe : la mise à jour de soi, la projection révisée, la modélisation ludique et l’engagement citoyen. Il vise à inscrire l’apprenant dans le contexte actuel de construction du développement humain, appuyé sur les TIC et les cultures de l’information, ce que j’appelle le développement numérique durable. 

La chaire se situe dans le prolongement du projet ANR TRANSLIT que je dirige et forme un réseau avec les partenaires que sont l’ENS Cachan et les universités de Bordeaux et de Rouen. Elle vise à définir les translittératies et à les inscrire dans les enjeux socio-économiques qui relèvent de la maîtrise des cultures de l’information, notamment l’éditorialisation des contenus et leur transférabilité d’un support à un autre mais aussi d’une culture à une autre. Elle apporte une contribution au développement numérique durable, et s’inscrit dans les préconisations de l’UNESCO sur les Sociétés du Savoir (Knowledge Societies), au-delà du paradigme dominant actuel de « Société de l’Information » (Information Society).  

Elle répond aux attentes de l’UNESCO en matière de coopération originale (nord-sud et nord-sud-sud) réunissant la Sorbonne Nouvelle dont elle relève, la Commission nationale pour l’UNESCO et toute une série synergies et de partenariats nationaux et internationaux (avec la société civile, le secteur privé mais aussi des ONG comme IFLA ou des organismes inter-gouvernementaux comme l’Agence Universitaire de la Francophonie ou le Conseil de l’Europe).

Au niveau de son application, elle propose un programme intégré d’activités de recherche et de formation comprenant un volet « information et documentation ». Elle a une dimension internationale appelant le renforcement de coopérations et de réseaux interuniversitaires. Elle repose sur une approche interdisciplinaire et va travailler avec d’autres chaires, notamment la chaire MILID et la chaire ORBICOM.  

Dans le quotidien de l’université, elle devrait être un espace de liberté où les chercheurs pourront inscrire des projets inédits, rechercher des financements spécifiques (région, Union Européenne,…), échanger de manière informelle sur les méthodologies de recherche, envisager les retombées en savoirs médians, par le biais des masters recherche et pro de la Sorbonne Nouvelle, pour faire passer auprès des enseignants et formateurs les résultats de leurs travaux. Nous allons bientôt constituer son conseil scientifique et nous espérons que de nombreux collègues nous rejoindrons dans cette aventure propice aux humanités numériques.

  •  Un conseil aux étudiants ?
Formez-vous au plus vite aux cultures de l’information par le biais de la transittératie. Ne soyez plus simples consommateurs des médias mais appropriez-vous les écrans pour y exprimer votre créativité et maîtriser votre engagement citoyen.
Les sciences humaines et sociales ont de beaux jours devant elles si elles pratiquent le savoir-devenir.

Type :
Portrait

mise à jour le 8 mars 2015


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