La notion d’improvisation questionne l’action en général et plus précisément l’agir professionnel de l’enseignant de langue. De manière courante, improviser un cours est vu comme une contrainte, et un cours improvisé comme le résultat d’un manque de préparation. L’improvisation dans l’enseignement se voit ainsi affubler d’une dimension péjorative. Et pourtant, les « moments improvisés » sont partie prenante de l’action enseignante. Dans les travaux qui y ont été consacrés, l’improvisation y est, en effet, vue comme une co-création (Sawyer, 2004), témoin de la co- configuration de la situation de classe entre enseignant et apprenants et intégrant à la fois des événements interactionnels imprévus, de nécessaires ajustements de la planification de cours, des micro-décisions ainsi que les dimensions créatives relatives à l’appropriation de l’environnement matériel (les artefacts) (Azema & Leblanc, 2014). Cette description de l’improvisation enseignante ne se fait pas sans considérer dans le même temps la mobilisation de schèmes et d’habitus propres à l’action enseignante (Perrenoud, 1983). L’improvisation est par ailleurs liée à un “savoir percevoir” (Runtz-Christian, 2000) et une nécessaire attention à la situation.
Dans l’enseignement des langues, l’improvisation se manifeste notamment par des phénomènes de détopicalisation (Cicurel, 2011) initié par les apprenants ou pour l’enseignant. Le thème initial de l’échange est dévié au fil de l’interaction, de sorte qu’un décrochement se produit par rapport à ce que l’enseignant avait planifié. Mais un des enjeux même du cours de langue étant de faire parler les élèves, la détopicalisation peut être saisie comme une occasion d’apprentissage à partir de laquelle l’enseignant va improviser.
Questionner l’improvisation dans l’enseignement permet, de manière transversale, de s’intéresser aux « dimensions créatives de l’agir » au centre des pratiques improvisées dans les domaines artistiques (Bachir-Loopuyt et al., 2010 : 6). Dans la suite des travaux de Azema et Leblanc (2014), nous nous intéressons plus particulièrement aux relations qu’entretiennent les enseignants de langue en formation initiale aux moments qu’ils considèrent comme improvisationnels.
La réflexivité est au centre d’une analyse des pratiques improvisées (Perrenoud, 1996). Au-delà d’une nécessaire « description-compréhension des cours d’expérience », il s’agit surtout d’interroger les processus qui s’activent entre d’une part la pratique composée dans l’instant et d’autre part la mobilisation des répertoires didactiques de l’enseignant, pour envisager une « formation à l’improvisation » en particulier en formation initiale.
Le cycle de travail engagé dans le cadre du séminaire IDAP depuis octobre 2022 a permis aux chercheur.e.s qui y ont participé de s’emparer de ces questions, en mobilisant notamment des travaux sur la thématique dans une dimension pluridisciplinaire et sur l’analyse d’interactions de classe et de discours d’enseignant.e.s enregistrés et transcrits. Ces séances ont permis aux participants d’appréhender de manière plus fine la catégorie pluridimensionnelle et pluridisciplinaire de l’improvisation, de la nourrir en envisageant une réflexion avec des notions connexes que sont la projection et les émotions et de mettre en perspective ces réflexions avec la formation d’enseignant.e.s dans laquelle sont impliqués plusieurs participant.e.s. Différentes dimensions de l’improvisation ont ainsi été questionnées à partir des corpus, notamment le lien à la temporalité de l’improvisation (du temps bref de l’actualisation des projections et des préparations en situation d’enseignement aux temps longs et biographiques des récits d’expériences improvisées en passant par le temps historique des représentations sociales de l’improvisation) et la place du contexte.
À travers ses échanges et ses analyses, le groupe s’est posé en particulier les questions suivantes :
- Qu’envisage-t-on quand on parle d’improvisation dans l’enseignement des langues : des moments qui échappent à la projection, aux plans ?
- Comment former à l’improvisation ou plus exactement à une compétence d’improvisation ?
Ce colloque a pour but de nourrir la réflexion sur la formation à l’improvisation en faisant dialoguer les didacticien.nes des langues avec des acteurs et actrices du domaine artistique (théâtre, musique, danse) impliquées dans les pratiques improvisées et leur enseignement.
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