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du 20 juin 2018 au 22 juin 2018
Les intervenants, venus de différents espaces géopolitiques et linguistiques, pourront ainsi confronter analyses et expériences, et considérer la portée de la méthodologie de Spivak dont le caractère non-dogmatique s’appuie sur des « quasi-concepts », comme les nomme Etienne Balibar qui en compte au moins cinq :
- la notion de « subalterne », empruntée à Gramsci, qui désigne ainsi une catégorie de population et une position sans identité, donnant lieu aux subaltern studies c’est-à-dire à l’étude des processus de mise au silence et de refoulement des minorités (femmes, minorités ethniques, pauvres du « quart monde ») ;
- la notion de « voix » qui opère la déconstruction des représentations du sujet et permet d’entrer dans le champ de l’ « écriture » où se jouent contraintes et dominations mais aussi les possibles « transactions entre idiomes hétérogènes » ;
- la réflexion sur les modalités de la « subjectivation », de la « politique culturelle » et sur les affrontements entre apprentissages (learning) et désapprentissages (unlearning) ;
- la « stratégie » qui est un autre mot-clé chez Spivak pour toute déconstruction d’une domination, c’est-à-dire toute stratégie d’émancipation où il y va moins de pragmatisme que de fiction et de performativité ;
- « planétarité » qui est le terme que Spivak préfère au convenu « cosmopolitisme », conférant une dimension écologique et énergétique aux rapports des humains. Cependant, elle développe également, qu’elle oppose à l’uniformisation de l’Etat-nation, la notion de « régionalisme critique », ce qui permet de penser des situations juridiques et socio-culturelles mouvantes et instables ; d’élaborer une réflexion mobile, transfrontalière.
La volonté de procéder de façon souple, selon des approches en traduction-translation et dans une cohérence sans rigidité, donne à cette pensée en mouvement un impact fort dans les domaines artistiques, privilégiant notamment la performativité, les fictions, la littérature. Et dotant l’imagination d’une puissance critique.
Les rencontres de Paris entendent aussi poursuivre les ouvertures pratiquées par Gayatri Chakravorty Spivak, et faire valoir en quoi ce travail pionnier – pratique, théorique, spéculatif, champ de la création – peut frayer la voie à des recherches et actions conséquentes. Ainsi des dispositifs concernant l’éducation ; du déplacement des moyens de déconstruction dans l’espace géopolitique ; de la lecture des sans-voix dans la littérature contemporaine ainsi que dans les écrits postcoloniaux (sans oublier le rapport singulier de Spivak à l’œuvre d’Assia Djebar), ou encore de ses positions quant à la littérature indienne contemporaine. Sans oublier ses travaux plus récents autour de W.E.B. Dubois, historien et écrivain, figure majeure des premières luttes pour les droits civils des Africains-Américains.
Bref, ce qu’il s’agit de penser, avec Gayatri Chakravorty Spivak, et qui fait le fond même des questionnements aujourd’hui, ce sont les termes d’une nouvelle « sécularisation » du politique, en dehors des catégories de l’humanisme traditionnel.
mise à jour le 29 mai 2018