Organisation :
Anne Régent-Susini et
Adrien Paschoud (Université de Bâle, Suisse)
PrésentationComment faire voir ce qui n’est plus ? Comment faire visualiser le devenir temporel, voire le temps lui-même ? Dans la lignée de la réflexion menée depuis l’Antiquité sur la place de l’enargeia (la vision évidente) et de la synopsis (la vision englobante) dans l’écriture de l’histoire, ces interrogations prennent un relief particulier au cours des 17e et 18e siècles, à un moment où se dessinent, sous l’impulsion de divers facteurs, les traits d’une philosophie de l’histoire promise à un avenir décisif, et où les notions de progrès ou de perfectibilité, ou encore celle de processus organique, se substituent progressivement – quoique non systématiquement – à celle de Providence. La marche de « l’esprit humain » façonne une « vision renouvelée de l’historicité humaine » (Jean Dagen) qu’accompagne l’érosion, la transposition ou la radicale mutation des grandes métaphysiques de l’âge classique. La sécularisation des sciences historiques (dont témoigne l’Encyclopédie) ouvre de fait à une exploration du champ historiographique : histoire événementielle bien sûr, mais aussi histoire des sciences et des techniques, histoire des arts, de la littérature et des langues, l’histoire des académies, chronologies comparées… Certains récits historiques développent une véritable épistémologie critique, dans laquelle la question de la représentation du temps tient une place centrale : comment traduire en mots, en récits, le savoir historique ? Comment coordonner, dans le discours historiographique, les chronologies ? Comment représenter l’origine (formation de la terre, origine des sociétés, origine du langage, naissance des arts, histoire naturelle de l’esprit, etc.) ?
Cette journée d’étude voudrait explorer ces questions en s’attachant principalement à la période qui mène des traités jésuites de Pierre Le Moyne et René Rapin, théoriciens d’une histoire encore presque exclusivement rhétorique (De l’histoire, 1670 ; Instructions pour l’histoire, 1677) à la publication de l’Encyclopédie (1751-1765) de Diderot et de D’Alembert, en passant notamment par le Discours sur l’Histoire universelle de Bossuet (1681) et l’Essai sur les mœurs (1756) de Voltaire.
Programme9h : Accueil des participants
Présidence : Bernard Teyssandier (Université de Reims)
9h15 : Dinah Ribard (EHESS) : Faire voir l'histoire, voir le passé
10h : Mathilde Bombart (Université Versailles-Saint-Quentin) : Voir ou ne pas voir ? ce que le portrait fait à la mazarinade
10h45 : pause
11h : Christian Jouhaud (EHESS), Pratiques historiographiques : de la figuration à l'usage du passé.
11h45 : Béatrice Guion (Université de Strasbourg) : Faire voir les arcana
12h30 : déjeuner
Présidence : Christophe Martin (Université Paris-Sorbonne)
14h : Olivier Leplatre (Université Lyon II) : Le Grand Théâtre historique de Gueudeville
14h45 : Leo Catana (Université de Copenhague) : Socrates in Diderot’s Encyclopédie : Brucker’s Historia critica philosophiae (1742-1744) as a source
15h30 : pause
15h45 : Myrille Mericam (Université Lyon II) : « Fai[re] de ce chaos un tableau général » : réflexions autour de l’Essai sur les mœurs de Voltaire
16h30 : Marc Hersant (Université Sorbonne nouvelle) : La scène dans le récit historique au XVIIIe siècle : les exemples de Saint-Simon et de Voltaire
17h15 : Pierre-Antoine Fabre (EHESS) : Écrire le grand récit de la Compagnie de Jésus à la veille de sa suppression (1750-1770) : une vision de l'histoire ?