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ED267 2023/2024 Séminaire Paris-Montréal 2024

Séminaire doctoral conjoint en études cinématographiques et audiovisuelles


Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques (Université de Montréal) et Département Cinéma et audiovisuel & ED 267 (Université Sorbonne Nouvelle)

Coordination : Emmanuel Siety  emmanuel.siety@sorbonne-nouvelle.fr

Ouvert aux doctorant-e-s et étudiant-e-s de Master cinéma et audiovisuel.

Ce séminaire co-organisé par l’École doctorale 267 de la Sorbonne Nouvelle et l’Université de Montréal propose les interventions de quatre enseignants-chercheurs, deux de l’Université de Montréal et deux de l’Université Sorbonne Nouvelle. Pour les étudiants de master qui choisissent ce séminaire, l’évaluation porte sur la réalisation de deux synthèses mettant en avant le contenu des séances, les perspectives méthodologiques et de recherche pour les deux séries de cours proposées par les enseignants canadiens (4 pages maximum pour chacune des synthèses). 




Séminaire 1 : Térésa Faucon, Unversité Sorbonne Nouvelle 


inscription auprès de teresa.faucon@sorbonne-nouvelle.fr à partir de début janvier 2024

3 séances de 15h à 17h en bi-modal

Mardi 23 janvier 2024 
  salle Claude Simon
Mardi 30 janvier  salle Claude Simon
Mardi 6 février  salle du conseil

Maison de la Recherche 4, rue des Irlandais 75005 Paris 

« Le goût du film »

Que le spectateur puisse apprécier la saveur du film, Peter Kubelka (professeur en cinéma et cuisine à l'école des Beaux-Arts de Francfort) l'a souvent rappelé lors de ses conférences-performances. Pour ne citer ici qu’un seul de ses arguments, le film se goûte à la cadence d’un met, par bouchée ou photogramme. Le lien mystérieux entre le spectateur et l’écran a souvent fait l’objet de métaphore imageovore. Parmi les plus marquantes : celle de Jean Epstein définissant notre rapport au gros plan – « Jamais encore un visage ne s’est ainsi penché sur le mien. Au plus près il me talonne, et c’est moi qui le poursuis front contre front. Ce n’est même pas vrai qu’il y ait de l’air entre nous ; je le mange. Il est en moi comme un sacrement. Acuité visuelle maxima[1]. » Le film mobilise tous nos sens, vue, écoute, toucher, mouvement, cela a souvent été commenté mais aussi goût et odorat (ce qui reste encore à explorer pour le cinéma après les travaux pionniers d’Olivier Leplâtre et ses essais d’iconophagie dans l’histoire de l’art).

Les coïncidences terminologiques entre cinéma et cuisine sont nombreuses (insert, fondant, fondu, conversation, émulsion...)  et invitent à rapprocher formes filmiques et formes culinaires d’autant qu’ils partagent certains modes de composition par contraste ou conflit dirait Eisenstein (comme les bien connus sucré-salé, chaud-froid, aigre-doux), art de la coupe et de la découpe (qui augmente la palatabilité des aliments et la saveur des plans), Ce séminaire serait l’occasion de repenser pleinement la synesthésie de l’expérience spectatorielle des films et de découvrir toute une histoire théorique et pratique parallèle encore trop méconnue. On doit à l’avant-garde de nombreuses expérimentations culinaires et des analogies entre certains aliments et la pellicule (voir Tony Conrad entre autres). L'origine animale de la pellicule et plus précisément de son émulsion contenant de la gélatine a été commentée par plusieurs cinéastes dont Hollis Frampton et Claudio Pazienza. Les recettes d’émulsion comme de bains de développement avec des aliments comestibles font partie des recherches pour s’émanciper de la dépendance aux modes de production industriels des pellicules, trouver des solutions alternatives aux arrêts de fabrication de l’argentique, renouvelées aujourd’hui par les propositions de modes écologiques (avec notamment les recherches d’émulsion vegan). On doit aussi à de nombreux films de différents horizons géographiques, des « moments gustatifs » pensés sur le mode de l’attraction cinématographique que les analyses permettront de développer.

Ce séminaire est proposé dans le cadre de mes derniers travaux qui relèvent de la recherche-création et ont fait l’objet de workshop à l’Ecole nationale supérieur des Beaux-Arts de Reims (département de design culinaire), et de conférences performées autour de la saveur du film. Il serait donc aussi l’occasion de discuter avec les étudiant·e·s des modalités et du processus de ce type de recherche.

 

 

[1] Cf « Grossissement », février-mars 1921, in Écrits, tome 1, Seghers, 1974, p. 98.


Séminaire 2 : Marion Froger, Université Sorbonne Nouvelle 


3 séances de 10h à 12h en bi-modal

Lundi 26 février 2024 
  salle Claude Simon
Mercredi  28 février salle Claude Simon
vendredi 1er mars  salle  Claude Simon 

Maison de la Recherche 4, rue des Irlandais 75005 Paris 

vous devez vous inscrire auprès de 
marion.froger@umontreal.ca

La scène de cinéma comme « opérateur » de la pensée du « liant », de la révolution psychiatrique à l’écosophie de Guattari et la « souciologie » d’Isaac Joseph. 

Dans un court article inséré dans la compilation des écrits de Deligny, Anne Querrien parle d’une fascinante constellation intellectuelle entre des foyers d’innovation importants de l’après-guerre en France à travers les liens de leurs principaux animateurs : la pédagogie de Freinet, la psychiatrie institutionnelle d’Oury, la philosophie du désir de Deleuze/Guattari et la sociologie de l’urbanité d’Isaac Joseph. À l’appui de cette idée, elle décrit des phénomènes de pollinisation de concepts - entre Freinet et Deligny, Deligny et Guattari/Deleuze, Deligny et Joseph. Mon propos sera donc de revenir sur ce phénomène de pollinisation en intégrant un nouveau facteur, le cinéma, pour comprendre la manière dont se sont construits quelques concepts-clés de cette constellation. Ma recherche se focalisera sur la notion de « scène » et empruntera trois pistes :  

- La scène pro-filmique en tant que terrain d’expérimentation sociale au travers de la relation filmeurs/filmés dans le proto-cinéma direct de Ruspoli/Tosquelles à Saint-Alban.

- La scène diégétique qui offre au spectateur une expérience d’accompagnement, distincte des processus d’identification et de projection de soi (Deligny et le cinéma moderne)

- Les caractéristiques formelles de la scène cinématographique en tant que « trame » des concepts de Joseph et Guattari portant sur le « liant » et le « désir de socialité ».

Chacune de ces pistes sera explorée au cours des trois séances du séminaire et étayée par de nombreuses analyses de scènes de films documentaires et de fiction. Ce sera l’occasion de mettre en valeur la cinéphilie de ces penseurs – qui n’hésitent pas eux-mêmes à recourir à leur mémoire cinématographique – pour interroger les puissances propres du médium.

Bibliographie

Mireille Berton, « Regard sur la folie : poétique et politique de la folie et du cinéma », Décadrages [En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 10 avril 2012, consulté le 08 décembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/decadrages/216

Vincent Bouchard, « Dispositif léger et synchrone appliqué : le tournage direct de Mario Ruspoli », Décadrages, 18 | 2011, 86-99.

Fernand Deligny, « Acheminement vers l’image », texte inédit, 1982, repris dans Fernand Deligny, Œuvres, Éditions l’Arachnéen, 2008.

Fernand Deligny [1983] « Camérer », in Camera/Stylo, Septembre 1983, repris dans Fernand Deligny, Œuvres, Éditions l’Arachnéen, 2008

Gilles Deleuze [1985]. L’image-temps. Cinéma 2. Éditions de Minuit.

Félix Guattari [inédit de 1979, publié en 2011], Lignes de fuite, pour un autre monde de possibles. La Tour d'Aigues : Éd. de l'Aube.

Félix Guattari [1989, nouvelle éd. 2011], De Leros à La Borde, Ligne, Paris, IMEC.

Isaac Joseph [1984]. Le passant considérable. Essai sur la dispersion de l’espace public. Paris : Librairie des Méridiens

Isaac Joseph 2007 [1980]. « Résistances et sociabilités », p. 112 à 132 dans Isaac Joseph, L’athlète moral et l’enquêteur modeste (compilation d’articles), Economica.

Isaac Joseph, « Le migrant comme tout venant » [1997], dans L’athlète moral et l’enquêteur modeste, Paris, 2007, Économica, p. 216

Isaac Joseph [1998], La ville sans qualités, Editions de l’aube, sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3322704j/f6.item.

Silvia Maglioni et Graeme Thomson (dir.) [2012], Un amour d'UIQ : scénario pour un film qui manque / Félix Guattari. Paris : Éd. Amsterdam.

Anne Querrien [2014], « Un radeau laisse passer l’eau », dans Fernand Deligny, Œuvres, p. 1225 à 1230

Martin de la Soudière, Sur les traces de Mario Ruspoli. En Lozère, retour sur les Inconnus de la terre, Yellow know, côté cinéma, Crisnée, 2013

 

 

Séminaire 3 : Guillaume Soulez, Université Sorbonne Nouvelle


3 séances de 15h à 17h 

Lundi 18 mars
salle Claude Simon
Lundi 25 mars
salle Claude Simon
Mercredi 27 mars  salle du conseil

séminaire en bi-modal vous devez vous inscrire auprès de  guillaume.soulez@sorbonne-nouvelle.fr

Maison de la Recherche 4, rue des Irlandais 75005 Paris

Médium, Média
à l’endroit du cinéma et de l’audiovisuel

C’est en travaillant sur les « formats », accusés de tous les maux, notamment dans le champ professionnel du documentaire en France autour des années 2000 (non sans raison...), que l’importance de la part du médium au sein des médias a resurgi de façon nouvelle, alors même que le médium du cinéma (des images en mouvement sonorisées) s’émancipait des supports traditionnels pour migrer dans le vaste monde numérique, posant précisément la question de la survivance du « média » cinéma. Parallèlement, le « cinéma exposé » (dans les galeries et les musées) et le mouvement de certains cinéastes vers l’installation vidéo interrogeaient le lien peut-être non nécessaire entre le médium et son lieu (salle de cinéma ou salon familial). Cette conjonction paradoxale, à la croisée entre cinéma, télévision et web, obligeait à reprendre de vieilles questions avec de nouveaux outils.

Contrairement à « commande » ou « contraintes », par exemple, et de façon plus explicite que « standard » ou « convention », l’idée de format, comme son nom l’indique, repose sur une question proprement formelle, d’où son caractère sensible voire épineux, comme si le média (par exemple en imposant une voix-off) s’immiscait dans la forme même, là où « détourner une commande » offrait une manière traditionnelle de maintenir un jeu formel qui semblait plus libre, de « jouer avec les contraintes ».

En décomposant alors la notion de « dispositif », qui articule un lieu, un médium (sous différents aspects) et un média, il est possible d’ouvrir la boîte noire du cinéma, de la télévision ou des « nouveaux médias » et de comprendre comment s’articulent différentes dimensions qui relèvent de l’un ou de l’autre. Dans un second temps, il faut comprendre à quoi sert, finalement, un dispositif, compris comme un système de réglage. La troisième étape est de resaisir l’ensemble de la démarche non plus du point de vue des machines mais du point de vue des usages, qui sont en réalité le point de départ des bouleversements actuels (changements de supports, évolutions des pratiques) dans la mesure où les spectateursusagers emboîtent le pas aux nouvelles offres, non sans trouver, à leur tour, des espaces de jeu.

Ce séminaire se donne pour objectif 1/ principalement, de présenter l’état de cette recherche aujourd’hui sur médium et média en la situant à la croisée de plusieurs champs d’étude (esthétique et théorie du médium, études cinématographiques et audiovisuelles, théorie des médias, archéologie et histoire des médias audiovisuels), et au sein de l’état de l’art actuel sur ces questions, ainsi que de présenter les prochaines étapes qu’on peut envisager, 2/ tout en essayant, de faire comprendre, d’un point de vue méthodologique, comment se construit progressivement une question théorique (les travaux sur lesquels s’appuie ce séminaire ont commencé à être publiés en 2009 et se poursuivent aujourd’hui) et les réponses qu’on peut y apporter, étape par étape.


Séminaire 4 Serge Cardinal, Université de Montréal 


3 séances de 10h à 12h 
 
Mardi 16 avril 2024
Mercredi 17 avril
Jeudi 18  avril 

Séminaire en bi-modal
inscription auprès de serge.cardinal@umontreal.ca

salle Claude Simon
Maison de la Recherche 4, rue des Irlandais 75005 Paris

« Richard Jewell : Richard Jewell ? » : pour une épellation mimétique des films

 Dans Théorie esthétique, Theodor W. Adorno affirme que la musique impose un mode d’interprétation des œuvres qui vaut pour toute autre pratique artistique : comprendre une œuvre consiste à se rendre semblable à elle, à imiter ses courbes dynamiques, à épeler sa langue nécessairement étrangère, et à donner ainsi voix à ses contretemps, à son inadéquation à elle-même et aux thèmes dominants : sociaux, politiques, artistiques, théoriques. Interpréter une œuvre exige une imagination exacte du singulier, qui parcourt le matériau présenté pour en produire le double ou le simulacre dans un texte esthétique — à ne pas confondre avec un texte de fiction. Dans Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage, Stanley Cavell adopte une position comparable : la lecture des films qu’il pratique est, écrit-il, apparentée à l’interprétation musicale, et notamment parce qu’elle consiste à rendre compte de la manière dont un film se pense lui-même, et à montrer comment, par ce geste même, il pense les matériaux et les figures du cinéma, sa projection de notre monde ordinaire. Interpréter un film exige qu’on le laisse éduquer notre expérience esthétique, et qu’on le laisse ainsi nous accompagner dans la découverte de l’inner agenda de notre culture. N’est-ce pas la même idée que Clint Eastwood met en scène dans Richard Jewell (2019) : le personnage principal de son film ne pourra faire entendre sa voix ou la vérité de son existence qu’à la condition de donner la meilleure interprétation de lui-même. C’est cette musicalité de l’analyse filmique que nous explorerons : si interpréter une œuvre musicale, c’est la jouer, peut-on imaginer que l’analyse et l’interprétation d’un film puissent consister à se rendre semblable à lui, à le mimer, à le jouer ? Il se pourrait que les pratiques musicales de la transcription ou de l’arrangement servent ici de modèle. Cette musicalité de l’analyse filmique repose en grande partie sur la capacité de la description à dédoubler le film pour mieux l’analyser et l’interpréter ; c’est pourquoi notre exploration devra déterminer quel type de dédoublement produit l’épellation mimétique, et ce, en inscrivant son moment descriptif dans un champ de tension. Quels rapports entretient l’épellation mimétique avec la longue tradition de l’ekphrasis ? En quoi le rôle qu’elle accorde à la description est-il différent de celui qu’elle joue dans les méthodes d’analyse dominant les études cinématographiques ? Quelles différences entretient l’épellation mimétique avec la novélisation des films et l’essai audiovisuel ? Les réponses à ces questions permettront de découvrir un exercice supérieur de la recherche-création. Et si, comme le soutient Stanley Cavell, le rapport de connaissance aux œuvres est l’une des activités que les sociétés se sont empressées de circonscrire ou de contrôler, alors il se pourrait que l’interprétation soit une affaire policière et politique. N’est-ce pas la deuxième leçon du film de Clint Eastwood, que l’épellation mimétique doit elle aussi tirer ?

Serge Cardinal Université de Montréal

Corpus principal

Eastwood Clint, Richard Jewell, États-Unis, Warner Bros. Pictures/Malpaso Production, 2019, 131 min.

Corpus secondaire

Beethoven Ludwig van, 33 Variations en Ut sur un thème de valse de Diabelli, op. 120, Sviatoslav Richter, piano, Berlin, Philips, 1988.

Bergounioux Pierre, B-17G, Paris, Argol, 2016.

Berio Luciano, Sinfonia, pour huit voix et orchestre — III In ruhig fließender Bewegung, London Voices et Gothenburg Symphony Orchestra — Peter Eötvös, Berlin, Deutsche Grammophon, 2012.

Berlioz Hector, Symphonie fantastique, op. 14, London Symphony Orchestra — Sir Colin Davis, Londres, LSO, 2002.

Butor Michel, Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli, Paris, Gallimard, coll. « Le chemin », 1971.

Léger Nathalie, Supplément à la vie de Barbara Loden, Paris, POL, 2012.

Listz Franz, Berlioz : Symphonie fantastique, transcription pour piano, Idil Biret, piano, Berlin, Naxos, 1993.

Loden Barbara, Wanda, États-Unis, Foundation for Filmmakers, 1970, 103 min.

Mankiewick Joseph L., Sleuth, États-Unis, Palomar Pictures, 1972, 138 min.

Viel Tanguy, Cinéma, Paris, Minuit, 1999.

Bibliographie sélective

Adorno Theodor W., Towards a Theory of Musical Reproduction : Notes, a Draft and Two Schemata, Cambridge, Polity Press, 2006.

Adorno Theodor W., Théorie esthétique, traduit par Marc Jimenez, Paris, Klincksieck, coll. « Esthétique », 1995.

Adorno Theodor W., « Skoteinos, or How to Read Hegel », dans Hegel : Three Studies, traduit par Shierry Weber Nicholsen, Cambridge, MIT Press, 1993, p. 89-148.

Aumont Jacques, À quoi pensent les films ?, Paris, Séguier, 1996.

Cavell Stanley, Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage, Cambridge, Harvard University Press, 1981.

Martin Jessie, « Décrire le sensible : entre saisissement et déconcertation », dans Diane Arnaud et Dork Zabunyan (direction), Les Images et les Mots. Décrire le cinéma, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014, p. 109-118.

Martin Jessie, Vertige de la description. L’analyse des films en question, Paris, Aléas, 2011.

Moutot Gilles, Essai sur Adorno, Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », 2010.

 

Weber Nicholsen Shierry, Exact Imagination, Late Work : On Adorno’s Aesthetics, Cambridge, MIT Press, 1999.

 

 

 

 

mise à jour le 7 février 2024


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