Dans « Notes sur le geste », Giorgio Agamben énonce ce paradoxe : « Ayant pour centre le geste et non l’image, le cinéma appartient essentiellement à l’ordre éthique et politique (et non pas simplement à l’ordre esthétique) ». L’enjeu premier du colloque sera donc d’interroger les conditions d’émergence de gestes – geste de parler et de donner à entendre, geste filmé et geste de filmer – dont la dimension politique s’affirme par contraste avec celles d’entreprises de propagande qui entendent agir sur le public. Mais le cinéma joue-t-il un rôle spécifique dans la mise en lumière politique de gestes assumés comme tels ? Si Agamben lui accorde une préséance, c’est d’abord en raison des conditions historiques de son invention : une époque où mécanisation croissante et rythmes urbains tendent à priver la société de ses gestes tandis qu’elle accède massivement à la visibilité. En outre, parce qu’il conserve le passé pour le répéter autrement à chaque projection nouvelle, le cinéma est en mesure de le « redonner au possible ». Enfin, le lien étroit entre cinéma, histoire et mémoire se noue au travers du montage qui permet à chaque image de conserver sa dynamique tout en portant l’écho lointain de celles qui la précèdent et la suivent. Dans cette perspective, le cinéma jouerait un rôle d’opérateur critique par rapport aux formes d’expression artistiques qui mettent elles aussi en jeu le geste. Filmé, un geste dit, peint ou joué deviendrait un « cristal de mémoire historique ».

La lecture des Notes sur le geste fraie ainsi de multiples pistes d’investigation qui pourront être abordées lors du colloque. On interrogera, par exemple, les diverses formes de la gestualité, les dispositifs propices à l’advenue du geste, les modalisations du geste par la reprise, les relations à l’histoire qu’il induit, etc.