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Dimitri Garncarzyk, est moniteur en littérature générale et comparée

le 12 février 2013
 

Il vient de remporter le prix Dix-huitième siècle (premier ex-aequo), pour le meilleur mémoire de Master 2, décerné par l'Assemblée générale de la Société Française d'étude du XVIIIe siècle. Son mémoire était intitulé « La Bibliothèque des enfers : étude comparée des Dialogues des morts de Fénelon et de Krasicki » et était dirigé par Françoise Lavocat. Dimitri prépare une thèse sous le titre : « Théories et pratiques de la poésie épique en Europe de Boileau à Ignacy Krasicki ».

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  •  Pouvez-vous présenter et plus particulièrement votre parcours universitaire ?
J'ai passé un bac littéraire, moins par dégoût des matières scientifiques que pour passer à l'écrit le latin au bac (je passais aussi les options grec ancien et musique). Après des hésitations nombreuses (notamment avec une licence de Lettres classiques), j'ai rejoint la Sorbonne Nouvelle, car il y existait alors une licence bidisciplinaire LLCE-LGC. L'étude de l'anglais répondait à mon goût pour les langues étrangères, et les enseignements de littérature comparée à ma tendance à aborder la littérature d'une manière assez théorique (ce qui ne veut pas dire que je ne lise pas d'abord des livres pour le plaisir !). C'est pendant ces années de licence que je me suis rendu compte, grâce à mes lectures, libres ou imposées, et à l'enthousiasme de certains enseignants, que l'âge classique (les 17e et 18e siècle) était la période de l'histoire littéraire avec laquelle j'avais le plus d'affinités ; j'ai décidé de consacrer mes travaux de master à cette période, et de continuer en littérature comparée, afin de conserver une dimension généraliste la plus large possible. J'ai donc travaillé sur les liens qui unissent la littérature française de la fin du 17e à la littérature polonaise de la deuxième moitié du 18e siècle, lorsque le classicisme arrive en Pologne sous le règne du roi Stanislas Auguste : d'abord en M1 à Paris 3, sous la direction de Yen-Mai Tran-Gervat, puis en M2 à Paris Diderot, sous la direction de Françoise Lavocat. J'ai ensuite passé l'agrégation de Lettres modernes, avant d'obtenir un contrat doctoral pour continuer ma recherche, de nouveau à la Sorbonne Nouvelle, toujours sous la direction de Françoise Lavocat.

 
  • Vous avez été reçu à l'agrégation en 2012, comment s'est déroulée votre préparation ?

Très bien pour ce qui est de la qualité de la formation académique. Au reste, la façon dont chacun vit la préparation au concours sur le plan personnel est sans doute une question de tempérament : pour ma part, j'ai trouvé que cette année de préparation était tissue d'angoisses diverses, qui tenaient moins à l'assimilation du programme qu'à la forme du concours, son calendrier, ses épreuves, l'enjeu qu'il représente pour l'entrée dans la vie professionnelle… Maintenant que je l'ai réussi, je profite pleinement de tout ce que j'ai appris pour le préparer, mais je ne me souviens pas d'avoir étudié cette année-là avec la même gaité de cœur qu'en licence ou en master !
 
  • Vous êtes en train de préparer votre thèse sous la direction de Françoise Lavocat, quel est votre sujet de recherche ?

Le titre de travail de la thèse est « Théories et pratiques de la poésie épique en Europe, de Boileau à Ignacy Krasicki ». Boileau constitue le terminus a quo du corpus principal parce qu'il est à la fois l'auteur de L'Art poétique et du Lutrin. Avec le premier de ces textes, il propose une norme poétique ; avec le second, il réalise une épopée comique tirée d'une anecdote. Ces deux textes peuvent définir ce qu'on a appelé le « classicisme », l'un d'une manière déductive (il fixe les règles auxquelles il faudrait se tenir), l'autre de manière inductive (on peut chercher à identifier à la lecture ce qui en fait un poème « classique »). Ce qui m'intéresse, ce sont les écarts possibles entre la définition théorique de la poésie, et les textes qui résultent de sa pratique, laquelle est comme une perpétuelle négociation entre l'idéal poétique et le monde. C'est donc un sujet plutôt théorique sur la poésie, que j'étends à l'échelle européenne. Evidemment, l'idée que Boileau se faisait de la poésie n'a jamais (ni nulle part) fait l'unanimité ; mais le fil rouge de mon corpus est fourni par la réception de ces deux œuvres en Europe, par une série d'écrivains qui ont été à la fois des poètes épiques (ou héroïcomiques) et des théoriciens : Voltaire en France, Alexander Pope en Angleterre, Ludvig Holberg (1684-1754) au Danemark et en Pologne Ignacy Krasicki (1735-1801), l'un des plus illustres représentants du classicisme stanislavien. Les poètes-théoriciens de la République des lettres remettent cent fois le même ouvrage sur le métier… et à chaque étape, la poétique héritée de Boileau se transforme, donnant lieu à une série de « classicismes » qui, comme des plantes fossiles, nous renseignent sur l'atmosphère (littéraire !) de leur époque.


 
  • Vous bénéficiez d'un contrat doctoral et êtes actuellement moniteur au département LGC, en quoi cela consiste-t-il ?

Le contrat doctoral consiste à recruter, pour une durée de trois ans, un doctorant, afin qu'il se consacre à sa thèse et effectue une charge d'enseignement à l'université. C'est une situation très privilégiée pour un jeune chercheur, et je suis extrêmement honoré d'y avoir accédé ! Les doctorants contractuels chargés d'enseignement en littérature comparée à la Sorbonne Nouvelle ont par ailleurs la chance de pouvoir définir les programmes de leur TD, et j'en profite pour initier mes étudiants, dans la mesure du possible (car il faut pouvoir trouver des traductions), aux littératures classiques d'Europe centrale. Si les littératures contemporaines des pays de l'Est sont plutôt bien diffusées en France, les liens que les littératures médiévales et modernes ont tissé d'un bout à l'autre de l'Europe restent trop méconnus : le programme de mon TD de L2 veut faire sentir l'amplitude de cette Europe littéraire en associant une œuvre de l'extrême Ouest, les Voyages de Gulliver de l'Irlandais Swift, à un roman d'Ignacy Krasicki, né aux confins orientaux de l'Europe. Cela pour dire que l'enseignement est une tâche que je prends très à cœur, d'autant ces années de contractuel à l'université sont aussi le moyen pour moi, qui ai obtenu le contrat en même temps que l'agrégation, de valider le concours.
 
  • Vous venez de recevoir le prix Dix-huitième siècle (premier ex-aequo), pour le meilleur mémoire de Master 2, décerné par l'Assemblée générale de la Société Française d'étude du XVIIIe siècle  qui s'est réunie le 19 janvier 2013, que représente ce prix ?

Le Prix Dix-huitième siècle est décerné au nom de la SFEDS par un large jury. Le but est de récompenser les meilleurs travaux de Master portant au moins en partie sur le 18e siècle, toutes disciplines confondues. Quand Françoise Lavocat m'a proposé d'y participer, j'ai soumis mon mémoire de M2, qui consistait en une comparaison des Dialogues des morts de Fénelon avec ceux d'Ignacy Krasicki, qui encadrent, pour ainsi dire, le siècle des Lumières, et dont la confrontation montre le déplacement d'un dispositif littéraire fondé sur la Fable du contexte de l'éducation princière vers celui d'une éducation populaire. Le prix consiste en une dispense des frais d'adhésion à la SFEDS pour deux ans, une somme d'argent (300 € pour ma co-récipiendaire et moi-même), et une invitation à publier un article tiré du mémoire dans les Varia de la revue Dix-huitième siècle. C'est aussi, bien sûr, une reconnaissance et un très grand honneur. Outre les deux premiers prix ex-æquo, le jury a aussi décerné deux mentions spéciales, dont une à une autre étudiante de la Sorbonne Nouvelle, Marion Leclair (qui est maintenant aussi doctorante contractuelle), pour son travail sur Smollett sous la direction d'Isabelle Bour.
 
  • Avez-vous un conseil à donner aux étudiants de la Sorbonne Nouvelle ?

Je n'ai évidemment pas de conseil à donner aux autres doctorants, car nous sommes encore des étudiants (de troisième cycle)… Mais aux autres : qu'ils en profitent ! Etudier ici, c'est être au cœur de Paris, dans une institution qui offre l'accès à de nombreuses bibliothèques, sans compter les ressources en ligne… L'une des plus grandes joies d'étudier à l'université, c'est de disposer du temps de profiter de toutes ces ressources. Quand j'étais en licence, les cours que je suivais m'intéressaient pour ce qu'ils étaient, mais faisaient aussi naître des idées, me donnaient envie de lire, de me renseigner — ce que je faisais dès que je rentrais chez moi. La liberté des étudiants est souvent un argument pour les détracteurs de l'université : les étudiants seraient laissés à eux-mêmes, trop peu encadrés… C'est tout le contraire : un étudiant de l'université a le temps et les moyens de satisfaire sa curiosité sur à peu près tous les sujets. Que peut-on rêver de mieux ?

 

Type :
Portrait
Contact :
Sous-Direction de la Communication
Lieu(x) :
 

mise à jour le 18 juin 2013


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