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Description scientifique du projet REPER

Le phonème /R/ du français standard est caractérisé par une grande variabilité, comme souvent pour les rhotiques dans les langues du monde, classe à laquelle le /R/ français appartient. Selon la littérature, la variabilité du /R/ est principalement expliquée par les propriétés des sons environnants ainsi que par sa position dans le mot, ce qui laisse comme "variantes libres" un certain nombre de réalisations inexpliquées. Phonétiquement, il serait réalisé le plus fréquemment comme une fricative, une vibrante, une approximante, sourde, sonore ou en partie dévoisée. Cette incapacité à comprendre les variations de ce phonème impliquent nombre de conséquences : les apprenants du français ont des difficultés particulières avec l'acquisition de ce son, les systèmes de reconnaissance automatique de la parole - s'ils parviennent à modéliser ce son en fonction de son entourage phonémique - utilisent pour les mots impliquant /R/ des variantes très simplifiées dans leurs dictionnaires de prononciations. Quant aux théories phonologiques, elles le traitent souvent à part notamment à cause sa propension à osciller entre obstruente et sonante.

Dans le projet REPER, nous émettons l'hypothèse que cette variabilité est structurée et qu'elle s'exprime dans un premier temps selon un continuum allant de l'approximante voisée à la fricative sourde. Les occurrences s'éloignant de ce continuum peuvent s'expliquer par des facteurs prosodiques et sémantiques essentiellement. Cette grande variabilité comparée aux autres phonèmes du français et certaines réalisations déjà fortement réduites sont les prédicteurs d'une évolution en cours de ce phonème en français. Dans tous les cas, il semble qu'une cible acoustique soit privilégiée à une cible articulatoire, et qui serait un des invariants de toutes les réalisations du /R/. Cette cible acoustique se manifeste par les trajectoires formantiques des voyelles environnantes : une montée du 1er formant et du 3ème formant.

3 types d'expérimentations permettront de tester nos hypothèses :

- une investigation acoustique sur des grands corpus de près de cent heures de parole continue (en comparant deux styles : parole journalistique et parole spontanée,  le français journalistique sera également comparé à un corpus d'allemand journalistique qui permet de comparer le /R/ français au /R/ allemand, ceux-ci ayant de nombreuses similitudes). Tous ces corpus sont déjà disponibles et étiquetés pour l'analyse par le coordinateur. Les grands corpus de parole - et eux seuls - permettront de quantifier les différentes réalisations du /R/, l'amplitude de sa variation ainsi que les stratégies majoritairement choisies par les locuteurs. Ils permettront également de mettre en évidence les différents facteurs impliqués dans la variabilité du /R/ en français.

- une analyse physiologique permettra de quantifier les gestes articulatoires de friction et de voisement et leur synchronisation afin de tester l'hypothèse d'un continuum. Ces stratégies articulatoires seront mises en parallèle avec la stabilité acoustique. Pour ce faire, nous aurons recours à une analyse multi-senseurs avec (1) l'External-Photo-Glotto-Graphe, un outil non invasif récemment breveté au Laboratoire de Phonétique et Phonologie (laboratoire partenaire) qui permet d'analyser l'ouverture glottique sans gêner la production de parole (2) un capteur Piezzo-électrique afin de capter la vibration du velum de façon non invasive et (3) une sonde ultra-son placée sous le menton afin d'analyser les mouvements de la langue.

- Une étude perceptive tentera de comprendre comment est organisée la représentation du /R/ français dans le cerveau. Dans un 1er temps, nous testerons chez des auditeurs français l'identification du /R/ malgré ses variantes de réalisation. Dans un 2ème temps, nous essaierons de mettre en évidence la capacité de l'auditeur à percevoir la différence entre plusieurs réalisations au moyen de tests de perception ainsi que par une expérience  d'électro-encéphalo-graphie.


mise à jour le 10 septembre 2013


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