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Descente à la cafétéria

La poésie sur les lieux - 2016


Faiza Khemar

Ils sont concentrés dans l’esprit et l’espace

Sans arrêts, dans la rue d’en face,


On sonne à la porte, au 20 bis*


Par la vitre, je regarde, ils disparaissent

D’autres à l'intérieur, nous quittent déjà

L’un s’étire, l’autre s'endort


Sur son visage, la fatigue sa muse,


Des voix dans toutes les langues,


Et d’autres qui n’ont rien à dire,


Boivent simplement leur café,


Mordent dans leur sandwich avec entrain,


Plus loin, un piano désœuvré,


Des touches sur lesquelles on s'appuie,


Pour retenir ce que d’autres préfèrent comprendre,

Sur la vitre, on a beaucoup à lire,


Mais j’ai dû me tourner


Pour voir la paix contre le mur.


POEME DE LA CAFETERIA
Julia de Reyke
 

« Puisque demain existe, puisque la vie continue »

Voilà ce qui est écrit

A côté de la poubelle en bois de la cafétéria

Et c’est bien vrai ; et il en est ainsi depuis la nuit des temps.

Puisque demain existe,

Puisque la vie continue,

Il faut bien se nourrir et choisir dans la liste que voici – écrite à la craie blanche sur une petite ardoise où figurent tous les prix :

Sandwich jambon-beurre

Jambon-beurre-emmental

Œufs-crudités

Saumon-avocat-St Moret 
Et aussi les salades pour les moins pressés

Panini au poulet

Panini au fromage

Panini aux légumes

Et l’odeur des viennoiseries se mêlant à l’odeur du jambon-beurre

En solitaire,

A deux, à trois, à quatre, à cinq parfois

Ils partagent des bouteilles d’ice tea, des canettes de coca

Et ils parlent rarement, ceux dont la bouche est pleine

Ils regardent au dehors les voitures, les cyclistes, les passants 

Il y en a même qui travaillent

Les ordinateurs se côtoient aux emballages plastiques

Aux restes de nourriture

Qui gisent sur le sol blanc

Les trois serveurs en blouse blanche se pressent devant les murs 

Aux carreaux rouges violets 

et blancs

La fille demande un croissant et salive sur le reste

Excusez-moi, vous faites des cafés ?

Et celle-là, à côté, sur une haute table en bois,

N’aura plus de rouge à lèvres à la fin du repas.

Et celui-ci derrière, ne sait plus quoi choisir

Il hésite

Il s’approche

Puis repart

Dans la salle aux seize lampadaires,

La poubelle en bois de la cafétéria  

Est pleine

« Puisque demain existe, puisque la vie continue »

Voilà ce que quelqu’un a écrit sur le mur un jour, au lendemain des attentats


Manon Rey

Je ne voulais pas être là,

Mais comme je ne savais

Où aller.

Bien, me voici, ici,

Comme le monde entier

À supporter colportages et clichés

Voici que je préside à la tête du genre étudiant

Me rendant

Moins rarement que je ne le voulais à la cafétéria de l'université 

J'avais pourtant rêvé aux délices d'être vue

J'avais rêvé d'être le diamant d'une génération 

Mais l'on me bouscule 

Me heurte

Et je ne m'en porte pas si mal 

Je pensais ne pas en être capable 

D'être comme les autres

Et aujourd'hui je ne me sens pas si mal, comme

Banale

Mes endroits de rêve n'existent plus

On ne les entend plus voler 

Et je croyais qu'on s'occuperait 

De moi

Je pourrais m'assoir à une table en chêne 

Et j'écrirai mes opinions

Mais non

Plastique, chaises pliantes, tupperware Ikea, bague Zara, cadenas a l'eastpack,

Pas une trace d'air

Pas un soupçon de terre

Pas une graine de folie

Pas un rayon de vie

Je suis curieuse 

De savoir 

Quels secrets cachent tous ces étrangers 

Qui n'ont à la bouche que les mots notes, rote, et potes...

Bibli, idioties, et coucherie...

Savoir, avoir et miroir...

Mon jambon beurre est le meilleur

Savez vous?

Le cochon je l'ai vu battre et se débattre pour mourir

Et vous pouvez rire

Mais savez vous que c'est la vérité vraie

Je suis un animal

J'ai connu mon goûter et je dévore nos souvenir de lorsque nous étions tous deux dans le pré 

Je suis un animal

Et je sens que vous ne sentez rien

L'on pourrait vous parler avec une charogne dans les mains 

Que vous ne le verriez pas

Vos cochons sentent le malade

Ils n'ont pas assez mangé avant de périr,

Attention qu'il ne vous consume pas.

Etre cochon, c'est pas être un bon garçon !


Flora Yahmi

Brouhaha
Brouhaha
Brouhaha
Discussions, bla bla bla
Bla bla bla, discussions
Bla bla, discussion, bla bla
Bizarement, aucune odeur ne se dégage
de ces nombreux plats engloutis par ces jeunes
Gobelets emplis de café
Bouteilles d'eau, de soda, de jus,
Canettes de coca, portable à la main
piano solitaire
centaine de sacs, de cartables à terre
Quand vient l'heure de manger
Tous dévêtus de leurs manteaux,
S'agitent, tchatchent, mangent, boient,
Personne ne se douterait
qu'accroché le long d'un mur
La mémoire d'êtres aussi jeunes qu'eux ont perdus la vie
certains attablés à une terrasse
Soudain, le Brouhaha se dissipe
Lorsque je pense qu'on aurait pu être eux.
                                         

La Cafétéria chiffrée
Ninon Cantaloube 

Traverser le couloir où des gens mangent debout sur des tables pliantes ; 10 environ.

La pendule affiche 12H03.

Heure du déjeuner.

Une grande salle.

Entre 40 et 50 personnes.

Tables aux pieds usés ; 20 environ.

Des lumières allumées en plein jour.

Calme.

1 piano ; muet.

1 mur recouvert de dessins, citations, messages de paix ; muets.

1 femme passe avec deux cafés.

2 filles s’installent à une table.

La table est salle, pleine de miettes, 1 sucre emballé.

1 baie vitrée.

On voit la rue qui passe.

Peu de voitures.

1 rangée de vélib.

Des étudiants arrivent lentement ou repartent pressés.

Des immeubles en briques.

Des cafés. 4 au moins.

Les arbres n’ont toujours pas de feuilles. Une dizaine.

Beaucoup de groupes discutent muets.

Certains regardent dans la cafétéria.

Ils voient la même chose, des gens qui parlent sans bruit.

Pourtant il y a du bruit.

Gentil brouhaha.

1 sortie condamnée en haut d’un escalier ; tout au fond.

2 poubelles. Tri sélectif ; 3 bacs.

1 fille se lève. Elle prend son sac et va à la poubelle.

Peu de mouvement.

Bruits de fourchettes et de papier à sandwichs.

Que des bouches en action. Manger, parler.

12H10.

Beaucoup de sandwichs, quelques salades. Encore moins de « fait maison » ; 3 personnes.

1 garçon à la recherche d’une place.

1 fille travaille. Ses feuilles remplissent la table. Elle recopie 1 cahier dans 1 autre. 2 cafés semblent l’aider dans cette tâche.

12H15.

1 fille reste mange toujours 1 même moitié de son sandwich depuis plus de 10 minutes.

Peu de personnes seules ; 4.

Ecouteurs ; 1.

Les filles à la table sale partent. Même nombre de miettes.

12H23.

Deux personnes s’installent à la table.

Elles sont tournées vers la baie vitrée.

Dehors, des bonnets ; 4.

Lunettes de soleil ; 2.

1 joggeur passe.

Croise 1 étudiante pressée qui court aussi.

12H30.

Fin de l’observation. 


Poème de Cafétéria
Ilham Duduch 

Au milieu de cette longue rivière,

Tu me sembles bien solitaire.

Vois-tu dans ce coin, ce piano muet ?

Eh bien tout comme lui, ta gorge est nouée.
 

Vous êtes des semblables.

Vos voix, rires et symphonies,

Ont laissé place à une attente infinie,

Lassante et insupportable.

 

En effet, l’un attend son maestro,

L’autre, son petit apéro.

Mais face à toutes ces personnes,

L’indifférence les emprisonne.

 

Comment faire pour que les mots de chacun

S’unissent et ne font qu’un,

Dans cette grande université,

Ancienne et pleine de diversité ?

 

Oh ! Que t’arrive-t-il ? Tu t’impatientes ?

Est-ce ce bruit flou, étouffant et incessant qui te désoriente ?

Est-ce le mur brodé d’affiches en tout genre qui te désenchante ?

Ou bien est-ce à cause de l’attente et de la faim que tu déchantes ?

 

Quoiqu’il en soit, pas d’inquiétude.

Te voici devant le comptoir pour prendre ta commande.

Oh... ton apéro est épuisé... ça ne servait à rien que tu attendes.

Frustré tu quittes ce lieu en n’emportant que ta solitude.

                                                                                                                            

Et le piano solitaire, lui, te joue sa « Valse d’adieu » ...

Cafétéria de l’université Paris 3


Marina Escartin
 

Je suis assise près de l’entrée de la cafétéria.

Une chaise rêche, inconfortable

Des accoudoirs froids.

Face à moi : « Issue de secours », coloré en vert et blanc.

Une porte transparente barrée de chaînes.

À gauche une estrade, un piano silencieux.

Un rire strident se fait entendre

Des filles parlent vivement à ma gauche

Des mots prononcés, peu de mots compris.

Tout autour de moi, des canettes, des bouteilles, des restes de déjeuner.

Des lampes au plafond sont allumées

Un projecteur est éteint.

Derrière les baies vitrées beaucoup de passage

Des gens allant, venant, discutant, mais silencieusement, insonorisés par l’épaisseur de ces murs transparents.

Certains regardent à l’intérieur.

 

Derrière eux la rue Censier, 5e arrondissement ; 20 bis

Un café en rouge et noir, le mot « café » orné de doré.

Des vélos parisiens à l’arrêt, rangés.

À ma droite un mur, rempli de papiers

Conséquence des attentats du 13 novembre.

Trois filles viennent voir ma voisine

J’entends parler de déguisements.

Derrière moi, une langue inconnue se fait entendre.

 

Je baisse les yeux

Sur mon téléphone :

12h18

Lundi 21 mars.

Je m’accoude.

Une table sale, collante, des miettes

Il plane une odeur de nourriture.

Des gens viennent puis font demi-tour : plus de place dans la cafétéria

Elle s’épuise.


Cafétéria
Joanna Spagnoli
 

Je rentre dans un temple.

-Non c'est une cafétéria-

Je rentre dans un temple.

-Non ce n'est qu'une simple salle-

Le piano du fond violet.

-Le piano du fond est noir-

Le poète le voit violet

- L'étudiant le voit noir- 

Le temps s'arrête.

-Le temps s'accélère-

Silence.

-Brouhaha-

N'en as-tu donc jamais assez que de me contredire ?

Ouvre bien les yeux

Observe les murs dorés

Et le parterre fleuri.

Vois-tu les amitiés,

Et tous ces gens qui rient ?

Entends le chant de la caissière :

"Deux euros trente s'il vous plait",

Et ce gars, la casquette à l'envers

Peut-être est-il immortel. 

Cet endroit me suggère mille lieux différents,

Tous plus beaux.

Toi tu n'en vois qu'un seul,

Banalement.


POEME DE CAFETERIA
Mina Castellatta

Un piano, il y a un piano !

Du soleil, des étudiants qui rient, écrivent, mangent !

Ce petit brouhaha nous inonde.

Les cerveaux bouillent

Les inspirations sont presque divines.

Quand on pense, quand on Y pense !

Et on se prend la tête, le menton, les cheveux,

Et on musique parfois silencieux.

On voit passer nos semblables par les fenêtres,

Se saluent, font des mouvements bêtes.

On se séduit ou on déduit.

On a grandit.

On EST et maintenant si on mangeait?

Les murs sont rouges et blancs.


Café-taria
Mathieu Coucaud
 

Piano, art déco, ambiance rougissante devant des produits appétissants si la faim nous prend,

Un panorama vitré sur rue.

Plafond et luminaires de cabarets, un spectacle se prépare

Sûrement celui du savoir.

Nombreuses discussions qui, loin du brouhaha, renvoi à une harmonie acoustique

Qui s’étend sur tout le L que forme la pièce.

De la compassion sur les murs tout comme mon drapeau préféré.

Chaise en acier, tabourets bancals.

Des colonnes séparent le panorama.

Les gens mangent mais surtout partagent.

Escaliers impraticables dû au plan vigipirate,

Une seule issue possible, celle de l’intestin.

Prise électrique, alarme incendie, horaires.

La disposition de vente comme au plat pays, les baraques à frites.

Entre détente et réflexions les sourires sont omniprésents,

Certains plus parlant que d’autres.

Palettes et cendriers accompagnés de l’interdiction de fumer.



mise à jour le 30 juin 2017


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