« Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m’apprête à raconter mes expéditions. », le fameux incipit de Tristes tropiques, au-delà du cas personnel de Lévi-Strauss, souligne bien les rapports ambivalents et paradoxaux qu’entretiennent les anthropologues avec la tradition des récits de voyage[1], tels qu’ils n’ont cessé (jusqu’à aujourd’hui, sous d’autres formes) de séduire le public (européen d’abord !) depuis au moins la Description du monde de Marco Polo (1298) ; ce livre, « traduit dans toutes les langues européennes » et dont le « récit, écrit Florence Weber, hésitant entre le roman de chevalerie et la description géographique, fascina ses contemporains et fut maintes fois réédité ». (Weber 2015, 42-43). On voit ici, dès le départ, apparaître une caractéristique des récits de voyage, qui persiste tout au long de leurs métamorphoses au cours des siècles, et qui renvoie à l’oscillation entre faits et fiction, comme si la mise en récit du voyage entraînait nécessairement une forme de fictionnalisation.Cependant, Florence Weber, ainsi que François Laplantine, dans son propre ouvrage d’introduction à l’anthropologie, s’accordent pour voir dans les premiers récits de voyageurs-explorateurs à la Renaissance « la préhistoire de l’anthropologie[2] ». Montaigne, dans son célèbre essai intitulé Des cannibales qui s’appuie sur le récit de Jean de Léry Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil « [reconnu] aujourd’hui comme un monument d’ethnographie » (Weber, 2015, p. 60), est un autre pionnier du regard ethnographique[3] et propose même une réflexion sur la place de la traduction « en distinguant soigneusement l’ethnographe et l’interprète […] ». Alors qu’il parle des Tupinamba, Montaigne raconte sa déconvenue avec l’interprète. « Je parlai à l’un d’eux fort longtemps ; mais j’avais un truchement qui me suivait si mal, et qui était si empêché à recevoir mes imaginations par sa bêtise, que je n’en pus tirer guère de plaisir’ ». (Weber 2015, 62).
Les communications s’intéresseront aux défis linguistiques posés par la traduction de l’inconnu, de l’inédit et de l’inouï dans les récits de voyage, en particulier en ce qui concerne l’écriture (proto)ethnographique.
Comité Scientifique :
- Ludivine Bouton-Kelly (Université d’Angers)
- Emmanuelle Peraldo (Université Côte d’Azur)
- Susan Pickford (Université de Genève)
- Anne Rouhette (Université Clermont-Auvergne)
- Laetitia Sansonetti (Sorbonne Nouvelle)
- Anne-Florence Quaireau (Université d’Angers)
- Isabelle Gadoin (Sorbonne Nouvelle)
- Jessica Stephens (Sorbonne Nouvelle)
- Bruno Poncharal (Sorbonne Nouvelle)
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