Deep Wide West est une mosaïque photographique de 25 clichés. Elle rassemble une diversité de visages fantasmatiques du paysage ouest américain (USA). Du désert de sable aux collines verdoyantes, le territoire s'offre comme une variation toujours changeante et surprenante. Dans ses nuances de couleurs et de textures, le pays exprime une dimension intense, mais aussi grandiose, de par ses étendues immenses. C'est un aspect des USA qui est moins souvent mis en exergue et qui, pourtant, me fascine.

Les conditions de ces prises de vue sont singulières. Les photographies ont toutes été prises depuis la fenêtre du train qui traverse le pays depuis Chicago jusqu'à San Francisco, dans une redécouverte fantasmée de l'Ouest sauvage. Les paysages états-uniens sont surtout connus par leur traitement cinématographique. Comme Yves Bonnefoy a parcouru l'Italie à la recherche des paysages de fond de tableau des peintres de la Renaissance (quête qu'il raconte dans son livre L'arrière-pays), je suis partie à la rencontre de ces paysages fantasmés par le cinéma que j'avais, par exemple, découverts avec les films noirs, quelques westerns et la vague plus tardive de retour à la wilderness, comme Délivrance de John Boorman.

Ce voyage s'est effectué dans le cadre d'un séjour de recherche de terrain en 2015, pour mon travail de doctorat portant sur la scénographie. La relation du paysage à la scénographie se noue particulièrement dans la création et la perception d'images, de représentations et d'imaginaires. Le cas des images fantasmées des paysages états-uniens est très intéressant car, comme l'a constaté Yves Bonnefoy avec la peinture, il s'agit d'une construction imaginaire. Peu importe que dans le film, le territoire ait existé en lui-même, les images reconstruisent un univers propre au temps du film, déconnecté de celui de mon parcours en train. Les images que j'ai rencontrées sur place, celles que j'ai récoltées par ma perception ou celles que je propose aujourd'hui en photographies, construisent un imaginaire différent qui ne raconte pas plus la réalité de ces collines désertes que les films qui les ont utilisées pour décor. Ces photographies de paysages sont des images pour elles-mêmes, présentant une seule facette de ce que ces territoires peuvent être ou de la façon dont ils peuvent être racontés ou perçus : kaléidoscopes d'expériences potentiellement infinis...