Même si le « diplôme » reste le sésame de la reconnaissance professionnelle des capitaux symboliques, notre époque contemporaine
redessine la figure traditionnelle de « l’autodidacte », dont Flaubert, Zola ou Sartre ont nourri la mythographie sociale. Cependant, les connotations négatives, attachées traditionnellement à la figure, semblent s’estomper, et l’autodidaxie est plutôt présentée comme
une capacité utile à la réussite. Que l’on évoque « l’auto-formation » permise par le multimédia éducatif, les auto-apprentissages informels en milieu associatif, la Validation des Acquis de l’Expérience, l’université du temps libre, l’école de la seconde chance, le développement de soi tout au long de la vie, le rôle du stage comme moment de formation par l’expérience, il semble que
l’autodidaxie du 21e siècle, plurielle, protéiforme et disséminée, soit une réalité autant qu’
une nécessité de formation au long cours.
Par ailleurs, à l’ère du Web 3.0, l’internaute se forme en naviguant, en zappant, parfois privé des médiations et accompagnements qui garantissent la validité des connaissances transmises et la solidité des apprentissages, la maîtrise des idéologies véhiculées, la distance critique. Avec les MOOCs, il peut
s’instruire à distance auprès des plus prestigieuses enseignes (Harvard, MIT, Berkeley, etc.). En temps de crise de l’Ecole, pourrait-on aller jusqu’à dire que
le 21e siècle actualise la figure d’un néo-autodidacte qui se forme par le Web, autant qu’il apprend dans la classe et l’amphithéâtre ? La présence du politique sur ce terrain, avec
Les Victoires des Autodidactes fêtés annuellement à l’Assemblée Nationale qui décerne un prix à un entrepreneur non diplômé mais reconnu, montre aussi l’étendue des aspects institutionnels de la problématique.