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Danièle Sallenave, une écriture impliquée, une œuvre opiniâtre

du 13 janvier 2015 au 14 janvier 2015

 

Colloque international

Lieu
:  Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3,
salle Bourjac, 17 rue de la Sorbonne, Paris 5e

Organisateurs :  Sabrinelle Bedrane, Bruno Blanckeman et Bruno Thibaulr
UMR 7172 - THALIM (Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité)

Présentation :

Les écrivains qui participent au débat public en France sont soumis, depuis les années 80 environ, à une sorte de procès. De toute évidence ils ne peuvent plus parler au nom de la révolution : les dictatures totalitaires du XXe siècle ont refroidi toute passion pour les grandes utopies politiques. Mais le repli des écrivains ne masque-t-il pas souvent un simple accommodement au monde tel qu’il est, avec ses illusions, ses mensonges et ses abus ? Pour Danièle Sallenave, on n’aura rien résolu en disant que les écrivains sont des citoyens comme les autres, sans légitimité particulière. Au contraire ceux-ci jouent un rôle capital dans une société libre. Ils incarnent la confiance du corps social dans l’utilité du débat, dans la vertu du dialogue, dans la possibilité du changement. « Il n’y a pas de démocratie sans intellectuels ». Cependant ceux-ci doivent se garder de jouer un rôle qui n’est pas le leur : ils ne sont ni des prophètes ni des experts. Leur fonction est de dénoncer la démagogie, d’où qu’elle vienne, et par tous les moyens. Par la prise de parole publique, dans les livres et dans les journaux, dans les débats radiophoniques ou télévisés, à la tribune des colloques ou sous la coupole de l’Académie.

Prolongeant certaines des réflexions rassemblées dans un numéro récent de la revue Europe, ce colloque consacré à l’œuvre de Danièle Sallenave portera sur les engagements successifs de l’auteur mais en faisant ressortir une certaine interrogation critique sur la notion même d'engagement. Il est évident qu'on ne peut plus aujourd'hui entendre cette notion dans le sens qui était le sien, en gros, de Zola à Sartre et Beauvoir, et c’est pourquoi, nous lui avons préféré le terme d’implication.

Une première approche de l’œuvre et de l’écriture impliquée de Danièle Sallenave pourrait porter sur Les portes de Gubbio (1980) car ce roman manifeste avec éclat la mutation esthétique mais aussi éthique qui marque en France le passage des années soixante-dix aux années quatre-vingt. À la question du ‘retour au récit’ s’ajoute la problématique du rapport au réel et à l’Histoire, surtout après l’effondrement du communisme. Les portes de Gubbio, tout comme Passages de l’Est (1991) et Les trois minutes du diable (1994), invite aux regards croisés sur le totalitarisme, la pénurie et la censure à l’Est, et sur le conformisme, le consumérisme et la ‘communication’ à l’Ouest. On pourrait analyser ici comment la recherche d’une ‘écriture transitive’ exprime chez Sallenave, des années 80 aux années 2000, la volonté de s’approprier authentiquement le présent et l’Histoire : non pas en dominant ou surplombant l’événement mais en interrogeant subtilement les rapports du temps vécu et du temps social, et en inscrivant ceux-ci dans ‘l’accélération de l’Histoire’ (Pierre Nora) qui caractérise la fin du XXe siècle. De la même façon on pourrait étudier comment, de Paysages de ruines avec personnages (1975) à Un Printemps froid (1983) et à Adieu (1988), la problématique de la ‘vie séparée’ ou de la ‘vie mutilée’ est exacerbée par cette même accélération de l’Histoire. D’autres analyses pourraient déboucher ainsi sur une poétique du ‘roman mécontemporain’ chez Danièle Sallenave en proposant quelques comparaisons suggestives avec les œuvres d’écrivains comme Milan Kundera, Philip Roth, ou encore Olivier Rolin.

Un autre axe de réflexion pourrait porter sur la ‘crise de la culture’ et la nouvelle ‘trahison des clercs’ dénoncée par Danièle Sallenave dans Le Don des morts (1991). « Toute la culture est à moi, elle est mon héritage, ma responsabilité » martèle l’écrivain. Une première polémique avec Pierre Bourdieu avait conduit Danièle Sallenave à définir sa vision de l’école, lieu par excellence de la transmission des valeurs et de l’émancipation de l’esprit, ce dont témoignent Lettres mortes (1995) et Nous on aime pas lire (2009). Mais par la suite Danièle Sallenave s’est penchée sur les défis que connaît le modèle laïc et républicain français (Régis Debray, Alain Finkielkraut) au seuil du nouveau millénaire. Une piste de recherche possible est ici la contribution de Danièle Sallenave au Messager Européen mais aussi dans Nos amours de la France : République, identités, régions (2002), ou bien encore dans l’émission qu’elle anime sur France Culture, « Les idées claires ». Une autre thématique possible est la « sortie du religieux » (Marcel Gauchet), que Danièle Sallenave aborde par exemple dans dieu.com (2003), un essai consacré aux dérives intégristes et communautaristes actuelles, ou dans Les trois minutes du diable, un roman polyphonique.

Un thème important est évidemment le déploiement de la question féministe dans l’œuvre de Danièle Sallenave. De La vie fantôme (1986) à La Fraga (2004), en passant par Viol (1997), il reste beaucoup à dire sur la façon dont Sallenave s’inscrit dans le débat féministe de son temps et dans la lignée de Simone de Beauvoir (voir notamment Castor de guerre, 2008). Une autre piste de réflexion intéressante serait la dialectique de l’écriture de l’intime et de l’écriture féministe, leur articulation et leur implication réciproque, notamment dans D’amour (2002). Une comparaison des démarches de Danièle Sallenave et d’Annie Ernaux, par exemple, serait sans doute très éclairante. Mais l’écriture de l’intime et l’inscription du féminin pourraient aussi être étudiées dans certaines pièces de théâtre de Danièle Sallenave, de Conversations conjugales (1987) à Quand même (2002).

Pour finir, la lecture du ‘paysage français’, avec pour corollaire l’interrogation sur l’identité et la communauté nationales, est un aspect important de l’écriture impliquée de Danièle Sallenave. On pourrait par exemple comparer le projet et la méthode de Danièle Sallenave dans son Dictionnaire amoureux de la Loire, qui vient de paraître, et ceux de Jean-Christophe Bailly dans Le Dépaysement : voyages en France (2011). Inversement, l’écriture du voyage et du témoignage, notamment en Russie, dans les Balkans, en Palestine et en Inde, mériterait aussi un examen approfondi et nuancé. On pourrait ici analyser le regard porté par l’auteur sur la Russie contemporaine dans Sibir (2012), son journal de voyage ‘transsibérien’, et comparer ce témoignage avec celui de Dominique Fernandez. On pourrait aussi discuter sa vision de l’Inde présentée dans Le Principe de ruine (1991) en la contrastant avec celle de Catherine Clément ou d’autres.


Type :
Colloque / Journée d'étude

mise à jour le 15 décembre 2014


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