Appartenant peut-être à la veine de cette « Littérature du Mal » chère à Bataille, usant à la perfection de la perversion, de la folie, du sexe et du sado-masochisme, mettant en scène la Mort à l'œuvre, les récits de Jauffret sont ainsi habités par des créatures qui, par fatigue d'être soi, nonchalance ou mauvaise foi, se sont aventurées à confondre fantasme et réalité, indicatif et conditionnel, pour se laisser finalement aspirer dans le trou noir du monde des mots. Mots de la diversion des maux, mots qui trompent mais soulagent, qui abîment le lecteur dans les profondeurs du cynisme, le privant d'oxygène, dont la précision de scalpel et la beauté froide fascine, mais dont le burlesque, le grotesque. Apparemment de facture classique, l'écriture selon Jauffret ne fait, par ailleurs, pas l'économie d'un travail sur la forme. Qu'elle procède par dilatation, saturation, flux de pensée (Univers, univers), soliloques, prosopopée (Lacrimosa), qu'elle frotte, ébrèche et scande en mille morceaux et formes brèves la narration, pourvoyant en autant de mondes (Microfictions) fragmentaires, elleaffirme peut-être l'écriture comme seul élan vital capable de dépasser ou déplacer ces terminus tragiques que sont la mort et le mal.
Nous voudrions, à l'occasion de cette « Journée d'Étude » défricher les toutes premières pistes exégétiques d'une œuvre encore largement en cours, mais déjà mature et importante d'un auteur essentiel aujourd'hui largement reconnu (Asiles de fous a obtenu le Prix Femina, Microfictions le prix France Culture/Télérama...).