La poésie sur les lieux - 2016
Chers amis, me voici maintenant dans le train,
Et je dois dire que l’hygiène craint.
Pourquoi sommes-nous aussi serrés ?
Sous terre, j’ai l’impression d’étouffer, d’être enterrée.
Des jeunes, des femmes, des hommes...
Tous ont le regard fixé sur leur écran : un vrai syndrome.
Ah ! Quand vais-je enfin arriver à destination ?
Il me reste encore six stations...
Debout, lassée, je ne cesse de me balancer
J’ai vraiment l’impression de danser.
Mais me voici enfin arrivée, j’en avais vraiment marre.
Et aussitôt, le train quant à lui repart.
Ravie d’en être sortie, je le suis quand même du regard.
Silence. "Votre assurance vous manque". Enfant qui gesticule.
Très peu de regards se croisent. Tous sur leur téléphone.
Écouteurs, casques, musique.
À moitié réveillé.
Rire. Enfin! Des discussions.
"Ils m'ont tous dis Anaconda".
Cheveux courts, blonds, casquettes, écharpe verte à paillette.
Pétra deux siècles de fascination.
"Attention à la marche en descendant du train".
Cicatrice rouge sur la joue gauche. Sudoku.
Cheveux gris, chaussettes vertes, manteau violet pâle.
Reflet sur la vitre, des visages, un seul sourire.
Là c'est différent de prendre le métro... je me dis.
J'adore écrire, ça me passionne mais là il faut s'arrêter. Il y a des coupures.
Sac orange Marais, un bruit trouble.
Sensation d'être dans un manège.
"Quand un élève ne progresse pas il doit abandonner les méthodes qui ne lui conviennent pas".
"Votre stress a de quoi être inquiet"
Elle fait une grimace, sa voisine regarde la station.
Vernis rouge, les mains entre les deux extrémités du sac.
Les cheveux accrochés au manteau.
Enfin quelqu'un sans téléphone à la main mais un stylo rouge, un petit cahier prête à écrire. Peu importe quoi finalement.
Ça sent la routine dans le métro, ça sent la fatigue dans le métro. Ça sent la lassitude
Poème de Métro
Julia Saint-Martin
“Rabiot l’ex-ado de City”
Titre du 11 Avril 2016, pages sport
Un homme cire ses chaussures de ville au fond de la rame
Cité des arts ? L’art dans le métro ?
Châtelet : Pont au change : couloirs étranges, odeurs néfastes
Cité : escaliers en métal rappelle le monde
Saint-Michel, le seul saint avec des ailes, la voix baragouine en espagnol
Vu d’ici le monde est tout petit… Ridicule
“Ne pas descendre sur les voies”
Phobie, claustrophobie du métro : Sulpice
Étrange, jamais je n’étais passée par là.
Aujourd’hui c’est pas la joie, j’ai dormi que deux heures et cette voix : Montparnasse Bienvenue… Au diable !
Funambule parisien, il ne se tient à rien, équilibriste hors pair mallette et IPhone
12h03 : Je rêve d’un café en terrasse, un vase de café s’il vous plaît
Denfert-Rochereau : “je sens que je vais rentrer” : oui, moi aussi monsieur
Microcosme souterrain, personne solitaire, nous débouchons sur le grand air
La dame en blanc a mis ses chaussettes à l’envers
Répits aériens, métro au grand air, c’est fou ce que ça soulage
Retour sous terre... Un homme dort sur le quai, je l'envierais de dormir encore
Les Gobelins, j’ai faim. On aura fait le tour de Paris en métro
Touristique
Retour à l’envoyeur !! Fac come home !
Un retour souterrain qui emprunte les rames de la ligne 8 et ses tracas.
Je ressens les tambourins et la foule qui s’abat.
Ce bruit retentit, nous sommes sous le pont Sully
Bientôt au cœur de Paris, cette fois le pont Marie.
Des grincements, des tremblements, en somme des bruits assourdissants.
Je nous revois après fermeture, graffer le métro entier
Avant de fuir à la vue des condés.
Nombreux sont têtes baissées, beaucoup rivés sur les journaux mensongers.
Désormais Saint-Germain, station historique qui fait rêvasser.
Il y’a toujours ce désarroi sur les figures et d’autres qui
S’enferment dans leur solitude sortie de la poche.
Vavin qui vient, puis qui revient, comme Gainsbourg.
Nous étions là sur le quai et les autres sont las de s’ennuyer.
Bien sûr à Denfert j’ai souvenance des barres de fer contre les policiers d’acier.
Métro Saint-Jacques alias la rue aux 2000 années
Viendra Glacière qui est comme cette atmosphère souterraine.
Les bâtiments du treizième sont aussi grands que l’est ce poème.
J’ai pris l’air le temps d’un vers,
Place d’It’, ici aussi des bips.
Ma voisine capuchée a des lunettes de soleil.
Pourtant ici bas je ne distingue point de pluie et encore moins la puissance d’Hélios.
Sortie unique, direction exit.
En quelques lignes... de métro
Joanna Spagnoli
Bonjour Mr Jacques Jouet,
Rien de mieux qu'un poème de métro en ce lundi n'est-ce pas ?
J'espère que vous êtes bien arrivé.
Moi je pars en première expédition.
Stations, création, poésie, qui l'aurait dit ?
Après un long changement entre la sept et la quatre
Pas de répit et les phrases se chevauchent,
Mon esprit ressemble à un parcours de sauts d'obstacles,
Il faut gagner la course.
Contre qui et pour quoi ?
Contre la Réalité emprisonnante,
Pour prouver à la Modernité que l'on répond à ses attentes.
Qui a dit que le beau ne se trouve pas dans une rame de métro ?
Observons ce qu'il y a de poétique :
Tous les gens ! Beaux car preuve de l'unique !
La ligne six maintenant s'offre à mon inspiration.
Elle sort du tunnel, en découvrant dehors
Tête appuyée contre la vitre, un peu mélancolique
Les routes parisiennes se mêlent aux décors
Bientôt la ligne d'arrivée
Et le prix de ma victoire : un poème.
Poème de métro : Itinéraire oublié
Laly Whebe
Un Censier-Châtelet comme un Paris-Tampere
Des sonneries comme autant de difficultés à contourner
Réussir à rester debout sans s'accrocher et
Les rencontres improbables.
Vous voulez vos chaussures si bien cirées mais votre sac est en -
Ça m'a distrait du trajet comme l'amour et l'argent distraient du voyage
Les couloirs de Châtelet comme des forêts de murs
Dont on voudrait s'échapper en courant à la lumière
On s'accroche aux meubles pour pas tomber, mais pas aux autres
C'est impoli.
Ecrire sans support, la mort de l'artiste
Je ne pensais à rien qu'à Vavin et
Quand les métros se croisent et qu'un bel inconnu qu'on ne reverra jamais
Et feuilleter un carnet dont toutes les pages sont griffonnées
– Alésia ; Alégria.
Le métro serait une croisière s'il était partout aérien
Essaie de garder le fil
Essaie de penser à autre chose qu'au métro dans le métro
Il s'en prend à tout vue odorat ouïe
Les sonneries les couloirs d'air la musique des autres et le sombre
Le monde moderne t'apprend chaque jour si tu as le goût du risque
Plonger alors que le cri strident du métro – ou pas.
Les portes qui se ferment comme une claque dans la gueule.
Poème de métro parisien
Célia Safer
Bienheureuse de ne pas être collée à cette gadoue d’odeurs
Mais un truc ridiculement minuscule me toise du fond de sa poussette.
Je le vois bien, il me menace Il veut brailler. Il va détruire mes tympans
« Ah, et puis il avait un physique spécial celui-là... »
Toi aussi, Monsieur, t’as une drôle d’allure
Comme mon ami préféré, celui qui ressemble à un personnage de dessin animé
Et qui possède une machine à
À tes souhaits, jeune poétesse à la bague scarabée : tu t’en iras, ton éternuement restera.
Ici Près de Saint Germain des Près, lieu de ma première c...
J’aurais dû manger plus ce soir là, à l’anniversaire de B...
Mal de crâne. Soutien-gorge trop serré. Dodo
Comme celle qui rêve contre la fenêtre poisseuse du métro
Elle doit penser : « Morphée a oublié de se parfumer ! »
Le petit lapin, lui, n’a pas changé 20 ans que ces petites pattes sont coincées dans les portes guillotines.
LIGNE 6. Poignées manuelles en métal suintant. Brrrrrr.
Microbes, bactéries et virus sont ici à la maison
Et observent avec hostilité un rustre offrir au monde
Ses répugnantes amygdales pour le petit déjeuner.
« Ouais, elle est vénère la meuf ! »
Drôle de façon d’achever un poème.
Poème de métro
Rosine Vokouma
Le petit musicien me propose sa bouteille
Elle a l’air si triste, l’air d’avoir échoué
Le petit musicien continue de chanter
Votre assurance vous manque ? SOS Malus
Elle m’a souvent sauvé la vie
La voix féminine artificielle
Il fait chaud en dessous
Les prés sont plutôt gris
Petit monsieur à calvitie
J’ai peur de l’examen suivant
Station aussi grande que Saturne
Je ne sais pas comment elle peut dormir
C’est le blanc ou les sièges bleus
Mes pieds colorés sont camouflés
Lapin rose s’est fait pincer !
Aucun feu dans mon sac
J’angoisse de l’heure qui tourne
J’ai oublié
L’expérience s’arrête… Etrange.
C'est finalement sous terre
privé de lumière
que commence l'errance
De gare en gare
Éblouis par les phares
Étape
Attente
On prend le temps de perdre ce temps
En dépit des regards inquisiteurs
Poème de métro
Manon Rey
J'ai oublié de fermer la fenêtre de chez moi
Il pleut dehors ou non
Hé toi l'homme en face de moi tu connais le temps dehors
Comme tu venais d'entrer
Mais sûrement entre cet arrêt de Metro et le dernier le temps a pu changer
D'ailleurs autant que la foule qui soudainement à Gare de l'Est s'en est allée
Sûrement qu'il doit pleuvoir
Je vois les chaussures d'une femme mouillées de marche
Puis je me souviens à Gare de l'Est les marches l'étaient aussi
Une fois j'avais failli tomber
Et là aux Halles je tombes sur cette femme qui pleure qui pleut
Ces larmes sont plus belles qu'elle.
C'est normal de penser ca?
J'aurais envie de la réconforter mais ça ne se fait pas
Pourtant ça pourrait se faire
Parce que ca c'est faire quelque chose de bien
Et pourquoi qu'on se permettrait de faire des choses mal et pas des biens
Pourquoi que ça parait moins étrange le mal que le bien
Moins douteux
Holà je suis parti ca m'a fait peur de faire quelque chose d'étrange
La traversée à Raspail est mouillée
Il pleut dehors c'est certain
Que ça sent mauvais ici comme mon chien mouillé
C'est sûr il pleut dehors tout les clochards sont dans la rame
T'en a un couché sous un siège il est fait
Lui on a pas envie de le réconforter et lui non plus ne voudrait pas
L'homme en face de moi pense la même chose , qu'il est fait mais qu'il n'a rien à faire là
Il se dit il en suffit d'un pour vider tout un wagon
Ca pue le malheur! Ca pue le malheur.
Je donnerais bien une pièce à cet accordéoniste entré à Passy il est plutôt doué
Sous le ciel de Paris s'envole une chanson
Il va réveiller le clochard qui dort sous le siège
J'attends un touriste au prochain arrêt pour voir le triangle du comique
Une misère un artiste et un public
Il va continuer de pleuvoir cette nuit je crois
S'il ne pleut pas nous pleurerons de rire
Après tout c'est si petit tout ça que nous ne devrions qu'en rire
Non?
Non.
Chez moi y pleut
ça sert à rien
c’est pas bon mais j'y peux rien
Poème de métro
Ninon Cantaloube
On sort de la fac on s’prend la flotte, c’est gris, ca mouille, on prend le métro ; plus gris encore.
C’est comme si les nuages crasseux étaient descendus repeindre les murs de carrelage à WC.
On rentre dans la rame, ça bouge, ça tire la tronche, même ceux assis. Pourraient avoir l’air satisfait non ?
Qu’est-ce qu’il fiche celui-là à cirer ses pompes devant tout le monde comme ça ?
Drôles de binettes tous ces passants là.
Ça monte, ça descend, ca va, ca vient, ‘y en a plein les couloirs et les quais, la rame est bondée.
Que des gens que je ne connais pas.
J’aime pas être au milieu des gens que j’connais pas.
Coincée, agglutinée contre des corps et des rambardes à l’hygiène douteuse.
C’est pas bon pour la santé tout ça, tout le monde le dit !
Pour qui est-ce que c’est bon, dites-moi, d’être enfermé six pieds sous terre avec une lumière si blafarde qu’on dirait qu’elle va vomir.
Même les gens ont une tête de vieux linge froissé.
Finalement, je me demande si je ne préférais pas la pluie.
C’est vrai, au moins je respire, c’est frais.
Et je peux me tenir à une distance respectable de tout ces gens que je ne connais pas qui cirent leurs chaussures avec leur tête froissée malgré le café.
On a encore changé de ligne, c’est long cette expédition on se r’fait l’Odyssée ou quoi ?
« L’Odyssée du métro », ça claque non ?
Non ça craint ! Comme si je pouvais croiser des Charybdes et des Scyllas, des Cyclopes et des Circées.
Moi je vois plutôt des énergumènes qui bichonnent leurs godasses, des bonhommes avec des chouchous dans la barbe et des hommes-chrysalides sur les bancs des stations.
L’épopée des temps modernes :
Dégradée.
POEME DE METRO
Julia de Reyke
Jaune rose rose bleu jaune bleu
Ca crisse ça tangue ça penche ça roule
Mes chaussettes sont-elles sèches archisèches et ma tête
Je ne me souviens plus bien du jour où de l'heure où
Des parfums ont parfois l'odeur de barbapapa
Please mind the gap between the train and the platform
Voyage (presque) au bout de la ligne
Stop stop stop stop OK on va y aller
Il y a là toute une communauté qui ne se rencontrera jamais
Jaune rose bleu rose rose jaune je suis un crocodile
Et il y a une femme
Dont la couleur de cheveux ressemble à celle de son téléphone que dire que dire que faire
Sur un air de Bob Dylan quand est-ce qu'on arrive ?
En passant devant le Colonel Rol Tanguy
Parce qu'au bout d’un moment on ne pense plus on n'y arrive plus
Se laisser porter divaguer somnoler observer
Les immeubles gris et désolés écouter
Celui qui joue au bout de la rame pour se payer à manger
Poème de Métro
Trajet: Censier-Pyramides Pyramides-St Lazare St Lazare-Guy Moquet
Martin Pinatel
A tous les chiens puis-je partir loin d'ici
Les doutes s'entrechoquent sur ma colonne
Calcinée mais froide comme les souterrains de Paris
Impossible de se gratter sous l'eau de Cologne
On ne pense pas, on ne pense pas
Il faut d'abord s'entre sous-évaluer
Question de principe, d'habitude aussi
Prises de bec avant de s'évacuer
Tout est question de planter ses ongles
Noircis dans un visage docile
Les portes s'ouvrent aussi vite que les visages se ferment
On se précipite sans raison comme dans une goutte de sperme
Il n'y a pas de vainqueur puisque rien est fertile
Juste des reflets dans les odeurs de soufre
A peine le temps de reprendre son souffle
Tous broyés dans la cacophonie
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mise à jour le 30 juin 2017