Takuma Ito nous a quittés le 25 octobre 2024.
Doctorant en Littérature française de l’Université Sorbonne nouvelle au laboratoire Thalim, il était né au Japon le 16 octobre 1989 et avait obtenu son master à l’université de Waseda. Encouragé par son professeur, Masao Suzuki, il s’était décidé à se présenter au concours autorisant un étudiant japonais à s’inscrire en thèse. Épris de poésie, il était aussi amoureux de Paris, qu’il avait découvert à l’occasion d’un échange étudiant pendant son année de licence à la Sorbonne nouvelle. Il avait souhaité y revenir en 2016 avec sa femme, Saki, pour lui faire connaître la capitale et l’avait conduite à sa grande surprise jusqu’à Zurich sur le site du Cabaret Voltaire pour célébrer le centenaire de Dada. C’était devenu une évidence : il ferait sa thèse sur Tzara, à Paris, dans cette université où avait enseigné l’éditeur des œuvres complètes de Tzara et où se poursuivaient des études surréalistes. Tzara l’attirait, disait-il, par le caractère paradoxal et obstinément solitaire de sa quête poétique après la période Dada — à la fois réfractaire aux disciplines de groupe, celle du surréalisme dont il s’était pourtant rapproché, comme à celle du parti communiste auquel il avait pourtant fini par adhérer au moment où les surréalistes s’en détachaient. La notion de « poésie-action » et le lien entre poésie et implication politique dans les années trente seront au centre de sa recherche. Admis à s’inscrire en thèse, Takuma Ito avait sollicité et obtenu une bourse du gouvernement français.
Ceux qui l’ont croisé à son arrivée en octobre 2017 se souviendront d’un jeune homme mince et souriant, qui fréquentait assidûment les séminaires et tous lieux où l’on parlait de poésie. Il n’était pas seulement lecteur de poésie mais écrivait aussi des poèmes, en japonais et en français. En 2022 et 2023, il travaillait aussi à la traduction d’un essai de Tristan Garcia, Nous, paru au Livre de poche en 2018. Les années passées à Paris ont été des années heureuses dont il aimait à se souvenir. Logé à la Cité Internationale, Takuma Ito rencontrait d’autres étudiants passionnés de poésie, arpentait Paris et découvrait les ressources de la BNF et de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet où se trouve un important fonds Tzara. Très discret sur sa vie privée, il ne pouvait cependant cacher sa joie à l’arrivée de sa femme qui le rejoignait à Paris et, reprenant des études universitaires, passait une licence d’histoire. Un autre grand plaisir fut leur déménagement dans un appartement du XVe arrondissement où il avait, disait-il encore, davantage l’impression d’être un parisien parmi d’autres. La détermination, l’exigence, le courage ne lui manquaient pas. Il affrontait avec résolution les obstacles : les problèmes de santé chroniques qui ont amené parfois son hospitalisation, la fin de sa bourse de thèse et la recherche d’un travail « alimentaire » à temps partiel, les semaines de confinement pendant la période de Covid qui lui fermaient l’accès aux bibliothèques, les difficultés de la langue française écrite.
Article de Takuma Ito de janvier 2022 intitulé "Vers une réception de Benjamin Fondane au Japon : depuis 1928 à nos jours" à lire. [PDF - 8 Mo]