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Wanted : traducteurs et interprètes francophones

Clare Donovan, directrice de l'ESIT et Marie Meriaud-Brischoux, directrice générale de l'ISIT

Tribune parue sur le site "lemonde.fr" le 13 octobre 2010

Nous sommes régulièrement confrontés à des demandes de nos partenaires :

- "J'aurai besoin d'interprètes dans notre réunion après-demain, mais nous n'avons qu'un tout petit budget."

- "Vous parlez anglais. Vous ne voulez pas donner un coup de main pour une traduction ?"

- "Pour nos négociations avec notre partenaire espagnol je vais demander à X de nous accompagner. Il a passé un an dans une université espagnole".

On y retrouve un certain nombre d'idées préconçues et surtout la principale : la traduction est affaire de conversion linguistique, de connaissance des langues, qui ne demande pas de compétence spécifique. S'ajoute à ce bilan le mythe du tout-anglais : "Vous travaillez encore ? Je pensais que tout le monde parlait anglais de nos jours."

Mais alors, comment se fait-il que les organisations internationales recherchent désespérément interprètes et traducteurs, qu'elles multiplient les alertes sur la relève et lancent des campagnes de recrutement ? C'est ainsi que la Commission européenne prépare une série de clips YouTube pour séduire les jeunes et les attirer vers une carrière d'interprète. Le clip destiné aux jeunes Italiens a été officiellement lancé le vendredi 24 septembre, faisant suite à d'autres en letton, en anglais, en français, en suédois, en espagnol et en allemand. Fait sans précédent, les Nations unies ont signé une convention avec seize écoles de traduction et d'interprétation en Europe et dans le monde afin d'assurer une meilleure concordance entre le bouquet de compétences des étudiants et leurs besoins. Le 23 juin dernier, un "Appel de Paris" était lancé depuis le siège de l'OCDE par les responsables linguistiques et de conférence de soixante-seize organisations internationales : "A défaut de pouvoir compter sur une nouvelle génération de diplômés en langues et de spécialistes possédant les compétences linguistiques voulues, les organisations internationales ne seront plus en mesure de s'acquitter de leurs missions premières". De son côté la direction générale de la traduction de la Commission européenne promeut un projet européen de "labellisation" des formations en traduction du niveau master, l'EMT (European Master's in Translation). On pourrait multiplier les exemples de ce type. Sans oublier que ces organisations et institutions internationales sont en concurrence avec un marché privé très demandeur, gourmand de traducteurs et d'interprètes professionnels.

Ces simples faits démontrent que la traduction et l'interprétation professionnelle ne sont pas qu'affaire de maîtrise des langues mais bien de compétences professionnelles acquises dans des formations exigeantes. La connaissance des langues n'est qu'un prérequis, et encore faut-il que leur maîtrise soit excellente, mais elle n'est que l'outil à partir duquel le travail de maîtrise des méthodologies propres à la traduction et à l'interprétation professionnelle peut se faire.

Les nombreux jeunes diplômés qui sortent des universités avec un diplôme de langues ne peuvent manifestement pas occuper les postes de traducteurs et d'interprètes. Les recruteurs sont en effet unanimes à affirmer que traduire ou interpréter nécessite une vraie compétence professionnelle, acquise lors d'une formation adaptée, de préférence au niveau du master. On retrouve là toute la différence entre la langue étudiée comme objet et la langue employée comme outil.

Les formations existent et les professionnels qui y enseignent font preuve de vitalité et de dévouement. Mais l'absence d'une reconnaissance de leur spécificité les rend fragiles. En effet la confusion entre traduction professionnelle et traduction pédagogique (l'ancienne "version") entraîne de multiples conséquences. Les diplômes de "traduction" se multiplient, sans que soit précisée de quelle traduction on parle. L'introduction de modules "interprétariat" dans les formations créent la confusion avec la capacité à être interprète de conférence. Parfois, la dimension "professionnalisante" des formations de traducteurs et d'interprètes laisse sous entendre que la recherche en est absente. L'obligation, pour des formations d'excellence, de recruter pour être efficace des traducteurs et des interprètes professionnels en activité comme enseignants limite le nombre d'enseignants-chercheurs permanents dans le corps professoral et entraine par contre coup une difficulté à entrer dans les critères "qualitatifs" universitaires qui mesure la qualité de la formation au nombre d'enseignants chercheurs docteurs ou HDR (habilités à diriger des recherches). Comprimées dans des structures rigides ou inadaptées, mal à l'aise dans des UFR de linguistique ou de langues étrangères, catégorisées comme "autre" face aux écoles de commerce ou d'ingénieur ces formations pourtant reconnues dans leur excellence par les recruteurs internationaux ont du mal à se faire reconnaître comme telles par les pouvoirs publics.

Les Assises de la traduction et de l'interprétation

Etrangement, la discipline universitaire "traduction" ou "traductologie" n'existe toujours pas en France - ou plutôt n'est pas reconnue, car elle se pratique. Or, la création au niveau national d'une telle discipline permettrait de reconnaître le travail des chercheurs qui sont aujourd'hui rattachés à des laboratoires de linguistique où leur spécificité n'est pas valorisée, voire nuit à leur carrière. Or celle-ci est bien vivante et revêt une dimension véritablement internationale, à l'instar des professions qui en constituent le socle.

En un temps où l'enseignement supérieur français s'interroge sur sa capacité à être visible à l'étranger, où la question de l'excellence des formations et leur pouvoir attractif pour les étudiants du monde entier est une constante du discours officiel, il peut paraître étrange que les formations d'excellence, reconnues par leurs pairs sur le plan international et drainant un nombre considérable, au regard de leur taille, d'étudiants étrangers ne rencontrent aucune reconnaissance de leur spécificité voire se trouvent plus ou moins contraintes de rentrer dans des critères "qualitatifs et quantitatifs" qui, s'ils étaient réellement appliqués, les feraient disparaître.

Les Assises de la traduction et de l'interprétation, qui se tenaient vendredi 8 octobre au centre de conférences ministériel du ministères des affaires étrangères et européennes sous le haut patronage du ministre Bernard Kouchner, ont lieu à un moment important où les prévisions sur un monde où seraient laminées les différences culturelles et linguistiques se révèlent définitivement fausses. On constate - et c'est tant mieux - que les hommes et les femmes, même mondialisés, revendiquent leur spécificité. Ils proclament leur droit à s'exprimer dans une langue qu'ils maîtrisent. Mais ce droit ne sera assuré que s'ils ont accès à une traduction de qualité, fidèle, respectueuse, éthique. Dans le même temps les entreprises qui avaient pensé régler le problème des échanges par l'utilisation d'une "novlangue", l'anglais des affaires, découvrent, un peu désarçonnées, que les négociations internationales, le management d'équipes multiculturelles se heurte aux difficultés quasi insurmontables des chocs culturels. Que derrière une "langue commune" chacun est d'abord le produit de sa culture et réinterprète le monde de l'entreprise et les relations qui en découlent à partir de cet univers identitaire.

Ce constat pourrait faire sourire les traducteurs et les interprètes professionnels puisqu'il est le fondement même de leur travail : permettre aux hommes et aux femmes, quelle que soit leur langue et leur culture de se comprendre au-delà des mots ! C'est peut-être là un vrai test de la capacité de l'enseignement supérieur français à faire coexister des formations classiques et des formations nouvelles, des filières universitaires d'excellence et des grandes écoles plus directement en phase avec le monde professionnel. Les Assises du 8 octobre avaient justement pour objectif de dérouler une logique qui part des enjeux de la mondialisation pour arriver aux exigences de la formation des acteurs clés que sont les traducteurs et les interprètes. La traduction et l'interprétation sont la métaphore de nos sociétés. Elles seules peuvent garantir un échange authentique, dans le respect de chacun. Elles méritent bien une réflexion de fond et des décisions d'exception.


mise à jour le 19 octobre 2010


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